PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
AVEC LES PÈRES DU SAINT CONCILE,
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE À JAMAIS
CONSTITUTION PASTORALE
SUR L'ÉGLISE DANS LE MONDE DE CE
TEMPS
GAUDIUM ET SPES
AVANT-PROPOS [1]
1. Étroite solidarité de l’Église avec l’ensemble de la famille humaine
Les joies et les
espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres
surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les
tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de
vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie
avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans
leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il
faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement
et intimement solidaire du genre humain et de son histoire.
2. À qui s’adresse
le Concile
1. C’est pourquoi,
après s’être efforcé de pénétrer plus avant dans le mystère de l’Église, le
deuxième Concile du Vatican n’hésite pas à s’adresser maintenant, non plus aux
seuls fils de l’Église et à tous ceux qui se réclament du Christ, mais à tous
les hommes. À tous il veut exposer comment il envisage la présence et l’action
de l’Église dans le monde d’aujourd’hui.
2. Le monde qu’il
a ainsi en vue est celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers
au sein duquel elle vit. C’est le théâtre où se joue l’histoire du genre humain,
le monde marqué par l’effort de l’homme, ses défaites et ses victoires. Pour la
foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du
Créateur ; il est tombé certes, sous l’esclavage du péché, mais le Christ, par
la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré pour qu’il
soit transformé selon le dessein de Dieu et qu’il parvienne ainsi à son
accomplissement.
3. Le
service de l’homme
1. De nos jours,
saisi d’admiration devant ses propres découvertes et son propre pouvoir, le
genre humain s’interroge cependant, souvent avec angoisse, sur l’évolution
présente du monde, sur la place et le rôle de l’homme dans l’univers, sur le
sens de ses efforts individuels et collectifs, enfin sur la destinée ultime des
choses et de l’humanité. Aussi le Concile, témoin et guide de la foi de tout le
Peuple de Dieu rassemblé par le Christ, ne saurait donner une preuve plus
parlante de solidarité, de respect et d’amour à l’ensemble de la famille humaine,
à laquelle ce peuple appartient, qu’en dialoguant avec elle sur ces différents
problèmes, en les éclairant à la lumière de l’Évangile, et en mettant à la
disposition du genre humain la puissance salvatrice que l’Église, conduite par
l’Esprit Saint, reçoit de son Fondateur. C’est en effet l’homme qu’il s’agit de
sauver, la société humaine qu’il faut renouveler. C’est donc l’homme, l’homme
considéré dans son unité et sa totalité, l’homme, corps et âme, cœur et
conscience, pensée et volonté, qui constituera l’axe de tout notre exposé.
2. Voilà pourquoi, en proclamant la très noble vocation de
l’homme et en affirmant qu’un germe divin est déposé en lui, ce saint Synode
offre au genre humain la collaboration sincère de l’Église pour l’instauration
d’une fraternité universelle qui réponde à cette vocation. Aucune ambition
terrestre ne pousse l’Église ; elle ne vise qu’un seul but : continuer, sous l’impulsion
de l’Esprit consolateur, l’œuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre
témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour
être servi [2].
EXPOSÉ PRÉLIMINAIRE :
La condition humaine dans le monde d’aujourd’hui
4. Espoirs et angoisses
1. Pour mener à
bien cette tâche, l’Église a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des
temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle
puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions
éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs
relations réciproques. Il importe donc de connaître et de comprendre ce monde
dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent
dramatique. Voici, tels qu’on peut les esquisser, quelques-uns des traits
fondamentaux du monde actuel.
2. Le genre humain
vit aujourd’hui un âge nouveau de son histoire, caractérisé par des changements
profonds et rapides qui s’étendent peu à peu à l’ensemble du globe. Provoqués
par l’homme, par son intelligence et son activité créatrice, ils rejaillissent
sur l’homme lui-même, sur ses jugements, sur ses désirs, individuels et
collectifs, sur ses manières de penser et d’agir, tant à l’égard des choses qu’à
l’égard de ses semblables. À tel point que l’on peut déjà parler d’une véritable
métamorphose sociale et culturelle dont les effets se répercutent jusque sur la
vie religieuse.
3. Comme en toute
crise de croissance, cette transformation ne va pas sans de sérieuses
difficultés. Ainsi, tandis que l’homme étend si largement son pouvoir, il ne
parvient pas toujours à s’en rendre maître. S’efforçant de pénétrer plus avant
les ressorts les plus secrets de son être, il apparaît souvent plus incertain de
lui-même. Il découvre peu à peu, et avec plus de clarté, les lois de la vie
sociale, mais il hésite sur les orientations qu’il faut lui imprimer.
4. Jamais le genre
humain n’a regorgé de tant de richesses, de tant de possibilités, d’une telle
puissance économique, et pourtant une part considérable des habitants du globe
sont encore tourmentés par la faim et la misère, et des multitudes d’êtres
humains ne savent ni lire ni écrire. Jamais les hommes n’ont eu comme
aujourd’hui un sens aussi vif de la liberté, mais, au même moment, surgissent de
nouvelles formes d’asservissement social et psychique. Alors que le monde prend
une conscience si forte de son unité, de la dépendance réciproque de tous dans
une nécessaire solidarité, le voici violemment écartelé par l’opposition de
forces qui se combattent : d’âpres dissensions politiques, sociales,
économiques, raciales et idéologiques persistent encore, et le danger demeure
d’une guerre capable de tout anéantir. L’échange des idées s’accroît ; mais les
mots mêmes qui servent à exprimer des concepts de grande importance revêtent des
acceptions fort différentes suivant la diversité des idéologies. Enfin, on
recherche avec soin une organisation temporelle plus parfaite, sans que ce
progrès s’accompagne d’un égal essor spirituel.
5. Marqués par une
situation si complexe, un très grand nombre de nos contemporains ont beaucoup de
mal à discerner les valeurs permanentes ; en même temps, ils ne savent comment
les harmoniser avec les découvertes récentes. Une inquiétude les saisit et ils
s’interrogent avec un mélange d’espoir et d’angoisse sur l’évolution actuelle du
monde. Celle-ci jette à l’homme un défi ; mieux, elle l’oblige à répondre.
5. Une
mutation profonde
1. L’ébranlement
actuel des esprits et la transformation des conditions de vies sont liés à une
mutation d’ensemble qui tend à la prédominance, dans la formation de l’esprit,
des sciences mathématiques, naturelles ou humaines et, dans l’action, de la
technique, fille des sciences. Cet esprit scientifique a façonné d’une manière
différente du passé l’état culturel et les modes de penser. Les progrès de la
technique vont jusqu’à transformer la face de la terre et, déjà, se lancent à la
conquête de l’espace.
2. Sur le temps
aussi, l’intelligence humaine étend en quelque sorte son empire : pour le passé,
par la connaissance historique ; pour l’avenir, par la prospective et la
planification. Les progrès des sciences biologiques, psychologiques et sociales
ne permettent pas seulement à l’homme de se mieux connaître, mais lui
fournissent aussi le moyen d’exercer une influence directe sur la vie des
sociétés par l’emploi de techniques appropriées. En même temps, le genre humain
se préoccupe, et de plus en plus, de prévoir désormais son propre développement
démographique et de le contrôler.
3. Le mouvement
même de l’histoire devient si rapide que chacun a peine à le suivre. Le destin
de la communauté humaine devient un, et il ne se diversifie plus comme en autant
d’histoires séparées entre elles. Bref, le genre humain passe d’une notion
plutôt statique de l’ordre des choses à une conception plus dynamique et
évolutive : de là naît, immense, une problématique nouvelle, qui provoque à de
nouvelles analyses et à de nouvelles synthèses.
6.
Changements dans l’ordre social
1. Du même coup,
il se produit des changements, de jour en jour plus importants, dans les
communautés locales traditionnelles (familles patriarcales, clans, tribus,
villages), dans les différents groupes et les rapports sociaux.
2. Une société de
type industriel s’étend peu à peu, amenant certains pays à une économie
d’opulence et transformant radicalement les conceptions et les conditions
séculaires de la vie en société. De la même façon, la civilisation urbaine et
l’attirance qu’elle provoque s’intensifient, soit par la multiplication des
villes et de leurs habitants, soit par l’expansion du mode de vie urbain au
monde rural.
3. Des moyens de
communication sociale nouveaux, et sans cesse plus perfectionnés, favorisent la
connaissance des événements et la diffusion extrêmement rapide et universelle
des idées et des sentiments, suscitant ainsi de nombreuses réactions en chaîne.
4. On ne doit pas
négliger non plus le fait que tant d’hommes poussés par diverses raisons à
émigrer sont amenés à changer de mode de vie.
5. En somme, les
relations de l’homme avec ses semblables se multiplient sans cesse, tandis que
la « socialisation » elle-même entraîne à son tour de nouveaux liens, sans
favoriser toujours pour autant, comme il le faudrait, le plein développement de
la personne et des relations vraiment personnelles, c’est-à-dire la «
personnalisation ».
6. En vérité,
cette évolution se manifeste surtout dans les nations qui bénéficient déjà des
avantages du progrès économique et technique ; mais elle est aussi à l’œuvre
chez les peuples en voie de développement qui souhaitent procurer à leurs pays
les bienfaits de l’industrialisation et de l’urbanisation. Ces peuples, surtout
s’ils sont attachés à des traditions plus anciennes, ressentent en même temps le
besoin d’exercer leur liberté d’une façon plus adulte et plus personnelle.
7.
Changements psychologiques, moraux, religieux
1. La
transformation des mentalités et des structures conduit souvent à une remise en
question des valeurs reçues, tout particulièrement chez les jeunes :
fréquemment, ils ne supportent pas leur état ; bien plus, l’inquiétude en fait
des révoltés, tandis que, conscients de leur importance dans la vie sociale, ils
désirent y prendre au plus tôt leurs responsabilités. C’est pourquoi il n’est
pas rare que parents et éducateurs éprouvent des difficultés croissantes dans
l’accomplissement de leur tâche.
2. Les cadres de
vie, les lois, les façons de penser et de sentir hérités du passé ne paraissent
pas toujours adaptés à l’état actuel des choses : d’où le désarroi du
comportement et même des règles de conduite.
3. Les conditions
nouvelles affectent enfin la vie religieuse elle-même. D’une part, l’essor de
l’esprit critique la purifie d’une conception magique du monde et des
survivances superstitieuses, et exige une adhésion de plus en plus personnelle
et active à la foi, nombreux sont ainsi ceux qui parviennent à un sens plus
vivant de Dieu. D’autre part, des multitudes sans cesse plus denses s’éloignent
en pratique de la religion. Refuser Dieu ou la religion, ne pas s’en soucier,
n’est plus, comme en d’autres temps, un fait exceptionnel, lot de quelques
individus : aujourd’hui en effet on présente volontiers un tel comportement
comme une exigence du progrès scientifique ou de quelque nouvel humanisme. En de
nombreuses régions, cette négation ou cette indifférence ne s’expriment pas
seulement au niveau philosophique ; elles affectent aussi, et très largement, la
littérature, l’art, l’interprétation des sciences humaines et de l’histoire, la
législation elle-même : d’où le désarroi d’un grand nombre.
8. Les
déséquilibres du monde moderne
1. Une évolution
aussi rapide, accomplie souvent sans ordre et, plus encore, la prise de
conscience de plus en plus aiguë des écartèlements dont souffre le monde,
engendrent ou accroissent contradictions et déséquilibres.
2. Au niveau de la
personne elle-même, un déséquilibre se fait assez souvent jour entre
l’intelligence pratique moderne et une pensée spéculative qui ne parvient pas à
dominer la somme de ses connaissances ni à les ordonner en des synthèses
satisfaisantes. Déséquilibre également entre la préoccupation de l’efficacité
concrète et les exigences de la conscience morale, et, non moins fréquemment,
entre les conditions collectives de l’existence et les requêtes d’une pensée
personnelle, et aussi, de la contemplation. Déséquilibre enfin entre la
spécialisation de l’activité humaine et une vue générale des choses.
3. Tensions au
sein de la famille, dues soit à la pesanteur des conditions démographiques,
économiques et sociales, soit aux conflits des générations successives, soit aux
nouveaux rapports sociaux qui s’établissent entre hommes et femmes.
4. D’importants
déséquilibres naissent aussi entre les races, entre les diverses catégories
sociales, entre pays riches, moins riches et pauvres ; enfin entre les
institutions internationales nées de l’aspiration des peuples à la paix et les
propagandes idéologiques ou les égoïsmes collectifs qui se manifestent au sein
des nations et des autres groupes.
5. Défiances et
inimitiés mutuelles, conflits et calamités s’ensuivent, dont l’homme lui-même
est à la fois cause et victime.
9. Les aspirations de plus en plus universelles du genre humain
1. Pendant ce
temps, la conviction grandit que le genre humain peut et doit non seulement
renforcer sans cesse sa maîtrise sur la création, mais qu’il peut et doit en
outre instituer un ordre politique, social et économique qui soit toujours plus
au service de l’homme, et qui permette à chacun, à chaque groupe, d’affirmer sa
dignité propre et de la développer.
2. D’où les âpres
revendications d’un grand nombre qui, prenant nettement conscience des
injustices et de l’inégalité de la distribution des biens, s’estiment lésés. Les
nations en voie de développement, comme celles qui furent récemment promues à l’indépendance,
veulent participer aux bienfaits de la civilisation moderne tant au plan
économique qu’au plan politique, et jouer librement leur rôle sur la scène du
monde. Et pourtant, entre ces nations et les autres nations plus riches, dont le
développement est plus rapide, l’écart ne fait que croître, et, en même temps,
très souvent, la dépendance, y compris la dépendance économique. Les peuples de
la faim interpellent les peuples de l’opulence. Les femmes, là où elles ne l’ont
pas encore obtenue, réclament la parité de droit et de fait avec les hommes. Les
travailleurs, ouvriers et paysans, veulent non seulement gagner leur vie, mais
développer leur personnalité par leur travail, mieux, participer à l’organisation
de la vie économique, sociale, politique et culturelle. Pour la première fois
dans l’histoire, l’humanité entière n’hésite plus à penser que les bienfaits de
la civilisation peuvent et doivent réellement s’étendre à tous les peuples.
3. Mais sous
toutes ces revendications se cache une aspiration plus profonde et plus
universelle : les personnes et les groupes ont soif d’une vie pleine et libre,
d’une vie digne de l’homme, qui mette à leur propre service toutes les immenses
possibilités que leur offre le monde actuel. Quant aux nations, elles ne cessent
d’accomplir de courageux efforts pour parvenir à une certaine forme de
communauté universelle.
4. Ainsi le monde
moderne apparaît à la fois comme puissant et faible, capable du meilleur et du
pire, et le chemin s’ouvre devant lui de la liberté ou de la servitude, du
progrès ou de la régression, de la fraternité ou de la haine. D’autre part,
l’homme prend conscience que de lui dépend la bonne orientation des forces qu’il
a mises en mouvement et qui peuvent l’écraser ou le servir. C’est pourquoi il
s’interroge lui-même.
10. Les
interrogations profondes du genre humain
1. En vérité, les déséquilibres qui travaillent le monde
moderne sont liés à un déséquilibre plus fondamental qui prend racine dans le
cœur même de l’homme. C’est en l’homme lui-même, en effet, que de nombreux
éléments se combattent. D’une part, comme créa ture, il fait l’expérience de ses
multiples limites ; d’autre part, il se sent illimité dans ses désirs et appelé
à une vie supérieure. Sollicité de tant de façons, il est sans cesse contraint
de choisir et de renoncer. Pire : faible et pécheur, il accomplit souvent ce qu’il
ne veut pas et n’accomplit point ce qu’il voudrait [3].
En somme, c’est en lui-même qu’il souffre division, et c’est de là que naissent
au sein de la société tant et de si grandes discordes. Beaucoup, il est vrai,
dont la vie est imprégnée de matérialisme pratique, sont détournés par là d’une
claire perception de cette situation dramatique ; ou bien, accablés par la
misère, ils se trouvent empêchés d’y prêter attention. D’autres, en grand nombre,
pensent trouver leur tranquillité dans les diverses explications du monde qui
leur sont proposées. Certains attendent du seul effort de l’homme la libération
véritable et plénière du genre humain et ils se persuadent que le règne à venir
de l’homme sur la terre comblera tous les vœux de son cœur. Il en est d’autres
qui, désespérant du sens de la vie, exaltent les audacieux qui, jugeant l’existence
humaine dénuée par elle-même de toute signification, tentent de lui donner, par
leur seule inspiration, toute sa signification. Néanmoins, le nombre croît de
ceux qui, face à l’évolution présente du monde, se posent les questions les plus
fondamentales ou les perçoivent avec une acuité nouvelle. Qu’est-ce que l’homme
? Que signifient la souffrance, le mal, la mort, qui subsistent malgré tant de
progrès ? À quoi bon ces victoires payées d’un si grand prix ? Que peut apporter
l’homme à la société ? Que peut-il en attendre ? Qu’adviendra-t-il après cette
vie ?
2. L’Église, quant à elle, croit que le Christ, mort et
ressuscité pour tous [4],
offre à l’homme, par son Esprit, lumière et forces pour lui permettre de
répondre à sa très haute vocation. Elle croit qu’il n’est pas sous le ciel d’autre
nom donné aux hommes par lequel ils doivent être sauvés [5].
Elle croit aussi que la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine se
trouve en son Seigneur et Maître. Elle affirme en outre que, sous tous les
changements, bien des choses demeurent qui ont leur fondement ultime dans le
Christ, le même hier, aujourd’hui et à jamais [6].
C’est pourquoi, sous la lumière du Christ, image du Dieu invisible, premier-né
de toute créature [7],
le Concile se propose de s’adresser à tous, pour éclairer le mystère de l’homme
et pour aider le genre humain à découvrir la solution des problèmes majeurs de
notre temps.
Première partie :
L’Église et la vocation humaine
11. Répondre aux appels de l’Esprit
1. Mû par la foi,
se sachant conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le Peuple de
Dieu s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes
de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les
signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu. La foi, en effet,
éclaire toutes choses d’une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté
divine sur la vocation intégrale de l’homme, orientant ainsi l’esprit vers des
solutions pleinement humaines.
2. Le Concile se
propose avant tout de juger à cette lumière les valeurs les plus prisées par nos
contemporains et de les relier à leur source divine. Car ces valeurs, dans la
mesure où elles procèdent du génie humain, qui est un don de Dieu, sont fort
bonnes ; mais il n’est pas rare que la corruption du cœur humain les détourne de
l’ordre requis : c’est pourquoi elles ont besoin d’être purifiées.
3. Que pense l’Église
de l’homme ? Quelles orientations semblent devoir être proposées pour l’édification
de la société contemporaine ? Quelle signification dernière donner à l’activité
de l’homme dans l’univers ? Ces questions réclament une réponse. La réciprocité
des services que sont appelés à se rendre le Peuple de Dieu et le genre humain,
dans lequel ce peuple est inséré, apparaîtra alors avec plus de netteté : ainsi
se manifestera le caractère religieux et, par le fait même, souverainement
humain de la mission de l’Église.
CHAPITRE PREMIER :
La dignité de la personne humaine
12. L’homme
à l’image de Dieu
1. Croyants et
incroyants sont généralement d’accord sur ce point : tout sur terre doit être
ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet.
2. Mais qu’est-ce
que l’homme ? Sur lui-même, il a proposé et propose encore des opinions
multiples, diverses et même opposées, suivant lesquelles, souvent, ou bien il s’exalte
lui-même comme une norme absolue, ou bien il se rabaisse jusqu’au désespoir : d’où
ses doutes et ses angoisses. Ces difficultés, l’Église les ressent à fond.
Instruite par la Révélation divine, elle peut y apporter une réponse, où se
trouve dessinée la condition véritable de l’homme, où sont mises au clair ses
faiblesses, mais où peuvent en même temps être justement reconnues sa dignité et
sa vocation.
3. La Bible, en effet, enseigne que l’homme a été créé « à
l’image de Dieu », capable de connaître et d’aimer son Créateur, qu’il a été
constitué seigneur de toutes les créatures terrestres [8]
pour les dominer et pour s’en servir, en glorifiant Dieu [9].
« Qu’est-ce donc l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? ou le fils de l’homme
pour que tu te soucies de lui ? À peine le fis-tu moindre qu’un dieu, le
couronnant de gloire et de splendeur : tu l’établis sur l’œuvre de tes mains,
tout fut mis par toi sous ses pieds » (Ps 8, 5-7).
4. Mais Dieu n’a
pas créé l’homme solitaire : dès l’origine, « il les créa homme et femme » (Gn
1, 27). Cette société de l’homme et de la femme est l’expression première de la
communion des personnes. Car l’homme, de par sa nature profonde, est un être
social, et, sans relations avec autrui, il ne peut vivre ni épanouir ses
qualités.
5. C’est pourquoi
Dieu, lisons-nous encore dans le Bible, « regarda tout ce qu’il avait fait et le
jugea très bon » (Gn 1, 31).
13. Le péché
1. Établi par Dieu dans un état de justice, l’homme,
séduit par le Malin, dès le début de l’histoire, a abusé de sa liberté, en se
dressant contre Dieu et en désirant parvenir à sa fin hors de Dieu. Ayant connu
Dieu, « ils ne lui ont pas rendu gloire comme à un Dieu (...) mais leur cœur
inintelligent s’est enténébré », et ils ont servi la créature de préférence au
Créateur [10].
Ce que la Révélation divine nous découvre ainsi, notre propre expérience le
confirme. Car l’homme, s’il regarde au-dedans de son cœur, se découvre enclin
aussi au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son
Créateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe,
l’homme a, par le fait même, brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière,
et, en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit
par rapport aux autres hommes et à toute la création.
2. C’est donc en lui-même que l’homme est divisé. Voici
que toute la vie des hommes, individuelle et collective, se manifeste comme une
lutte, combien dramatique, entre le bien et le mal, entre la lumière et les
ténèbres. Bien plus, voici que l’homme se découvre incapable par lui-même de
vaincre effectivement les assauts du mal ; et ainsi chacun se sent comme chargé
de chaînes. Mais le Seigneur en personne est venu pour restaurer l’homme dans sa
liberté et sa force, le rénovant intérieurement et jetant dehors le prince de ce
monde (cf. Jn 12, 31), qui le retenait dans l’esclavage du péché [11].
Quant au péché, il amoindrit l’homme lui-même en l’empêchant d’atteindre sa
plénitude.
Dans la lumière de
cette Révélation, la sublimité de la vocation humaine, comme la profonde misère
de l’homme, dont tous font l’expérience, trouvent leur signification ultime.
14.
Constitution de l’homme
1. Corps et âme, mais vraiment un, l’homme est, dans sa
condition corporelle même, un résumé de l’univers des choses qui trouvent ainsi,
en lui, leur sommet, et peuvent librement louer leur Créateur [12].
Il est donc interdit à l’homme de dédaigner la vie corporelle. Mais, au
contraire, il doit estimer et respecter son corps qui a été créé par Dieu et qui
doit ressusciter au dernier jour. Toutefois, blessé par le péché, il ressent en
lui les révoltes du corps. C’est donc la dignité même de l’homme qui exige de
lui qu’il glorifie Dieu dans son corps [13],
sans le laisser asservir aux mauvais penchants de son cœur.
2. En vérité, l’homme ne se trompe pas lorsqu’il se
reconnaît supérieur aux éléments matériels et qu’il se considère comme
irréductible, soit à une simple parcelle de la nature, soit à un élément anonyme
de la cité humaine. Par son intériorité, il dépasse en effet l’univers des
choses : c’est à ces profondeurs qu’il revient lorsqu’il fait retour en lui-même
où l’attend ce Dieu qui scrute les cœurs [14]
et où il décide personnellement de son propre sort sous le regard de Dieu.
Ainsi, lorsqu’il reconnaît en lui une âme spirituelle et immortelle, il n’est
pas le jouet d’une création imaginaire qui s’expliquerait seulement par les
conditions physiques et sociales ; bien au contraire, il atteint le tréfonds
même de la réalité.
15. Dignité
de l’intelligence, vérité et sagesse
1. Participant à
la lumière de l’intelligence divine, l’homme a raison de penser que, par sa
propre intelligence, il dépasse l’univers des choses. Sans doute son génie au
long des siècles, par une application laborieuse, a fait progresser les sciences
empiriques, les techniques et les arts libéraux. De nos jours il a obtenu des
victoires hors pair, notamment dans la découverte et la conquête du monde
matériel. Toujours cependant il a cherché et trouvé une vérité plus profonde.
Car l’intelligence ne se borne pas aux seuls phénomènes ; elle est capable
d’atteindre, avec une authentique certitude, la réalité intelligible, en dépit
de la part d’obscurité et de faiblesse que laisse en elle le péché.
2. Enfin, la
nature intelligente de la personne trouve et doit trouver sa perfection dans la
sagesse. Celle-ci attire avec force et douceur l’esprit de l’homme vers la
recherche et l’amour du vrai et du bien ; l’homme qui s’en nourrit est conduit
du monde visible à l’invisible.
3. Plus que toute
autre, notre époque a besoin d’une telle sagesse, pour humaniser ses propres
découvertes, quelles qu’elles soient. L’avenir du monde serait en péril si elle
ne savait pas se donner des sages. Pourquoi ne pas ajouter cette remarque : de
nombreux pays, pauvres en biens matériels, mais riches en sagesse, pourront
puissamment aider les autres sur ce point.
4. Par le don de l’Esprit, l’homme parvient, dans la foi,
à contempler et à goûter le mystère de la volonté divine [15].
16. Dignité
de la conscience morale
1. Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence
d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu
d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien
et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : «
Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme
; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera [16].
La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est
seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre [17].
C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui
s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain [18].
Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent
chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que
soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. Plus la conscience droite
l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle
et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité. Toutefois, il
arrive souvent que la conscience s’égare, par suite d’une ignorance invincible,
sans perdre pour autant sa dignité. Ce que l’on ne peut dire lorsque l’homme se
soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend
peu à peu sa conscience presque aveugle.
17. Grandeur de la liberté Mais c’est toujours
librement que l’homme se tourne vers le bien. Cette liberté, nos contemporains
l’estiment grandement et ils la poursuivent avec ardeur. Et ils ont raison.
Souvent cependant ils la chérissent d’une manière qui n’est pas droite, comme la
licence de faire n’importe quoi, pourvu que cela plaise, même le mal. Mais la
vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. Car Dieu a
voulu le laisser à son propre conseil [19]
pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à
lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude. La dignité de l’homme
exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et
déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées
instinctives ou d’une contrainte extérieure. L’homme parvient à cette dignité
lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le choix libre du
bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s’en procurer réellement les
moyens par son ingéniosité. Ce n’est toutefois que par le secours de la grâce
divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut s’ordonner à Dieu
d’une manière effective et intégrale. Et chacun devra rendre compte de sa propre
vie devant le tribunal de Dieu, selon le bien ou le mal accompli [20].
18. Le
mystère de la mort
1. C’est en face
de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet. L’homme
n’est pas seulement tourmenté par la souffrance et la déchéance progressive de
son corps, mais plus encore, par la peur d’une destruction définitive. Et c’est
par une inspiration juste de son cœur qu’il rejette et refuse cette ruine totale
et ce définitif échec de sa personne. Le germe d’éternité qu’il porte en lui,
irréductible à la seule matière, s’insurge contre la mort. Toutes les tentatives
de la technique, si utiles qu’elles soient, sont impuissantes à calmer son
anxiété : car le prolongement de la vie que la biologie procure ne peut
satisfaire ce désir d’une vie ultérieure, invinciblement ancré dans son cœur.
2. Mais si toute imagination ici défaille, l’Église,
instruite par la Révélation divine, affirme que Dieu a créé l’homme en vue d’une
fin bienheureuse, au-delà des misères du temps présent. De plus, la foi
chrétienne enseigne que cette mort corporelle, à laquelle l’homme aurait été
soustrait s’il n’avait pas péché [21],
sera un jour vaincue, lorsque le salut, perdu par la faute de l’homme, lui sera
rendu par son tout-puissant et miséricordieux Sauveur. Car Dieu a appelé et
appelle l’homme à adhérer à lui de tout son être, dans la communion éternelle
d’une vie divine inaltérable. Cette victoire, le Christ l’a acquise en
ressuscitant [22],
libérant l’homme de la mort par sa propre mort. À partir des titres sérieux
qu’elle offre à l’examen de tout homme, la foi est ainsi en mesure de répondre à
son interrogation angoissée sur son propre avenir. Elle nous offre en même temps
la possibilité d’une communion dans le Christ avec nos frères bien-aimés qui
sont déjà morts, en nous donnant l’espérance qu’ils ont trouvé près de Dieu la
véritable vie.
19. Formes
et racines de l’athéisme
1. L’aspect le
plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à
communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l’homme de dialoguer
avec Lui commence avec l’existence humaine. Car, si l’homme existe, c’est que
Dieu l’a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l’être ; et
l’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet amour
et s’abandonne à son Créateur. Mais beaucoup de nos contemporains ne perçoivent
pas du tout ou même rejettent explicitement le rapport intime et vital qui unit
l’homme à Dieu : à tel point que l’athéisme compte parmi les faits les plus
graves de ce temps et doit être soumis à un examen très attentif.
2. On désigne sous
le nom d’athéisme des phénomènes entre eux très divers. En effet, tandis que
certains athées nient Dieu expressément, d’autres pensent que l’homme ne peut
absolument rien affirmer de lui. D’autres encore traitent le problème de Dieu de
telle façon que ce problème semble dénué de sens. Beaucoup outrepassant indûment
les limites des sciences positives, ou bien prétendent que la seule raison
scientifique explique tout, ou bien, à l’inverse, ne reconnaissent comme
définitive absolument aucune vérité. Certains font un tel cas de l’homme que la
foi en Dieu s’en trouve comme énervée, plus préoccupés qu’ils sont, semble-t-il,
d’affirmer l’homme que de nier Dieu. D’autres se représentent Dieu sous un jour
tel que, en le repoussant, ils refusent un Dieu qui n’est en aucune façon celui
de l’Évangile. D’autres n’abordent même pas le problème de Dieu : ils paraissent
étrangers à toute inquiétude religieuse et ne voient pas pourquoi ils se
soucieraient encore de religion. L’athéisme, en outre, naît souvent, soit d’une
protestation révoltée contre le mal dans le monde, soit du fait que l’on
attribue à tort à certains idéaux humains un tel caractère d’absolu qu’on en
vient à les prendre pour Dieu. La civilisation moderne elle-même, non certes par
son essence même, mais parce qu’elle se trouve trop engagée dans les réalités
terrestres, peut rendre souvent plus difficile l’approche de Dieu.
3. Certes, ceux
qui délibérément s’efforcent d’éliminer Dieu de leur cœur et d’écarter les
problèmes religieux, en ne suivant pas le « dictamen » de leur conscience, ne
sont pas exempts de faute. Mais les croyants eux-mêmes portent souvent à cet
égard une certaine responsabilité. Car l’athéisme, considéré dans son ensemble,
ne trouve pas son origine en lui-même ; il la trouve en diverses causes, parmi
lesquelles il faut compter une réaction critique en face des religions et
spécialement, en certaines régions, en face de la religion chrétienne. C’est
pourquoi, dans cette genèse de l’athéisme, les croyants peuvent avoir une part
qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l’éducation de
leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des
défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d’eux
qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le
révèlent.
20.
L’athéisme systématique
1. Souvent
l’athéisme moderne présente aussi une forme systématique, qui, abstraction faite
des autres causes, pousse le désir d’autonomie humaine à un point tel qu’il fait
obstacle à toute dépendance à l’égard de Dieu. Ceux qui professent un athéisme
de cette sorte soutiennent que la liberté consiste en ceci que l’homme est pour
lui-même sa propre fin, le seul artisan et le démiurge de sa propre histoire.
Ils prétendent que cette vue des choses est incompatible avec la reconnaissance
d’un Seigneur, auteur et fin de toutes choses ou, au moins, qu’elle rend cette
affirmation tout à fait superflue. Cette doctrine peut se trouver renforcée par
le sentiment de puissance que le progrès technique actuel confère à l’homme.
2. Parmi les
formes de l’athéisme contemporain, on ne doit pas passer sous silence celle qui
attend la libération de l’homme surtout de sa libération économique et sociale.
À cette libération s’opposerait, par sa nature même, la religion, dans la
mesure, où, érigeant l’espérance de l’homme sur le mirage d’une vie future, elle
le détournerait d’édifier la cité terrestre. C’est pourquoi les tenants d’une
telle doctrine, là où ils deviennent les maîtres du pouvoir, attaquent la
religion avec violence, utilisant pour la diffusion de l’athéisme, surtout en ce
qui regarde l’éducation de la jeunesse, tous les moyens de pression dont le
pouvoir public dispose.
21.
L’attitude de l’Église en face de l’athéisme
1. L’Église, fidèle à la fois à Dieu et à l’homme, ne peut
cesser de réprouver avec douleur et avec la plus grande fermeté, comme elle l’a
fait dans le passé [23],
ces doctrines et ces manières de faire funestes qui contredisent la raison et
l’expérience commune et font déchoir l’homme de sa noblesse native.
2. Elle s’efforce
cependant de saisir dans l’esprit des athées les causes cachées de la négation
de Dieu et, bien consciente de la gravité des problèmes que l’athéisme soulève,
poussée par son amour pour tous les hommes, elle estime qu’il lui faut soumettre
ces motifs à un examen sérieux et approfondi.
3. L’Église tient
que la reconnaissance de Dieu ne s’oppose en aucune façon à la dignité de
l’homme, puisque cette dignité trouve en Dieu lui-même ce qui la fonde et ce qui
l’achève. Car l’homme a été établi en société, intelligent et libre, par Dieu
son Créateur. Mais surtout, comme fils, il est appelé à l’intimité même de Dieu
et au partage de son propre bonheur. L’Église enseigne, en outre, que
l’espérance eschatologique ne diminue pas l’importance des tâches terrestres,
mais en soutient bien plutôt l’accomplissement par de nouveaux motifs. À
l’opposé, lorsque manquent le support divin et l’espérance de la vie éternelle,
la dignité de l’homme subit une très grave blessure, comme on le voit souvent
aujourd’hui, et l’énigme de la vie et de la mort, de la faute et de la
souffrance reste sans solution : ainsi, trop souvent, les hommes s’abîment dans
le désespoir.
4. Pendant ce
temps, tout homme demeure à ses propres yeux une question insoluble qu’il
perçoit confusément. À certaines heures, en effet, principalement à l’occasion
des grands événements de la vie, personne ne peut totalement éviter ce genre
d’interrogation. Dieu seul peut pleinement y répondre et d’une manière
irrécusable, lui qui nous invite à une réflexion plus profonde et à une
recherche plus humble.
5. Quant au remède à l’athéisme, on doit l’attendre d’une
part d’une présentation adéquate de la doctrine, d’autre part de la pureté de
vie de l’Église et de ses membres. C’est à l’Église qu’il revient en effet de
rendre présents et comme visibles Dieu le Père et son Fils incarné, en se
renouvelant et en se purifiant sans cesse [24],
sous la conduite de l’Esprit Saint. Il y faut surtout le témoignage d’une foi
vivante et adulte, c’est-à-dire d’une foi formée à reconnaître lucidement les
difficultés et capable de les surmonter. D’une telle foi, de très nombreux
martyrs ont rendu et continuent de rendre un éclatant témoignage. Sa fécondité
doit se manifester en pénétrant toute la vie des croyants, y compris leur vie
profane, et en les entraînant à la justice et à l’amour, surtout au bénéfice des
déshérités. Enfin ce qui contribue le plus à révéler la présence de Dieu, c’est
l’amour fraternel des fidèles qui travaillent d’un cœur unanime pour la foi de
l’Évangile [25]
et qui se présentent comme un signe d’unité.
6. L’Église, tout
en rejetant absolument l’athéisme, proclame toutefois, sans arrière-pensée, que
tous les hommes, croyants et incroyants, doivent s’appliquer à la juste
construction de ce monde, dans lequel ils vivent ensemble : ce qui, assurément,
n’est possible que par un dialogue loyal et prudent. L’Église déplore donc les
différences de traitement que certaines autorités civiles établissent
injustement entre croyants et incroyants, au mépris des droits fondamentaux de
la personne. Pour les croyants, elle réclame la liberté effective et la
possibilité d’élever aussi dans ce monde le temple de Dieu. Quant aux athées,
elle les invite avec humanité à examiner en toute objectivité l’Évangile du
Christ.
7. Car l’Église sait parfaitement que son message est en
accord avec le fond secret du cœur humain quand elle défend la dignité de la
vocation de l’homme, et rend ainsi l’espoir à ceux qui n’osent plus croire à la
grandeur de leur destin. Ce message, loin de diminuer l’homme, sert à son
progrès en répandant lumière, vie et liberté et, en dehors de lui, rien ne peut
combler le cœur humain : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur ne
connaît aucun répit jusqu’à ce qu’il trouve son repos en toi [26].
»
22. Le
Christ, homme nouveau
1. En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment
que dans le mystère du Verbe incarné. Adam, en effet, le premier homme, était la
figure de celui qui devait venir [27],
le Christ Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère
du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre
la sublimité de sa vocation. Il n’est donc pas surprenant que les vérités
ci-dessus trouvent en lui leur source et atteignent en lui leur point culminant.
2. « Image du Dieu invisible » (Col 1, 15) [28],
il est l’Homme parfait qui a restauré dans la descendance d’Adam la ressemblance
divine, altérée dès le premier péché. Parce qu’en lui la nature humaine a été
assumée, non absorbée [29],
par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans
égale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni
lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec
une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme [30],
il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu
l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché [31].
3. Agneau innocent, par son sang librement répandu, il
nous a mérité la vie ; et, en lui, Dieu nous a réconciliés avec lui-même et
entre nous [32],
nous arrachant à l’esclavage du diable et du péché. En sorte que chacun de nous
peut dire avec l’Apôtre : le Fils de Dieu « m’a aimé et il s’est livré lui-même
pour moi » (Ga 2, 20). En souffrant pour nous, il ne nous a pas
simplement donné l’exemple, afin que nous marchions sur ses pas [33],
mais il a ouvert une route nouvelle : si nous la suivons, la vie et la mort
deviennent saintes et acquièrent un sens nouveau.
4. Devenu conforme à l’image du Fils, premier-né d’une
multitude de frères [34],
le chrétien reçoit « les prémices de l’Esprit » (Rm 8, 23), qui le
rendent capable d’accomplir la loi nouvelle de l’amour [35].
Par cet Esprit, « gage de l’héritage » (Ep 1, 14), c’est tout l’homme qui
est intérieurement renouvelé, dans l’attente de « la rédemption du corps » (Rm
8, 23) : « Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts demeure
en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la
vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous (Rm 8, 11) [36].
Certes, pour un chrétien, c’est une nécessité et un devoir de combattre le mal
au prix de nombreuses tribulations et de subir la mort. Mais, associé au mystère
pascal, devenant conforme au Christ dans la mort, fortifié par l’espérance, il
va au-devant de la résurrection [37].
5. Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au
Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels,
invisiblement, agit la grâce [38].
En effet, puisque le Christ est mort pour tous [39]
et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine,
nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît,
la possibilité d’être associé au mystère pascal.
6. Telle est la qualité et la grandeur du mystère de l’homme,
ce mystère que la Révélation chrétienne fait briller aux yeux des croyants.
C’est donc par le Christ et dans le Christ que s’éclaire l’énigme de la douleur
et de la mort qui, hors de son Évangile, nous écrase. Le Christ est ressuscité ;
par sa mort, il a vaincu la mort, et il nous a abondamment donné la vie [40]
pour que, devenus fils dans le Fils, nous clamions dans l’Esprit : Abba, Père [41]!
CHAPITRE II :
La communauté humaine
23. But poursuivi par le Concile
1. Parmi les
principaux aspects du monde d’aujourd’hui, il faut compter la multiplication des
relations entre les hommes que les progrès techniques actuels contribuent
largement à développer. Toutefois le dialogue fraternel des hommes ne trouve pas
son achèvement à ce niveau, mais plus profondément dans la communauté des
personnes et celle-ci exige le respect réciproque de leur pleine dignité
spirituelle. La Révélation chrétienne favorise puissamment l’essor de cette
communion des personnes entre elles ; en même temps elle nous conduit à une
intelligence plus pénétrante des lois de la vie sociale, que le Créateur a
inscrites dans la nature spirituelle et morale de l’homme.
2. Mais comme de récents documents du Magistère ont
abondamment expliqué la doctrine chrétienne sur la société humaine [42],
le Concile s’en tient au rappel de quelques vérités majeures dont il expose les
fondements à la lumière de la Révélation. Il insiste ensuite sur quelques
conséquences qui revêtent une importance particulière en notre temps.
24.
Caractère communautaire de la vocation humaine dans le plan de Dieu
1. Dieu, qui
veille paternellement sur tous, a voulu que tous les hommes constituent une
seule famille et se traitent mutuellement comme des frères. Tous, en effet, ont
été créés à l’image de Dieu, « qui a fait habiter sur toute la face de la terre
tout le genre humain issu d’un principe unique » (Ac 17, 26), et tous
sont appelés à une seule et même fin, qui est Dieu lui-même.
2. À cause de
cela, l’amour de Dieu et du prochain est le premier et le plus grand
commandement. L’Écriture, pour sa part, enseigne que l’amour de Dieu est
inséparable de l’amour du prochain : « ... tout autre commandement se résume en
cette parole : tu aimeras le prochain comme toi-même... La charité est donc la
loi dans sa plénitude » (Rm 13, 9-10 ; cf. 1 Jn 4, 20). Il est
bien évident que cela est d’une extrême importance pour des hommes de plus en
plus dépendants les uns des autres et dans un monde sans cesse plus unifié.
3. Allons plus loin : quand le Seigneur Jésus prie le Père
pour que « tous soient un..., comme nous nous sommes un » (Jn 17, 21-22), il
ouvre des perspectives inaccessibles à la raison et il nous suggère qu’il y a
une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celle des fils
de Dieu dans la vérité et dans l’amour. Cette ressemblance montre bien que
l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut
pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même [43].
25.
Interdépendance de la personne et de la société
1. Le caractère social de l’homme fait apparaître qu’il y
a interdépendance entre l’essor de la personne et le développement de la société
elle-même. En effet, la personne humaine qui, de par sa nature même, a
absolument besoin d’une vie sociale [44],
est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions. La
vie sociale n’est donc pas pour l’homme quelque chose de surajouté ; aussi c’est
par l’échange avec autrui, par la réciprocité des services, par le dialogue avec
ses frères que l’homme grandit selon toutes ses capacités et peut répondre à sa
vocation.
2. Parmi les liens sociaux nécessaires à l’essor de
l’homme, certains, comme la famille et la communauté politique, correspondent
plus immédiatement à sa nature intime ; d’autres relèvent plutôt de sa libre
volonté. De nos jours, sous l’influence de divers facteurs, les relations
mutuelles et les interdépendances ne cessent de se multiplier : d’où des
associations et des institutions variées, de droit public ou privé. Même si ce
fait, qu’on nomme socialisation, n’est pas sans danger, il comporte cependant de
nombreux avantages qui permettent d’affermir et d’accroître les qualités de la
personne, et de garantir ses droits [45].
3. Mais si les
personnes humaines reçoivent beaucoup de la vie sociale pour l’accomplissement
de leur vocation, même religieuse, on ne peut cependant pas nier que les hommes,
du fait des contextes sociaux dans lesquels ils vivent et baignent dès leur
enfance, se trouvent souvent détournés du bien et portés au mal. Certes, les
désordres, si souvent rencontrés dans l’ordre social, proviennent en partie des
tensions existant au sein des structures économiques, politiques et sociales.
Mais, plus radicalement, ils proviennent de l’orgueil et de l’égoïsme des
hommes, qui pervertissent aussi le climat social. Là où l’ordre des choses a été
vicié par les suites du péché, l’homme, déjà enclin au mal par naissance,
éprouve de nouvelles incitations qui le poussent à pécher : sans efforts
acharnés, sans l’aide de la grâce, il ne saurait les vaincre.
26.
Promouvoir le bien commun
1. Parce que les liens humains s’intensifient et
s’étendent peu à peu à l’univers entier, le bien commun, c’est-à-dire cet
ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de
leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus
aisée, prend aujourd’hui une extension de plus en plus universelle, et par suite
recouvre des droits et des devoirs qui concernent tout le genre humain. Tout
groupe doit tenir compte des besoins et des légitimes aspirations des autres
groupes, et plus encore du bien commun de l’ensemble de la famille humaine [46].
2. Mais en même
temps grandit la conscience de l’éminente dignité de la personne humaine,
supérieure à toutes choses et dont les droits et les devoirs sont universels et
inviolables. Il faut donc rendre accessible à l’homme tout ce dont il a besoin
pour mener une vie vraiment humaine, par exemple : nourriture, vêtement,
habitat, droit de choisir librement son état de vie et de fonder une famille,
droit à l’éducation, au travail, à la réputation, au respect, à une information
convenable, droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la
sauvegarde de la vie privée et à une juste liberté, y compris en matière
religieuse.
3. Aussi l’ordre social et son progrès doivent-ils
toujours tourner au bien des personnes, puisque l’ordre des choses doit être
subordonné à l’ordre des personnes et non l’inverse. Le Seigneur lui-même le
suggère lorsqu’il a dit : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme
pour le sabbat [47].
» Cet ordre doit sans cesse se développer, avoir pour base la vérité, s’édifier
sur la justice, et être vivifié par l’amour ; il doit trouver dans la liberté un
équilibre toujours plus humain [48].
Pour y parvenir, il faut travailler au renouvellement des mentalités et
entreprendre de vastes transformations sociales.
4. L’Esprit de
Dieu qui, par une providence admirable, conduit le cours des temps et rénove la
face de la terre, est présent à cette évolution. Quant au ferment évangélique,
c’est lui qui a suscité et suscite dans le cœur humain une exigence incoercible
de dignité.
27. Respect
de la personne humaine
1. Pour en venir à des conséquences pratiques et qui
présentent un caractère d’urgence particulière, le Concile insiste sur le
respect de l’homme : que chacun considère son prochain, sans aucune exception,
comme « un autre lui-même», tienne compte avant tout de son existence et des
moyens qui lui sont nécessaires pour vivre dignement [49],
et se garde d’imiter ce riche qui ne prit nul souci du pauvre Lazare [50].
2. De nos jours
surtout, nous avons l’impérieux devoir de nous faire le prochain de n’importe
quel homme et, s’il se présente à nous, de le servir activement : qu’il s’agisse
de ce vieillard abandonné de tous, ou de ce travailleur étranger, méprisé sans
raison, ou de cet exilé, ou de cet enfant né d’une union illégitime qui supporte
injustement le poids d’une faute qu’il n’a pas commise, ou de cet affamé qui
interpelle notre conscience en nous rappelant la parole du Seigneur : « Chaque
fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi
que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).
3. De plus, tout
ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide,
l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré ; tout ce qui constitue
une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la
torture physique ou morale, les contraintes psychologiques ; tout ce qui est
offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les
emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le
commerce des femmes et des jeunes ; ou encore les conditions de travail
dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de
rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable : toutes ces
pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu’elles
corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore
que ceux qui les subissent et insultent gravement à l’honneur du Créateur.
28. Respect
et amour des adversaires
1. Le respect et
l’amour doivent aussi s’étendre à ceux qui pensent ou agissent autrement que
nous en matière sociale, politique ou religieuse. D’ailleurs, plus nous nous
efforçons de pénétrer de l’intérieur, avec bienveillance et amour, leurs
manières de voir, plus le dialogue avec eux deviendra aisé.
2. Certes, cet amour et cette bienveillance ne doivent en
aucune façon nous rendre indifférents à l’égard de la vérité et du bien. Mieux,
c’est l’amour même qui pousse les disciples du Christ à annoncer à tous les
hommes la vérité qui sauve. Mais on doit distinguer entre l’erreur, toujours à
rejeter, et celui qui se trompe, qui garde toujours sa dignité de personne, même
s’il se fourvoie dans des notions fausses ou insuffisantes en matière religieuse
[51].
Dieu seul juge et scrute les cœurs ; il nous interdit donc de juger de la
culpabilité interne de quiconque [52].
3. L’enseignement du Christ va jusqu’à requérir le pardon
des offenses [53]
et étend le commandement de l’amour, qui est celui de la loi nouvelle, à tous
nos ennemis : « Vous avez appris qu’il a été dit : tu aimeras ton prochain, tu
haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis, faites du bien à
ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous persécutent et vous
calomnient » (Mt 5, 43-44).
29. Égalité
essentielle de tous les hommes entre eux et justice sociale
1. Tous les
hommes, doués d’une âme raisonnable et créés à l’image de Dieu, ont même nature
et même origine ; tous, rachetés par le Christ, jouissent d’une même vocation et
d’une même destinée divine : on doit donc, et toujours davantage, reconnaître
leur égalité fondamentale.
2. Assurément,
tous les hommes ne sont pas égaux quant à leur capacité physique qui est variée,
ni quant à leurs forces intellectuelles et morales qui sont diverses. Mais toute
forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle
soit sociale ou culturelle, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur
de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée
et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu. En vérité, il est affligeant de
constater que ces droits fondamentaux de la personne ne sont pas encore partout
garantis. Il en est ainsi lorsque la femme est frustrée de la faculté de choisir
librement son époux ou d’élire son état de vie, ou d’accéder à une éducation et
une culture semblables à celles que l’on reconnaît à l’homme.
3. Au surplus, en
dépit de légitimes différences entre les hommes, l’égale dignité des personnes
exige que l’on parvienne à des conditions de vie justes et plus humaines. En
effet, les inégalités économiques et sociales excessives entre les membres ou
entre les peuples d’une seule famille humaine font scandale et font obstacle à
la justice sociale, à l’équité, à la dignité de la personne humaine ainsi qu’à
la paix sociale et internationale.
4. Que les
institutions privées ou publiques s’efforcent de se mettre au service de la
dignité et de la destinée humaines. Qu’en même temps elles luttent activement
contre toute forme d’esclavage, social ou politique ; et qu’elles garantissent
les droits fondamentaux des hommes sous tout régime politique. Et même s’il faut
un temps passablement long pour parvenir au but souhaité, toutes ces
institutions humaines doivent peu à peu répondre aux réalités spirituelles qui,
de toutes, sont les plus hautes.
30.
Nécessité de dépasser une éthique individualiste
1. L’ampleur et la
rapidité des transformations réclament d’une manière pressante que personne, par
inattention à l’évolution des choses ou par inertie, ne se contente d’une
éthique individualiste. Lorsque chacun, contribuant au bien commun selon ses
capacités propres et en tenant compte des besoins d’autrui, se préoccupe aussi,
et effectivement, de l’essor des institutions publiques ou privées qui servent à
améliorer les conditions de vie humaines, c’est alors et de plus en plus qu’il
accomplit son devoir de justice et de charité. Or il y a des gens qui, tout en
professant des idées larges et généreuses, continuent à vivre en pratique comme
s’ils n’avaient cure des solidarités sociales. Bien plus, dans certains pays,
beaucoup font peu de cas des lois et des prescriptions sociales. Un grand nombre
ne craignent pas de se soustraire, par divers subterfuges et fraudes, aux justes
impôts et aux autres aspects de la dette sociale. D’autres négligent certaines
règles de la vie en société, comme celles qui ont trait à la sauvegarde de la
santé ou à la conduite des véhicules, sans même se rendre compte que, par une
telle insouciance, ils mettent en danger leur propre vie et celle d’autrui.
2. Que tous
prennent très à cœur de compter les solidarités sociales parmi les principaux
devoirs de l’homme d’aujourd’hui, et de les respecter. En effet, plus le monde
s’unifie et plus il est manifeste que les obligations de l’homme dépassent les
groupes particuliers pour s’étendre peu à peu à l’univers entier. Ce qui ne peut
se faire que si les individus et les groupes cultivent en eux les valeurs
morales et sociales et les répandent autour d’eux. Alors, avec le nécessaire
secours de la grâce divine, surgiront des hommes vraiment nouveaux, artisans de
l’humanité nouvelle.
31.
Responsabilité et participation
1. Pour que chacun
soit mieux armé pour faire face à ses responsabilités, tant envers lui-même
qu’envers les différents groupes dont il fait partie, on aura soin d’assurer un
plus large développement culturel, en utilisant les moyens considérables dont le
genre humain dispose aujourd’hui. Avant tout, l’éducation des jeunes, quelle que
soit leur origine sociale, doit être ordonnée de telle façon qu’elle puisse
susciter des hommes et des femmes qui ne soient pas seulement cultivés, mais qui
aient aussi une forte personnalité, car notre temps en a le plus grand besoin.
2. Mais l’homme
parvient très difficilement à un tel sens de la responsabilité si les conditions
de vie ne lui permettent pas de prendre conscience de sa dignité et de répondre
à sa vocation en se dépensant au service de Dieu et de ses semblables. Car
souvent la liberté humaine s’étiole lorsque l’homme est dans un état d’extrême
indigence, comme elle se dégrade lorsque, se laissant aller à une vie de trop
grande facilité, il s’enferme en lui-même comme dans une tour d’ivoire. Elle se
fortifie en revanche lorsque l ’homme accepte les inévitables contraintes de la
vie sociale, assume les exigences multiples de la solidarité humaine et s’engage
au service de la communauté des hommes.
3. Aussi faut-il
stimuler chez tous la volonté de prendre part aux entreprises communes. Et il
faut louer la façon d’agir des nations où, dans une authentique liberté, le plus
grand nombre possible de citoyens participe aux affaires publiques. Il faut
toutefois tenir compte des conditions concrètes de chaque peuple et de la
nécessaire fermeté des pouvoirs publics. Mais pour que tous les citoyens soient
poussés à participer à la vie des différents groupes qui constituent le corps
social, il faut qu’ils trouvent en ceux-ci des valeurs qui les attirent et qui
les disposent à se mettre au service de leurs semblables. On peut légitimement
penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux
générations de demain des raisons de vivre et d’espérer.
32. Le Verbe
incarné et la solidarité humaine
1. De même que Dieu a créé les hommes non pour vivre en
solitaires, mais pour qu’ils s’unissent en société, de même il lui a plus aussi
« de sanctifier et de sauver les hommes non pas isolément, hors de tout lien
mutuel ; il a voulu au contraire en faire un peuple qui le connaîtrait selon la
vérité et le servirait dans la sainteté [54]
». Aussi, dès le début de l’histoire du salut, a-t-il choisi des hommes non
seulement à titre individuel, mais en tant que membres d’une communauté. Et ces
élus, Dieu leur a manifesté son dessein et les a appelés « son peuple » (Ex.
3, 7-12). C’est avec ce peuple qu’il a, en outre, conclu l’Alliance du Sinaï [55].
2. Ce caractère
communautaire se parfait et s’achève dans l’œuvre de Jésus Christ. Car le Verbe
incarné en personne a voulu entrer dans le jeu de cette solidarité. Il a prit
part aux noces de Cana, il s’est invité chez Zachée, il a mangé avec les
publicains et les pécheurs. C’est en évoquant les réalités les plus ordinaires
de la vie sociale, en se servant des mots et des images de l’existence la plus
quotidienne, qu’il a révélé aux hommes l’amour du Père et la magnificence de
leur vocation. Il a sanctifié les liens humains, notamment soumis aux lois de sa
patrie. Il a voulu mener la vie même d’un artisan de son temps et de sa région.
3. Dans sa
prédication, il a clairement affirmé que des fils de Dieu ont l’obligation de se
comporter entre eux comme des frères. Dans sa prière, il a demandé que tous ses
disciples soient « un». Bien plus, lui-même s’est offert pour tous jusqu’à la
mort, lui, le rédempteur de tous. « Il n’y a pas de plus grand amour que de
donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). Quant à ses Apôtres, il leur a
ordonné d’annoncer à toutes les nations le message évangélique, pour faire du
genre humain la famille de Dieu, dans laquelle la plénitude de la loi serait l’amour.
4. Premier-né
parmi beaucoup de frères, après sa mort et sa résurrection, par le don de son
Esprit il a institué, entre tous ceux qui l’accueillent par la foi et la charité,
une nouvelle communion fraternelle : elle se réalise en son propre Corps, qui
est l’Église. En ce Corps, tous, membres les uns des autres, doivent s’entraider
mutuellement, selon la diversité des dons reçus.
5. Cette
solidarité devra sans cesse croître, jusqu’au jour où elle trouvera son
couronnement : ce jour-là, les hommes, sauvés par la grâce, famille bien-aimée
de Dieu et du Christ leur frère, rendront à Dieu une gloire parfaite.
CHAPITRE III :
L’activité humaine dans l’univers
33. Position
du problème
1. Par son travail
et son génie, l’homme s’est toujours efforcé de donner un plus large
développement à sa vie. Mais aujourd’hui, aidé par la science et la technique,
il a étendu sa maîtrise sur presque toute la nature, et il ne cesse de l’étendre
; et, grâce notamment à la multiplication des moyens d’échange de toutes sortes
entre les nations, la famille humaine se reconnaît et se constitue peu à peu
comme une communauté une au sein de l’univers. Il en résulte que l’homme se
procure désormais par sa propre industrie de nombreux biens qu’il attendait
autrefois avant tout de forces supérieures.
2. Devant cette
immense entreprise, qui gagne déjà tout le genre humain, de nombreuses
interrogations s’élèvent parmi les hommes : quels sont le sens et la valeur de
cette laborieuse activité ? Quel usage faire de toutes ces richesses ? Quelle
est la fin de ces efforts, individuels et collectifs ? L’Église, gardienne du
dépôt de la parole divine, où elle puise les principes de l’ordre religieux et
moral, n’a pas toujours, pour autant, une réponse immédiate à chacune de ces
questions ; elle désire toutefois joindre la lumière de la Révélation à l’expérience
de tous, pour éclairer le chemin où l’humanité vient de s’engager.
34. Valeur
de l’activité humaine
1. Pour les croyants, une chose est certaine : considérée
en elle-même, l’activité humaine, individuelle et collective, ce gigantesque
effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s’acharnent à améliorer
leurs conditions de vie, correspond au dessein de Dieu. L’homme, créé à l’image
de Dieu, a en effet reçu la mission de soumettre la terre et tout ce qu’elle
contient, de gouverner le cosmos en sainteté et justice [56]
et, en reconnaissant Dieu comme Créateur de toutes choses, de lui référer son
être ainsi que l’univers : en sorte que, tout étant soumis à l’homme, le nom
même de Dieu soit glorifié par toute la terre [57].
2. Cet enseignement vaut aussi pour les activités les plus
quotidiennes. Car ces hommes et ces femmes qui, tout en gagnant leur vie et
celle de leur famille, mènent leurs activités de manière à bien servir la
société, sont fondés à voir dans leur travail un prolongement de l’œuvre du
Créateur, un service de leurs frères, un apport personnel à la réalisation du
plan providentiel dans l’histoire [58].
3. Loin d’opposer les conquêtes du génie et du courage de
l’homme à la puissance de Dieu et de considérer la créature raisonnable comme
une sorte de rivale du Créateur, les chrétiens sont au contraire bien persuadés
que les victoires du genre humain sont un signe de la grandeur divine et une
conséquence de son dessein ineffable. Mais plus grandit le pouvoir de l’homme
plus s’élargit le champ de ses responsabilités, personnelles et communautaires.
On voit par là que le message chrétien ne détourne pas les hommes de la
construction du monde et ne les incite pas à se désintéresser du sort de leurs
semblables : il leur en fait au contraire un devoir plus pressant [59].
35. Normes
de l’activité humaine
1. De même qu’elle procède de l’homme, l’activité humaine
lui est ordonnée. De fait, par son action, l’homme ne transforme pas seulement
les choses et la société, il se parfait lui-même. Il apprend bien des choses, il
développe ses facultés, il sort de lui-même et se dépasse. Cet essor, bien
conduit, est d’un tout autre prix que l’accumulation possible de richesses
extérieures. L’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a [60].
De même, tout ce que font les hommes pour faire régner plus de justice, une
fraternité plus étendue, un ordre plus humain dans les rapports sociaux, dépasse
en valeur les progrès techniques. Car ceux-ci peuvent bien fournir la base
matérielle de la promotion humaine, mais ils sont tout à fait impuissants, par
eux seuls, à la réaliser.
2. Voici donc la
règle de l’activité humaine : qu’elle soit conforme au bien authentique de
l’humanité, selon le dessein et la volonté de Dieu, et qu’elle permette à
l’homme, considéré comme individu ou comme membre de la société, de s’épanouir
selon la plénitude de sa vocation.
36. Juste
autonomie des réalités terrestres
1. Pourtant, un
grand nombre de nos contemporains semblent redouter un lien étroit entre
l’activité concrète et la religion : ils y voient un danger pour l’autonomie des
hommes, des sociétés et des sciences.
2. Si, par autonomie des réalités terrestres, on veut dire
que les choses créées et les sociétés elles-mêmes ont leurs lois et leurs
valeurs propres, que l’homme doit peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et
à organiser, une telle exigence d’autonomie est pleinement légitime : non
seulement elle est revendiquée par les hommes de notre temps, mais elle
correspond à la volonté du Créateur. C’est en vertu de la création même que
toutes choses sont établies selon leur ordonnance et leurs lois et leurs valeurs
propres, que l’homme doit peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et à
organiser. Une telle exigence d’autonomie est pleinement légitime : non
seulement elle est revendiquée par les hommes de notre temps, mais elle
correspond à la volonté du Créateur. C’est en vertu de la création même que
toutes choses sont établies selon leur consistance, leur vérité et leur
excellence propres, avec leur ordonnance et leurs lois spécifiques. L’homme doit
respecter tout cela et reconnaître les méthodes particulières à chacune des
sciences et techniques. C’est pourquoi la recherche méthodique, dans tous les
domaines du savoir, si elle est menée d’une manière vraiment scientifique et si
elle suit les normes de la morale, ne sera jamais réellement opposée à la foi :
les réalités profanes et celles de la foi trouvent leur origine dans le même
Dieu [61].
Bien plus, celui qui s’efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les
secrets des choses, celui-là, même s’il n’en a pas conscience, est comme conduit
par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce qu’ils sont. À
ce propos, qu’on nous permette de déplorer certaines attitudes qui ont existé
parmi les chrétiens eux-mêmes, insuffisamment avertis de la légitime autonomie
de la science. Sources de tensions et de conflits, elles ont conduit beaucoup
d’esprits jusqu’à penser que science et foi s’opposaient [62].
3. Mais si, par «
autonomie du temporel», on veut dire que les choses créées ne dépendent pas de
Dieu et que l’homme peut en disposer sans référence au Créateur, la fausseté de
tels propos ne peut échapper à quiconque reconnaît Dieu. En effet, la créature
sans Créateur s’évanouit. Du reste, tous les croyants, à quelque religion qu’ils
appartiennent, ont toujours entendu la voix de Dieu et sa manifestation, dans le
langage des créatures. Et même, l’oubli de Dieu rend opaque la créature
elle-même.
37.
L’activité humaine détériorée par le péché
1. En accord avec
l’expérience des siècles, l’Écriture enseigne à la famille humaine que le
progrès, grand bien pour l’homme, entraîne aussi avec lui une sérieuse
tentation. En effet, lorsque la hiérarchie des valeurs est troublée et que le
mal et le bien s’entremêlent, les individus et groupes ne regardent plus que
leurs intérêts propres et non ceux des autres. Aussi le monde ne se présente pas
encore comme le lieu d’une réelle fraternité, tandis que le pouvoir accru de
l’homme menace de détruire le genre humain lui-même.
2. Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe
à travers toute l’histoire des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le
Seigneur nous l’a dit [63]
jusqu’au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l’homme doit sans cesse
combattre pour s’attacher au bien ; et ce n’est qu’au prix de grands efforts,
avec la grâce de Dieu, qu’il parvient à réaliser son unité intérieure.
3. C’est pourquoi
l’Église du Christ reconnaît, certes, que le progrès humain peut servir au
bonheur véritable des hommes, et elle fait ainsi confiance au dessein du
Créateur ; mais elle ne peut pas cependant ne pas faire écho à la parole de
l’Apôtre : « Ne vous modelez pas sur le monde présent » (Rm 12, 2),
c’est-à-dire sur cet esprit de vanité et de malice qui change l’activité
humaine, ordonnée au service de Dieu et de l’homme, en instrument de péché.
4. À qui demande comment une telle misère peut être
surmontée, les chrétiens confessent que toutes les activités humaines,
quotidiennement déviées par l’orgueil de l’homme et l’amour désordonné de soi,
ont besoin d’être purifiées et amenées à leur perfection par la croix et la
résurrection du Christ. Racheté par le Christ et devenu une nouvelle créature
dans l’Esprit Saint, l’homme peut et doit, en effet, aimer ces choses que Dieu
lui-même a créées. Car c’est de Dieu qu’il les reçoit : il les voit comme
jaillissant de sa main et les respecte. Pour elles, il remercie son divin
bienfaiteur, il en use et il en jouit dans un esprit de pauvreté et de liberté ;
il est alors introduit dans la possession véritable du monde, comme quelqu’un
qui n’a rien et qui possède tout [64].
« Car tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu » (1
Co 3, 22-23).
38. L’activité humaine et son achèvement dans le mystère pascal
1. Le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s’est
lui-même fait chair et est venu habiter la terre des hommes [65].
Homme parfait, il est entré dans l’histoire du monde, l’assumant et la
récapitulant en lui [66].
C’est lui qui nous révèle que « Dieu est charité » (cf. 1 Jn 4, 8) et qui
nous enseigne en même temps que la loi fondamentale de la perfection humaine, et
donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de l’amour. À
ceux qui croient à la divine charité, il apporte ainsi la certitude que la voie
de l’amour est ouverte à tous les hommes et que l’effort qui tend à instaurer
une fraternité universelle n’est pas vain. Il nous avertit aussi que cette
charité ne doit pas seulement s’exercer dans des actions d’éclat, mais, et avant
tout, dans le quotidien de la vie. En acceptant de mourir pour nous tous,
pécheurs [67],
il nous apprend, par son exemple, que nous devons aussi porter cette croix que
la chair et le monde font peser sur les épaules de ceux qui poursuivent la
justice et la paix. Constitué Seigneur par sa résurrection, le Christ à qui tout
pouvoir a été donné, au ciel et sur la terre [68]
agit désormais dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit ; il anime
aussi, purifie et fortifie ces aspirations généreuses qui poussent la famille
humaine à améliorer ses conditions de vie et à soumettre à cette fin la terre
entière. Assurément les dons de l’Esprit sont divers : tandis qu’il appelle
certains à témoigner ouvertement du désir de la demeure céleste et à garder
vivant ce témoignage dans la famille humaine, il appelle les autres à se vouer
au service terrestre des hommes, préparant par ce ministère la matière du
Royaume des cieux. Mais de tous il fait des hommes libres pour que, renonçant à
l’amour-propre et rassemblant toutes les énergies terrestres pour la vie humaine,
ils s’élancent vers l’avenir, vers ce temps où l’humanité elle-même deviendra
une offrande agréable à Dieu [69].
2. Le Seigneur a
laissé aux siens les arrhes de cette espérance et un aliment pour la route : le
sacrement de la foi, dans lequel des éléments de la nature, cultivés par l’homme,
sont changés en son Corps et en son Sang glorieux. C’est le repas de la
communion fraternelle, une anticipation du banquet céleste.
39. Terre
nouvelle et cieux nouveaux
1. Nous ignorons le temps de l’achèvement de la terre et
de l’humanité [70],
nous ne connaissons pas le mode de transformation du cosmos. Elle passe, certes,
la figure de ce monde déformée par le péché [71];
mais, nous l’avons appris, Dieu nous prépare une nouvelle terre où régnera la
justice [72]
et dont la béatitude comblera et dépassera tous les désirs de paix qui montent
au cœur de l’homme [73].
Alors, la mort vaincue, les fils de Dieu ressusciteront dans le Christ, et ce
qui fut semé dans la faiblesse et la corruption revêtira l’incorruptibilité [74].
La charité et ses œuvres demeureront [75]
et toute cette création que Dieu a faite pour l’homme sera délivrée de l’esclavage
de la vanité [76].
2. Certes, nous savons bien qu’il ne sert à rien à l’homme
de gagner l’univers s’il vient à se perdre lui-même [77],
mais l’attente de la nouvelle terre, loin d’affaiblir en nous le souci de
cultiver cette terre, doit plutôt le réveiller : le corps de la nouvelle famille
humaine y grandit, qui offre déjà quelque ébauche du siècle à venir. C’est
pourquoi, s’il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la
croissance du règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup d’importance pour
le Royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à une meilleure
organisation de la société humaine [78].
3. Car ces valeurs de dignité, de communion fraternelle et
de liberté, tous ces fruits de notre nature et de notre industrie, que nous
aurons propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit,
nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés,
transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père « un Royaume éternel et
universel : Royaume de vérité et de vie, Royaume de sainteté et de grâce,
Royaume de justice, d’amour et de paix [79]
». Mystérieusement, le Royaume est déjà présent sur cette terre ; il atteindra
sa perfection quand le Seigneur reviendra.
CHAPITRE IV :
Le rôle de l’Église dans le monde de ce temps
40. Rapports
mutuels de l’Église et du monde
1. Tout ce que nous avons dit sur la dignité de la
personne humaine, sur la communauté des hommes, sur le sens profond de l’activité
humaine, constitue le fondement du rapport qui existe entre l’Église et le
monde, et la base de leur dialogue mutuel [80].
C’est pourquoi, en supposant acquis tout l’enseignement déjà fixé par le Concile
sur le mystère de l’Église, ce chapitre va maintenant traiter de cette même
Église en tant qu’elle est dans ce monde et qu’elle vit et agit avec lui.
2. Née de l’amour du Père éternel [81],
fondée dans le temps par le Christ rédempteur, rassemblée dans l’Esprit Saint [82],
l’Église poursuit une fin salvifique et eschatologique qui ne peut être
pleinement atteinte que dans le siècle à venir. Mais, dès maintenant présente
sur cette terre, elle se compose d’hommes, de membres de la cité terrestre, qui
ont vocation de former, au sein même de l’histoire humaine, la famille des
enfants de Dieu, qui doit croître sans cesse jusqu’à la venue du Seigneur. Unie
en vue des biens célestes, riche de ces biens, cette famille « a été constituée
et organisée en ce monde comme une société [83]
» par le Christ, et elle a été dotée « de moyens capables d’assurer son union
visible et sociale [84]
». À la fois « assemblée visible et communauté spirituelle [85]
», l’Église fait ainsi route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre
du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l’âme de la société
humaine [86]
appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu.
3. À vrai dire,
cette compénétration de la cité terrestre et de la cité céleste ne peut être
perçue que par la foi ; bien plus, elle demeure le mystère de l’histoire humaine
qui, jusqu’à la pleine révélation de la gloire des fils de Dieu, sera troublée
par le péché. Mais l’Église, en poursuivant la fin salvifique qui lui est propre,
ne communique pas seulement à l’homme la vie divine ; elle répand aussi, et
d’une certaine façon sur le monde entier, la lumière que cette vie divine
irradie, notamment en guérissant et en élevant la dignité de la personne humaine,
en affermissant la cohésion de la société et en procurant à l’activité
quotidienne des hommes un sens plus profond, la pénétrant d’une signification
plus haute. Ainsi, par chacun de ses membres comme par toute la communauté qu’elle
forme, l’Église croit pouvoir largement contribuer à humaniser toujours plus la
famille des hommes et son histoire.
4. En outre,
l’Église catholique fait grand cas de la contribution que les autres Églises
chrétiennes ou communautés ecclésiales ont apportée et continuent d’apporter à
la réalisation de ce même but ; et elle s’en réjouit. En même temps, elle est
fermement convaincue que, pour préparer les voies à l’Évangile, le monde peut
lui apporter une aide précieuse et diverse par les qualités et l’activité des
individus ou des sociétés qui le composent. Voici quelques principes généraux
concernant le bon développement des échanges entre l’Église et le monde et de
leur aide mutuelle dans les domaines qui leur sont en quelque sorte communs.
41. Aide que
l’Église veut offrir à tout homme
1. L’homme moderne
est en marche vers un développement plus complet de sa personnalité, vers une
découverte et une affirmation toujours croissantes de ses droits. L’Église, pour
sa part, qui a reçu la mission de manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui
est la fin ultime de l’homme, révèle en même temps à l’homme le sens de sa
propre existence, c’est-à-dire sa vérité essentielle. L’Église sait parfaitement
que Dieu seul, dont elle est la servante, répond aux plus profonds désirs du
cœur humain que jamais ne rassasient pleinement les nourritures terrestres. Elle
sait aussi que l’homme, sans cesse sollicité par l’Esprit de Dieu, ne sera
jamais tout à fait indifférent au problème religieux, comme le prouvent non
seulement l’expérience des siècles passés, mais de multiples témoignages de
notre temps. L’homme voudra toujours connaître, ne serait-ce que confusément, la
signification de sa vie, de ses activités et de sa mort. Ces problèmes, la
présence même de l’Église les lui rappelle. Or Dieu seul, qui a créé l’homme à
son image et l’a racheté du péché, peut répondre à ces questions en plénitude.
Il le fait par la révélation dans son Fils, qui s’est fait homme. Quiconque suit
le Christ, homme parfait, devient lui-même plus homme.
2. Appuyée sur cette foi, l’Église peut soustraire la
dignité de la nature humaine à toutes les fluctuations des opinions qui, par
exemple, rabaissent exagérément le corps humain, ou au contraire l’exaltent sans
mesure. Aucune loi humaine ne peut assurer la dignité personnelle et la liberté
de l’homme comme le fait l’Évangile du Christ, confié à l’Église. Cet Évangile
annonce et proclame la liberté des enfants de Dieu, rejette tout esclavage qui
enfin de compte provient du péché [87],
respecte scrupuleusement la dignité de la conscience et son libre choix,
enseigne sans relâche à faire fructifier tous les talents humains au service de
Dieu et pour le bien des hommes, enfin confie chacun à l’amour de tous [88].
Tout cela correspond à la loi fondamentale de l’économie chrétienne. Car, si le
même Dieu est à la fois Créateur et Sauveur, Seigneur et de l’histoire humaine
et de l’histoire du salut, cet ordre divin lui-même, loin de supprimer la juste
autonomie de la créature, et en particulier de l’homme, la rétablit et la
confirme au contraire dans sa dignité.
3. C’est pourquoi
l’Église, en vertu de l’Évangile qui lui a été confié, proclame les droits des
hommes, reconnaît et tient en grande estime le dynamisme de notre temps qui,
partout, donne un nouvel élan à ces droits. Ce mouvement toutefois doit être
imprégné de l’esprit de l’Évangile et garanti contre toute idée de fausse
autonomie. Nous sommes, en effet, exposés à la tentation d’estimer que nos
droits personnels ne sont pleinement maintenus que lorsque nous sommes dégagés
de toute norme de la loi divine. Mais, en suivant cette voie, la dignité
humaine, loin d’être sauvée, s’évanouit.
42. Aide que
l’Église cherche à apporter à la société humaine
1. L’union de la famille humaine trouve une grande vigueur
et son achèvement dans l’unité de la famille des fils de Dieu, fondée dans le
Christ [89].
2. Certes, la mission propre que le Christ a confiée à son
Église n’est ni d’ordre politique, ni d’ordre économique ou social : le but
qu’il lui a assigné est d’ordre religieux [90].
Mais, précisément, de cette mission religieuse découlent une fonction, des
lumières et des forces qui peuvent servir à constituer et à affermir la
communauté des hommes selon la loi divine. De même, lorsqu’il le faut et compte
tenu des circonstances de temps et de lieu, l’Église peut elle-même, et elle le
doit, susciter des œuvres destinées au service de tous, notamment des indigents,
comme les œuvres charitables et autres du même genre.
3. L’Église reconnaît aussi tout ce qui est bon dans le
dynamisme social d’aujourd’hui, en particulier le mouvement vers l’unité, les
progrès d’une saine socialisation et de la solidarité au plan civique et
économique. En effet, promouvoir l’unité s’harmonise avec la mission profonde de
l’Église, puisqu’elle est « dans le Christ, comme le sacrement, c’est-à-dire à
la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu, et de l’unité de tout
le genre humain [91]».
Sa propre réalité manifeste ainsi au monde qu’une véritable union sociale
visible découle de l’union des esprits et des cœurs, à savoir de cette foi et de
cette charité, sur lesquelles, dans l’Esprit Saint, son unité est
indissolublement fondée. Car l’énergie que l’Église est capable d’insuffler à la
société moderne se trouve dans cette foi et dans cette charité effectivement
vécues et ne s’appuie pas sur une souveraineté extérieure qui s’exercerait par
des moyens purement humains.
4. Comme de plus,
de par sa mission et sa nature, l’Église n’est liée à aucune forme particulière
de culture, ni à aucun système politique, économique ou social, par cette
universalité même, l’Église peut être un lien très étroit entre les différentes
communautés humaines et entre les différentes nations, pourvu qu’elles lui
fassent confiance et lui reconnaissent en fait une authentique liberté pour l’accomplissement
de sa mission. C’est pourquoi l’Église avertit ses fils, et même tous les hommes,
qu’il leur faut dépasser, dans cet esprit de la famille des enfants de Dieu,
toutes les dissensions entre nations et entre races et consolider de l’intérieur
les légitimes associations humaines.
5. Tout ce qu’il y
a de vrai, de bon, de juste, dans les institutions très variées que s’est
données et que continue à se donner le genre humain, le Concile le considère
donc avec un grand respect. Il déclare aussi que l’Église veut aider et
promouvoir toutes ces institutions, pour autant qu’il dépend d’elle, et que
cette tâche est compatible avec sa mission. Ce qu’elle désire par-dessus tout,
c’est de pouvoir se développer librement, à l’avantage de tous, sous tout régime
qui reconnaît les droits fondamentaux de la personne, de la famille, et les
impératifs du bien commun.
43. Aide que l’Église, par les chrétiens, cherche à apporter à l’activité
humaine
1. Le Concile exhorte les chrétiens, citoyens de l’une et
de l’autre cité, à remplir avec zèle et fidélité leurs tâches terrestres, en se
laissant conduire par l’esprit de l’Évangile. Ils s’éloignent de la vérité ceux
qui, sachant que nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais que nous
marchons vers la cité future [92]
croient pouvoir, pour cela, négliger leurs tâches humaines, sans s’apercevoir
que la foi même, compte tenu de la vocation de chacun, leur en fait un devoir
plus pressant [93].
Mais ils ne se trompent pas moins ceux qui, à l’inverse, croient pouvoir se
livrer entièrement à des activités terrestres en agissant comme si elles étaient
tout à fait étrangères à leur vie religieuse – celle-ci se limitant alors pour
eux à l’exercice du culte et à quelques obligations morales déterminées. Ce
divorce entre la foi dont ils se réclament et le comportement quotidien d’un
grand nombre est à compter parmi les plus graves erreurs de notre temps. Ce
scandale, déjà dans l’Ancien Testament les prophètes le dénonçaient avec
véhémence [94]
et, dans le Nouveau Testament avec plus de force, Jésus Christ lui-même le
menaçait de graves châtiments [95].
Que l’on ne crée donc pas d’opposition artificielle entre les activités
professionnelles et sociales d’une part, la vie religieuse d’autre part. En
manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations
envers le prochain, bien plus, envers Dieu lui-même, et il met en danger son
salut éternel. À l’exemple du Christ qui mena la vie d’un artisan, que les
chrétiens se réjouissent plutôt de pouvoir mener toutes leurs activités
terrestres en unissant dans une synthèse vitale tous les efforts humains,
familiaux, professionnels, scientifiques, techniques, avec les valeurs
religieuses, sous la souveraine ordonnance desquelles tout se trouve coordonné à
la gloire de Dieu.
2. Aux laïcs reviennent en propre, quoique non
exclusivement, les professions et les activités séculières. Lorsqu’ils agissent,
soit individuellement, soit collectivement, comme citoyens du monde, ils auront
donc à cœur, non seulement de respecter les lois propres à chaque discipline,
mais d’y acquérir une véritable compétence. Ils aimeront collaborer avec ceux
qui poursuivent les mêmes objectifs qu’eux. Conscients des exigences de leur foi
et nourris de sa force, qu’ils n’hésitent pas, au moment opportun, à prendre de
nouvelles initiatives et à en assurer la réalisation. C’est à leur conscience,
préalablement formée, qu’il revient d’inscrire la loi divine dans la cité
terrestre. Qu’ils attendent des prêtres lumières et forces spirituelles. Qu’ils
ne pensent pas pour autant que leurs pasteurs aient une compétence telle qu’ils
puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même
grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission. Mais plutôt,
éclairés par la sagesse chrétienne, prêtant fidèlement attention à l’enseignement
du Magistère [96],
qu’ils prennent eux-mêmes leurs responsabilités.
3. Fréquemment,
c’est leur vision chrétienne des choses qui les inclinera à telle ou telle
solution, selon les circonstances. Mais d’autres fidèles, avec une égale
sincérité, pourront en juger autrement, comme il advient souvent et à bon droit.
S’il arrive que beaucoup lient facilement, même contre la volonté des
intéressés, les options des uns ou des autres avec le message évangélique, on se
souviendra en pareil cas que personne n’a le droit de revendiquer d’une manière
exclusive pour son opinion l’autorité de l’Église. Que toujours, dans un
dialogue sincère, ils cherchent à s’éclairer mutuellement, qu’ils gardent entre
eux la charité et qu’ils aient avant tout le souci du bien commun.
4. Les laïcs, qui
doivent activement participer à la vie totale de l’Église, ne doivent pas
seulement s’en tenir à l’animation chrétienne du monde, mais ils sont aussi
appelés à être, en toutes circonstances et au cœur même de la communauté
humaine, les témoins du Christ.
5. Quant aux évêques, qui ont reçu la charge de diriger
l’Église de Dieu, qu’ils prêchent avec leurs prêtres le message du Christ de
telle façon que toutes les activités terrestres des fidèles puissent être
baignées de la lumière de l’Évangile. En outre, que tous les pasteurs se
souviennent que, par leur comportement quotidien et leur sollicitude [97],
ils manifestent au monde un visage de l’Église d’après lequel les hommes jugent
de la force et de la vérité du message chrétien. Par leur vie et par leur
parole, unis aux religieux et à leurs fidèles, qu’ils fassent ainsi la preuve
que l’Église, par sa seule présence, avec tous les dons qu’elle apporte, est une
source inépuisable de ces énergies dont le monde d’aujourd’hui a le plus grand
besoin. Qu’ils se mettent assidûment à l’étude, pour être capables d’assumer
leurs responsabilités dans le dialogue avec le monde et avec des hommes de toute
opinion. Mais surtout, qu’ils gardent dans leur cœur ces paroles du Concile : «
Parce que le genre humain, aujourd’hui de plus en plus, tend à l’unité civile,
économique et sociale, il est d’autant plus nécessaire que les prêtres, unissant
leurs préoccupations et leurs moyens sous la conduite des évêques et du
Souverain Pontife, écartent tout motif de dispersion pour amener l’humanité
entière à l’unité de la famille de Dieu. [98]
»
6. Bien que l’Église, par la vertu de l’Esprit Saint, soit
restée l’épouse fidèle de son Seigneur et n’ait jamais cessé d’être dans le
monde le signe du salut, elle sait fort bien toutefois que, au cours de sa
longue histoire, parmi ses membres [99],
clercs et laïcs, il n’en manque pas qui se sont montrés infidèles à l’Esprit de
Dieu. De nos jours aussi, l’Église n’ignore pas quelle distance sépare le
message qu’elle révèle et la faiblesse humaine de ceux auxquels cet Évangile est
confié. Quel que soit le jugement de l’histoire sur ces défaillances, nous
devons en être conscients et les combattre avec vigueur afin qu’elles ne nuisent
pas à la diffusion de l’Évangile. Pour développer ses rapports avec le monde,
l’Église sait également combien elle doit continuellement apprendre de
l’expérience des siècles. Guidée par l’Esprit Saint, l’Église, notre Mère, ne
cesse d’exhorter ses fils à se purifier et à se renouveler, « pour que le signe
du Christ brille avec plus d’éclat sur le visage de l’Église [100]
».
44. Aide que
l’Église reçoit du monde d’aujourd’hui
1. De même qu’il
importe au monde de reconnaître l’Église comme une réalité sociale de l’histoire
et comme son ferment, de même l’Église n’ignore pas tout ce qu’elle a reçu de
l’histoire et de l’évolution du genre humain.
2. L’expérience des siècles passés, le progrès des
sciences, les richesses cachées dans les diverses cultures, qui permettent de
mieux connaître l’homme lui-même et ouvrent de nouvelles voies à la vérité, sont
également utiles à l’Église. En effet, dès les débuts de son histoire, elle a
appris à exprimer le message du Christ en se servant des concepts et des langues
des divers peuples et, de plus, elle s’est efforcée de le mettre en valeur par
la sagesse des philosophes : ceci afin d’adapter l’Évangile, dans les limites
convenables, et à la compréhension de tous et aux exigences des sages. À vrai
dire, cette manière appropriée de proclamer la parole révélée doit demeurer la
loi de toute évangélisation. C’est de cette façon, en effet, que l’on peut
susciter en toute nation la possibilité d’exprimer le message chrétien selon le
mode qui lui convient, et que l’on promeut en même temps un échange vivant entre
l’Église et les diverses cultures [101].
Pour accroître de tels échanges, l’Église, surtout de nos jours où les choses
vont si vite et où les façons de penser sont extrêmement variées, a
particulièrement besoin de l’apport de ceux qui vivent dans le monde, et en
épousent les formes mentales, qu’il s’agisse des croyants ou des incroyants. Il
revient à tout le Peuple de Dieu, notamment aux pasteurs et aux théologiens,
avec l’aide de l’Esprit Saint, de scruter, de discerner et d’interpréter les
multiples langages de notre temps et de les juger à la lumière de la parole
divine, pour que la vérité révélée puisse être sans cesse mieux perçue, mieux
comprise et présentée sous une forme plus adaptée.
3. Comme elle possède une structure sociale visible, signe
de son unité dans le Christ, l’Église peut aussi être enrichie, et elle l’est
effectivement, par le déroulement de la vie sociale : non pas comme s’il
manquait quelque chose dans la constitution que le Christ lui a donnée, mais
pour l’approfondir, la mieux exprimer et l’accommoder d’une manière plus
heureuse à notre époque. L’Église constate avec reconnaissance qu’elle reçoit
une aide variée de la part d’hommes de tout rang et de toute condition, aide qui
profite aussi bien à la communauté qu’elle forme qu’à chacun de ses fils. En
effet, tous ceux qui contribuent au développement de la communauté humaine au
plan familial, culturel, économique et social, politique (tant au niveau
national qu’au niveau international), apportent par le fait même, et en
conformité avec le plan de Dieu, une aide non négligeable à la communauté
ecclésiale, pour autant que celle-ci dépend du monde extérieur. Bien plus, l’Église
reconnaît que, de l’opposition même de ses adversaires et de ses persécuteurs,
elle a tiré de grands avantages et qu’elle peut continuer à le faire [102].
45. Le
Christ, alpha et oméga
1. Qu’elle aide le monde ou qu’elle reçoive de lui, l’Église
tend vers un but unique : que vienne le règne de Dieu et que s’établisse le
salut du genre humain. D’ailleurs, tout le bien que le Peuple de Dieu, au temps
de son pèlerinage terrestre, peut procurer à la famille humaine, découle de
cette réalité que l’Église est « le sacrement universel du salut [103]
» manifestant et actualisant tout à la fois le mystère de l’amour de Dieu pour
l’homme.
2. Car le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s’est
lui-même fait chair, afin que, homme parfait, il sauve tous les hommes et
récapitule toutes choses en lui. Le Seigneur est le terme de l’histoire humaine,
le point vers lequel convergent les désirs de l’histoire et de la civilisation,
le centre du genre humain, la joie de tous les cœurs et la plénitude de leurs
aspirations [104].
C’est lui que le Père a ressuscité d’entre les morts, a exalté et à fait siéger
à sa droite, le constituant juge des vivants et des morts. Vivifiés et
rassemblés en son Esprit, nous marchons vers la consommation de l’histoire
humaine qui correspond pleinement à son dessein d’amour : « ramener toutes
choses sous un seul chef, le Christ, celles qui sont dans les cieux et celles
qui sont sur la terre » (Ep 1, 10).
3. C’est le
Seigneur lui-même qui le dit : « Voici que je viens bientôt et ma rétribution
est avec moi, pour rendre à chacun selon ses œuvres. Je suis l’alpha et l’oméga,
le premier et le dernier, le commencement et la fin» (Ap 22, 12-13).
Deuxième partie :
De quelques problèmes plus urgents
46. Introduction
1. Après avoir
montré quelle est la dignité de la personne humaine et quel rôle individuel et
social elle est appelée à remplir dans l’univers, le Concile, fort de la lumière
de l’Évangile et de l’expérience humaine, attire maintenant l’attention de tous
sur quelques questions particulièrement urgentes de ce temps qui affectent au
plus haut point le genre humain.
2. Parmi les
nombreux sujets qui suscitent aujourd’hui l’intérêt général, il faut notamment
retenir ceux-ci : le mariage et la famille, la culture, la vie
économico-sociale, la vie politique, la solidarité des peuples et la paix. Sur
chacun d’eux, il convient de projeter la lumière des principes qui nous viennent
du Christ ; ainsi les chrétiens seront-ils guidés et tous les hommes éclairés
dans la recherche des solutions que réclament des problèmes si nombreux et si
complexes.
CHAPITRE PREMIER :
Dignité du mariage et de la famille
47. Le mariage et la famille dans le monde d’aujourd’hui
1. La santé de la
personne et de la société tant humaine que chrétienne est étroitement liée à la
prospérité de la communauté conjugale et familiale. Aussi les chrétiens, en
union avec tous ceux qui font grand cas de cette communauté, se réjouissent-ils
sincèrement des soutiens divers qui font grandir aujourd’hui parmi les hommes
l’estime de cette communauté d’amour et le respect de la vie, et qui aident les
époux et les parents dans leur éminente mission. Ils en attendent en outre de
meilleurs résultats et s’appliquent à les étendre.
2. La dignité de
cette institution ne brille pourtant pas partout du même éclat puisqu’elle est
ternie par la polygamie, l’épidémie du divorce, l’amour soi-disant libre, ou d’autres
déformations. De plus, l’amour conjugal est trop souvent profané par l’égoïsme,
l’hédonisme et par des pratiques illicites entravant la génération. Les
conditions économiques, socio-psychologiques et civiles d’aujourd’hui
introduisent aussi dans la famille de graves perturbations. Enfin, en certaines
régions de l’univers, ce n’est pas sans inquiétude qu’on observe les problèmes
posés par l’accroissement démographique. Tout cela angoisse les consciences. Et
pourtant, un fait montre bien la vigueur et la solidité de l’institution
matrimoniale et familiale : les transformations profondes de la société
contemporaine, malgré les difficultés qu’elle provoquent, font très souvent
apparaître, et de diverses façons, la nature véritable de cette institution.
3. C’est pourquoi
le Concile, en mettant en meilleure lumière certains points de la doctrine de
l’Église, se propose d’éclairer et d’encourager les chrétiens, ainsi que tous
ceux qui s’efforcent de sauvegarder et de promouvoir la dignité originelle et la
valeur privilégiée et sacrée de l’état de mariage.
48. Sainteté
du mariage et de la famille
1. La communauté profonde de vie et d’amour que forme le
couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur ; elle est
établie sur l’alliance des conjoints, c’est-à-dire sur leur consentement
personnel irrévocable. Une institution, que la loi divine confirme, naît ainsi,
au regard même de la société, de l’acte humain par lequel les époux se donnent
et se reçoivent mutuellement. En vue du bien des époux, des enfants et aussi de
la société, ce lien sacré échappe à la fantaisie de l’homme. Car Dieu lui-même
est l’auteur du mariage qui possède en propre des valeurs et des fins diverses [105]
; tout cela est d’une extrême importance pour la continuité du genre humain,
pour le progrès personnel et le sort éternel de chacun des membres de la
famille, pour la dignité, la stabilité, la paix et la prospérité de la famille
et de la société humaine tout entière. Et c’est par sa nature même que
l’institution du mariage et l’amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à
l’éducation qui, tel un sommet, en constituent le couronnement. Aussi l’homme et
la femme qui, par l’alliance conjugale « ne sont plus deux, mais une seule chair
» (Mt 19, 6), s’aident et se soutiennent mutuellement par l’union intime
de leurs personnes et de leurs activités ; ils prennent ainsi conscience de leur
unité et l’approfondissent sans cesse davantage. Cette union intime, don
réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent
l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité [106].
2. Le Christ Seigneur a comblé de bénédictions cet amour
aux multiples aspects, issu de la source divine de la charité, et constitué à
l’image de son union avec l’Église. De même en effet que Dieu prit autrefois
l’initiative d’une alliance d’amour et de fidélité avec son peuple [107],
ainsi, maintenant, le Sauveur des hommes, Époux de l’Église [108],
vient à la rencontre des époux chrétiens par le sacrement de mariage. Il
continue de demeurer avec eux pour que les époux, par leur don mutuel, puissent
s’aimer dans une fidélité perpétuelle, comme lui-même a aimé l’Église et s’est
livré pour elle [109].
L’authentique amour conjugal est assumé dans l’amour divin et il est dirigé et
enrichi par la puissance rédemptrice du Christ et l’action salvifique de
l’Église, afin de conduire efficacement à Dieu les époux, de les aider et de les
affermir dans leur mission sublime de père et de mère [110].
C’est pourquoi les époux chrétiens, pour accomplir dignement les devoirs de leur
état, sont fortifiés et comme consacrés par un sacrement spécial [111].
En accomplissant leur mission conjugale et familiale avec la force de ce
sacrement, pénétrés de l’Esprit du Christ qui imprègne toute leur vie de foi,
d’espérance et de charité, ils parviennent de plus en plus à leur perfection
personnelle et à leur sanctification mutuelle ; c’est ainsi qu’ensemble ils
contribuent à la glorification de Dieu.
3. Précédés par
l’exemple et la prière commune de leurs parents, les enfants, et même tous ceux
qui vivent dans le cercle familial, s’ouvriront ainsi plus facilement à des
sentiments d’humanité et trouveront plus aisément le chemin du salut et de la
sainteté. Quant aux époux, grandis par la dignité de leur rôle de père et de
mère, ils accompliront avec conscience le devoir d’éducation qui leur revient au
premier chef, notamment au plan religieux.
4. Membres vivants de la famille, les enfants concourent,
à leur manière, à la sanctification des parents. Par leur reconnaissance, leur
piété filiale et leur confiance, ils répondront assurément aux bienfaits de
leurs parents et, en bons fils, ils les assisteront dans les difficultés de l’existence
et dans la solitude de la vieillesse. Le veuvage, assumé avec courage dans le
sillage de la vocation conjugale, sera honoré de tous [112].
Les familles se communiqueront aussi avec générosité leurs richesses
spirituelles. Alors, la famille chrétienne, parce qu’elle est issue d’un mariage,
sera image et participation de l’alliance d’amour qui unit le Christ et l’Église
[113],
manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la
véritable nature de l’Église, tant par l’amour des époux, leur fécondité
généreuse, l’unité et la fidélité du foyer, que par la coopération amicale de
tous ses membres.
49. L’amour
conjugal
1. À plusieurs reprises, la Parole de Dieu a invité les
fiancés à entretenir et soutenir leurs fiançailles par une affection chaste, et
les époux leur union par un amour sans faille [114].
Beaucoup de nos contemporains exaltent aussi l’amour authentique entre mari et
femme, manifesté de différentes manières, selon les saines coutumes des peuples
et des âges. Éminemment humain puisqu’il va d’une personne vers une autre
personne en vertu d’un sentiment volontaire, cet amour enveloppe le bien de la
personne tout entière ; il peut donc enrichir d’une dignité particulière les
expressions du corps et de la vie psychique et les valoriser comme les éléments
et les signes spécifiques de l’amitié conjugale. Cet amour, par un don spécial
de sa grâce et de sa charité, le Seigneur a daigné le guérir, le parfaire et
l’élever. Associant l’humain et le divin, un tel amour conduit les époux à un
don libre et mutuel d’eux-mêmes qui se manifeste par des sentiments et des
gestes de tendresse et il imprègne toute leur vie [115]
; bien plus, il s’achève lui-même et grandit par son généreux exercice. Il
dépasse donc de loin l’inclination simplement érotique qui, cultivée pour
elle-même, s’évanouit vite et d’une façon pitoyable.
2. Cette affection
a sa manière particulière de s’exprimer et de s’accomplir par l’œuvre propre du
mariage. En conséquence, les actes qui réalisent l’union intime et chaste des
époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine,
ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux
s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance. Cet amour,
ratifié par un engagement mutuel, et par-dessus tout consacré par le sacrement
du Christ, demeure indissolublement fidèle, de corps et de pensée, pour le
meilleur et pour le pire ; il exclut donc tout adultère et tout divorce. De
même, l’égale dignité personnelle qu’il faut reconnaître à la femme et à l’homme
dans l’amour plénier qu’ils se portent l’un à l’autre fait clairement apparaître
l’unité du mariage, confirmée par le Seigneur. Pour faire face avec persévérance
aux obligations de cette vocation chrétienne, une vertu peu commune est requise
: c’est pourquoi les époux, rendus capables par la grâce de mener une vie
sainte, ne cesseront d’entretenir en eux un amour fort, magnanime, prompt au
sacrifice, et ils le demanderont dans leur prière.
3. Mais le
véritable amour conjugal sera tenu en plus haute estime, et une saine opinion
publique se formera à son égard, si les époux chrétiens donnent ici un
témoignage éminent de fidélité et d’harmonie, comme le dévouement dans
l’éducation de leurs enfants, et s’ils prennent leurs responsabilités dans le
nécessaire renouveau culturel, psychologique et social en faveur du mariage et
de la famille. Il faut instruire à temps les jeunes, et de manière appropriée,
de préférence au sein de la famille, sur la dignité de l’amour conjugal, sa
fonction, son exercice : ainsi formés à la chasteté, ils pourront le moment
venu, s’engager dans le mariage après des fiançailles vécues dans la dignité.
50.
Fécondité du mariage
1. Le mariage et
l’amour conjugal sont d’eux-mêmes ordonnés à la procréation et à l’éducation.
D’ailleurs, les enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils
contribuent grandement au bien des parents eux-mêmes. Dieu lui-même qui a dit :
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul» (Gn 2, 18) et qui dès l’origine
a fait l’être humain homme et femme (Mt 19, 4), a voulu lui donner une
participation spéciale dans son œuvre créatrice ; aussi a-t-il béni l’homme et
la femme, disant : « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1, 28). Dès
lors, un amour conjugal vrai et bien compris, comme toute la structure de la vie
familiale qui en découle, tendent, sans sous-estimer pour autant les autres fins
du mariage, à rendre les époux disponibles pour coopérer courageusement à
l’amour du Créateur et du Sauveur qui, par eux, veut sans cesse agrandir et
enrichir sa propre famille.
2. Dans le devoir qui leur incombe de transmettre la vie
et d’être des éducateurs (ce qu’il faut considérer comme leur mission propre),
les époux savent qu’ils sont les coopérateurs de l’amour du Dieu Créateur et
comme ses interprètes. Ils s’acquitteront donc de leur charge en toute
responsabilité humaine et chrétienne, et, dans un respect plein de docilité à
l’égard de Dieu, d’un commun accord et d’un commun effort, ils se formeront un
jugement droit : ils prendront en considération à la fois et leur bien et celui
des enfants déjà nés ou à naître ; ils discerneront les conditions aussi bien
matérielles que spirituelles de leur époque et de leur situation ; ils tiendront
compte enfin du bien de la communauté familiale, des besoins de la société
temporelle et de l’Église elle-même. Ce jugement, ce sont en dernier ressort les
époux eux-mêmes qui doivent l’arrêter devant Dieu. Dans leur manière d’agir, que
les époux chrétiens sachent bien qu’ils ne peuvent pas se conduire à leur guise,
mais qu’ils ont l’obligation de toujours suivre leur conscience, une conscience
qui doit se conformer à la loi divine ; et qu’ils demeurent dociles au Magistère
de l’Église, interprète autorisé de cette loi à la lumière de l’Évangile. Cette
loi divine manifeste la pleine signification de l’amour conjugal, elle le
protège et le conduit à son achèvement vraiment humain. Ainsi, lorsque les époux
chrétiens, se fiant à la Providence de Dieu et nourrissant en eux l’esprit de
sacrifice [116]
, assument leur rôle procréateur et prennent généreusement leurs responsabilités
humaines et chrétiennes, ils rendent gloire au Créateur, et ils tendent, dans le
Christ, à la perfection. Parmi ceux qui remplissent ainsi la tâche que Dieu leur
a confiée, il faut accorder une mention spéciale à ceux qui, d’un commun accord
et d’une manière réfléchie, acceptent de grand cœur d’élever dignement même un
plus grand nombre d’enfants [117].
3. Le mariage
cependant n’est pas institué en vue de la seule procréation. Mais c’est le
caractère même de l’alliance indissoluble qu’il établit entre les personnes,
comme le bien des enfants, qui requiert que l’amour mutuel des époux s’exprime
lui aussi dans sa rectitude, progresse et s’épanouisse. C’est pourquoi, même si,
contrairement au vœu souvent très vif des époux, il n’y a pas d’enfant, le
mariage, comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il garde sa
valeur et son indissolubilité.
51. L’amour
conjugal et le respect de la vie humaine
1. Le Concile ne
l’ignore pas, les époux qui veulent conduire harmonieusement leur vie conjugale
se heurtent souvent de nos jours à certaines conditions de vie et peuvent se
trouver dans une situation où il ne leur est pas possible, au moins pour un
temps, d’accroître le nombre de leurs enfants ; ce n’est point alors sans
difficulté que sont maintenues la pratique d’un amour fidèle et la pleine
communauté de vie. Là où l’intimité conjugale est interrompue, la fidélité peut
courir des risques et le bien des enfants être compromis : car en ce cas sont
mis en péril et l’éducation des enfants et le courage nécessaire pour en
accepter d’autres ultérieurement.
2. Il en est qui
osent apporter des solutions malhonnêtes à ces problèmes et même qui ne reculent
pas devant le meurtre. Mais l’Église rappelle qu’il ne peut y avoir de véritable
contradiction entre les lois divines qui régissent la transmission de la vie et
celles qui favorisent l’amour conjugal authentique.
3. En effet, Dieu, maître de la vie, a confié aux hommes
le noble ministère de la vie, et l’homme doit s’en acquitter d’une manière digne
de lui. La vie doit donc être sauvegardée avec un soin extrême dès la conception
: l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables. La sexualité propre
à l’homme, comme le pouvoir humain d’engendrer, l’emportent merveilleusement sur
ce qui existe aux degrés inférieurs de la vie ; il s’ensuit que les actes
spécifiques de la vie conjugale, accomplis selon l’authentique dignité humaine,
doivent être eux-mêmes entourés d’un grand respect. Lorsqu’il s’agit de mettre
en accord l’amour conjugal avec la transmission responsable de la vie, la
moralité du comportement ne dépend donc pas de la seule sincérité de l’intention
et de la seule appréciation des motifs ; mais elle doit être déterminée selon
des critères objectifs, tirés de la nature même de la personne et de ses actes,
critères qui respectent, dans un contexte d’amour véritable, la signification
totale d’une donation réciproque et d’une procréation à la mesure de l’homme ;
chose impossible si la vertu de chasteté conjugale n’est pas pratiquée d’un cœur
loyal. En ce qui concerne la régulation des naissances, il n’est pas permis aux
enfants de l’Église, fidèles à ces principes, d’emprunter des voies que le
Magistère, dans l’explication de la loi divine, désapprouve [118].
4. Par ailleurs,
que tous sachent bien que la vie humaine et la charge de la transmettre ne se
limitent pas aux horizons de ce monde et n’y trouvent ni leur pleine dimension,
ni leur plein sens, mais qu’elles sont toujours à mettre en référence avec la
destinée éternelle des hommes.
52. La
promotion du mariage et de la famille est le fait de tous
1. La famille est
en quelque sorte une école d’enrichissement humain. Mais, pour qu’elle puisse
atteindre la plénitude de sa vie et de sa mission, elle exige une communion des
âmes empreinte d’affection, une mise en commun des pensées entre les époux et
aussi une attentive coopération des parents dans l’éducation des enfants. La
présence agissante du père importe grandement à leur formation ; mais il faut
aussi permettre à la mère, dont les enfants, surtout les plus jeunes, ont tant
besoin, de prendre soin de son foyer sans toutefois négliger la légitime
promotion sociale de la femme. Que les enfants soient éduqués de telle manière
qu’une fois adultes, avec une entière conscience de leur responsabilité, ils
puissent suivre leur vocation, y compris une vocation religieuse, et choisir
leur état de vie, et que, s’ils se marient, ils puissent fonder leur propre
famille dans des conditions morales, sociales et économiques favorables. Il
appartient aux parents ou aux tuteurs de guider les jeunes par des avis
prudents, dans la fondation d’un foyer ; volontiers écoutés des jeunes, ils
veilleront toutefois à n’exercer aucune contrainte, directe ou indirecte, sur
eux, soit pour les pousser au mariage, soit pour choisir leur conjoint.
2. Ainsi la
famille, lieu de rencontre de plusieurs générations qui s’aident mutuellement à
acquérir une sagesse plus étendue et à harmoniser les droits des personnes avec
les autres exigences de la vie sociale, constitue-t-elle le fondement de la
société. Voilà pourquoi tous ceux qui exercent une influence sur les communautés
et les groupes sociaux doivent s’appliquer efficacement à promouvoir le mariage
et la famille. Que le pouvoir civil considère comme un devoir sacré de
reconnaître leur véritable nature, de les protéger et de les faire progresser,
de défendre la moralité publique et de favoriser la prospérité des foyers. Il
faut garantir le droit de procréation des parents et le droit d’élever leurs
enfants au sein de la famille. Une législation prévoyante et des initiatives
variées doivent également défendre et procurer l’aide qui convient à ceux qui,
par malheur, sont privés d’une famille.
3. Les chrétiens, tirant parti du temps présent [119],
et discernant bien ce qui est éternel de ce qui change, devront activement
promouvoir les valeurs du mariage et de la famille ; ils le feront et par le
témoignage de leur vie personnelle et par une action concertée avec tous les
hommes de bonne volonté. Ainsi, les difficultés écartées, ils pourvoiront aux
besoins de la famille et lui assureront les avantages qui conviennent aux temps
nouveaux. Pour y parvenir, le sens chrétien des fidèles, la droite conscience
morale des hommes, comme la sagesse et la compétence de ceux qui s’appliquent
aux sciences sacrées, seront d’un grand secours.
4. Les
spécialistes des sciences, notamment biologiques, médicales, sociales et
psychologiques, peuvent beaucoup pour la cause du mariage et de la famille et la
paix des consciences si, par l’apport convergent de leurs études, ils s’appliquent
à tirer davantage au clair les diverses conditions favorisant une saine
régulation de la procréation humaine.
5. Il appartient
aux prêtres, dûment informés en matière familiale, de soutenir la vocation des
époux dans leur vie conjugale et familiale par les divers moyens de la
pastorale, par la prédication de la parole divine, par le culte liturgique ou
les autres secours spirituels, de les fortifier avec bonté et patience au milieu
de leurs difficultés et de les réconforter avec charité pour qu’ils forment des
familles vraiment rayonnantes.
6. Des œuvres
variées, notamment les associations familiales, s’efforceront par la doctrine et
par l’action d’affermir les jeunes gens et les époux, surtout ceux qui sont
récemment mariés, et de les former à la vie familiale, sociale et apostolique.
7. Enfin, que les époux eux-mêmes créés à l’image d’un
Dieu vivant et établis dans un ordre authentique de personnes, soient unis dans
une même affection, dans une même pensée et dans une mutuelle sainteté [120],
en sorte que, à la suite du Christ, principe de vie [121],
ils deviennent, à travers les joies et les sacrifices de ce mystère de charité
que le Seigneur a révélé au monde par sa mort et sa résurrection [122].
CHAPITRE II :
L’essor de la culture
53.
Introduction
1. C’est le propre
de la personne humaine de n’accéder vraiment et pleinement à l’humanité que par
la culture, c’est-à-dire en cultivant les biens et les valeurs de la nature.
Toutes les fois qu’il est question de vie humaine, nature et culture sont aussi
étroitement liées que possible.
2. Au sens large,
le mot « culture » désigne tout ce par quoi l’homme affine et développe les
multiples capacités de son esprit et de son corps ; s’efforce de soumettre l’univers
par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie
familiale que l’ensemble de la vie civile, grâce au progrès des mœurs et des
institutions ; traduit, communique et conserve enfin dans ses œuvres, au cours
des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de
l’homme, afin qu’elles servent au progrès d’un grand nombre et même de tout le
genre humain.
3. Il en résulte
que la culture humaine comporte nécessairement un aspect historique et social et
que le mot « culture » prend souvent un sens sociologique et même ethnologique.
En ce sens, on parlera de la pluralité des cultures. Car des styles de vie
divers et des échelles de valeurs différentes trouvent leur source dans la façon
particulière que l’on a de se servir des choses, de travailler, de s’exprimer,
de pratiquer sa religion, de se conduire, de légiférer, d’établir des
institutions juridiques, d’enrichir les sciences et les arts et de cultiver le
beau. Ainsi, à partir des usages hérités, se forme un patrimoine propre à chaque
communauté humaine. De même, par là se constitue un milieu déterminé et
historique dans lequel tout homme est inséré, quels que soient sa nation ou son
siècle, et d’où il tire les valeurs qui lui permettront de promouvoir la
civilisation.
Section 1.
Situation de la culture dans le monde actuel
54. Nouveaux
styles de vie
Les conditions de vie de l’homme moderne, au point de vue
social et culturel, ont été profondément transformées, si bien que l’on peut
parler d’un nouvel âge de l’histoire humaine [123].
Dès lors, des voies nouvelles s’ouvrent pour parfaire et étendre la culture.
Elles ont été préparées par une poussée considérable des sciences naturelles,
humaines et aussi sociales, par le développement des techniques et par l’essor
et une meilleure organisation des moyens qui permettent aux hommes de
communiquer entre eux. La culture moderne peut donc se caractériser ainsi : les
sciences dites « exactes » développent au maximum le sens critique ; les
recherches les plus récentes de la psychologie expliquent en profondeur l’activité
humaine ; les disciplines historiques poussent fortement à envisager les choses
sous leur aspect changeant et évolutif ; coutumes et manières de vivre tendent à
s’uniformiser de plus en plus ; l’industrialisation, l’urbanisation et les
autres causes qui favorisent la vie collective, créent de nouvelles formes de
culture (culture de masse), d’où résultent des façons nouvelles de sentir,
d’agir et d’utiliser ses loisirs. En même temps, l’accroissement des échanges
entre les différentes nations et les groupes sociaux découvre plus largement à
tous et à chacun les richesses des diverses cultures, et ainsi se prépare peu à
peu un type de civilisation plus universel qui fait avancer l’unité du genre
humain et l’exprime, dans la mesure même où il respecte mieux les particularités
de chaque culture.
55. L’homme,
promoteur de la culture
À quelque groupe
ou nation qu’ils appartiennent, le nombre des hommes et des femmes qui prennent
conscience d’être les artisans et les promoteurs de la culture de leur
communauté croît sans cesse. Dans le monde entier progresse de plus en plus le
sens de l’autonomie comme de la responsabilité ; ce qui, sans aucun doute, est
de la plus haute importance pour la maturité spirituelle et morale du genre
humain. On s’en aperçoit mieux encore si on ne perd pas de vue l’unification de
l’univers et la mission qui nous est impartie de construire un monde meilleur
dans la vérité et la justice. Nous sommes donc les témoins de la naissance d’un
nouvel humanisme ; l’homme s’y définit avant tout par la responsabilité qu’il
assume envers ses frères et devant l’histoire.
56.
Difficultés et devoirs
1. Dans de telles
conditions, il n’est pas étonnant que l’homme, se sentant responsable du progrès
culturel, soit animé d’un plus grand espoir, mais envisage aussi avec quelque
anxiété les nombreuses antinomies qu’il lui faut résoudre.
2. Que faut-il
faire pour que la multiplication des échanges culturels, qui devraient aboutir à
un dialogue vrai et fructueux entre les divers groupes et nations, ne bouleverse
pas la vie des communautés, ne fasse pas échec à la sagesse ancestrale et ne
mette pas en péril le génie propre de chaque peuple ?
3. Comment
favoriser le dynamisme et l’expansion d’une culture nouvelle sans que
disparaisse la fidélité vivante à l’héritage des traditions ? Cette question se
pose avec une acuité particulière lorsqu’il s’agit d’harmoniser la culture,
fruit du développement considérable des sciences et des techniques, avec la
culture qui se nourrit d’études classiques, conformes aux différentes
traditions.
4. Comment l’émiettement
si rapide et croissant des disciplines spécialisées peut-il se concilier avec la
nécessité d’en faire la synthèse et avec le devoir de sauvegarder dans l’humanité
les puissances de contemplation et d’admiration qui conduisent à la sagesse ?
5. Que faire pour
permettre aux multitudes de participer aux bienfaits de la culture, alors que la
culture des élites ne cesse de s’élever et de se compliquer toujours ?
6. Comment, enfin,
reconnaître comme légitime l’autonomie que la culture réclame pour elle-même,
sans pour autant en venir à un humanisme purement terrestre et même hostile à la
religion ?
7. C’est au cœur
même de ces antinomies que la culture doit aujourd’hui progresser, de façon à
épanouir intégralement et harmonieusement la personne humaine, de façon aussi à
aider les hommes à accomplir les charges auxquelles tous sont appelés, et
particulièrement les chrétiens, fraternellement unis au sein de l’unique famille
humaine.
Section 2.
Quelques principes relatifs à la promotion culturelle
57. Foi et
culture
1. Les chrétiens, en marche vers la cité céleste, doivent
rechercher et goûter les choses d’en haut [124],
mais cela pourtant, loin de la diminuer, accroît plutôt la gravité de l’obligation
qui est la leur de travailler avec tous les hommes à la construction d’un monde
plus humain. Et, de fait, le mystère de la foi chrétienne leur fournit des
stimulants et des soutiens inappréciables : ils leur permettent de s’adonner
avec plus d’élan à cette tâche et surtout de découvrir l’entière signification
des activités capables de donner à la culture sa place éminente dans la vocation
intégrale de l’homme.
2. En effet, lorsqu’il cultive la terre de ses mains ou
avec l’aide de moyens techniques, pour qu’elle produise des fruits et devienne
une demeure digne de toute la famille humaine, et lorsqu’il prend part
consciemment à la vie des groupes sociaux, l’homme réalise le plan de Dieu,
manifesté au commencement des temps, de dominer la terre [125]
et d’achever la création, et il se cultive lui-même. En même temps, il obéit au
grand commandement du Christ de se dépenser au service de ses frères.
3. En outre, en s’appliquant aux diverses disciplines,
philosophie, histoire, mathématiques, sciences naturelles, et en cultivant les
arts, l’homme peut grandement contribuer à ouvrir la famille humaine aux plus
nobles valeurs du vrai, du bien et du beau, et à une vue des choses ayant valeur
universelle : il reçoit ainsi des clartés nouvelles de cette admirable Sagesse
qui depuis toujours était auprès de Dieu, disposant toutes choses avec lui,
jouant sur le globe de la terre et trouvant ses délices parmi les enfants des
hommes [126].
4. Par le fait même, l’esprit humain, moins esclave des
choses, peut plus facilement s’élever à l’adoration et à la contemplation du
Créateur. Bien plus, il est préparé à reconnaître, sous l’impulsion de la grâce,
le Verbe de Dieu qui, avant de se faire chair pour tout sauver et récapituler en
lui, « était déjà dans le monde » comme la « vraie lumière qui éclaire tout
homme » (Jn 1, 9-10) [127].
5. Certes, le
progrès actuel des sciences et des techniques qui, en vertu de leur méthode, ne
sauraient parvenir jusqu’aux profondeurs de la réalité, peut avantager un
certain phénoménisme et un certain agnosticisme, lorsque les méthodes de
recherche propres à ces disciplines sont prises, à tort, comme règle suprême
pour la découverte de toute vérité. Et même on peut craindre que l’homme se
fiant trop aux découvertes actuelles, en vienne à penser qu’il se suffit à
lui-même et qu’il n’a plus à chercher de valeurs plus hautes.
6. Cependant ces
conséquences fâcheuses ne découlent pas nécessairement de la culture moderne et
de doivent pas nous exposer à la tentation de méconnaître ses valeurs positives.
Parmi celles-ci, il convient de signaler : le goût des sciences et la fidélité
sans défaillance à la vérité dans les recherches scientifiques, la nécessité de
travailler en équipe dans des groupes spécialisés, le sens de la solidarité
internationale, la conscience de plus en plus nette de la responsabilité que les
savants ont d’aider et même de protéger les hommes, la volonté de procurer à
tous des conditions de vie plus favorables, à ceux-là surtout qui sont privés de
responsabilité ou qui souffrent d’indigence culturelle. Dans toutes ces valeurs,
l’accueil du message évangélique pourra trouver une sorte de préparation, et la
charité divine de celui qui est venu pour sauver le monde la fera aboutir.
58.
Nombreux rapports entre la Bonne Nouvelle du Christ et la culture
1. Entre le
message de salut et la culture, il y a de multiples liens. Car Dieu, en se
révélant à son peuple jusqu’à sa pleine manifestation dans son Fils incarné, a
parlé selon des types de culture propres à chaque époque.
2. De la même
façon, l’Église, qui a connu au cours des temps des conditions d’existence
variées, a utilisé les ressources des diverses cultures pour répandre et exposer
par sa prédication le message du Christ à toutes les nations, pour mieux le
découvrir et mieux l’approfondir, pour l’exprimer plus parfaitement dans la
célébration liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles.
3. Mais en même
temps, l’Église, envoyée à tous les peuples de tous les temps et de tous les
lieux, n’est liée d’une manière exclusive et indissoluble à aucune race ou
nation, à aucun genre de vie particulier, à aucune coutume ancienne ou récente.
Constamment fidèle à sa propre tradition et tout à la fois consciente de l’universalité
de sa mission, elle peut entrer en communion avec les diverses civilisations :
d’où l’enrichissement qui en résulte pour elle-même et pour les différentes
cultures.
4. La Bonne Nouvelle du Christ rénove constamment la vie
et la culture de l’homme déchu ; elle combat et écarte les erreurs et les maux
qui proviennent de la séduction permanente du péché. Elle ne cesse de purifier
et d’élever la moralité des peuples. Par les richesses d’en haut, elle féconde
comme de l’intérieur les qualités spirituelles et les dons propres à chaque
peuple et à chaque âge, elle les fortifie, les parfait et les restaure dans le
Christ [128].
Ainsi l’Église, en remplissant sa propre mission [129],
concourt déjà, par là même, à l’œuvre civilisatrice et elle y pousse ; son
action, même liturgique, contribue à former la liberté intérieure de l’homme.
59. Réaliser l’harmonie des différentes valeurs au sein des cultures
1. Pour les
raisons que l’on vient de dire, l’Église rappelle à tous que la culture doit
être subordonnée au développement intégral de la personne, au bien de la
communauté et à celui du genre humain tout entier. Aussi convient-il de cultiver
l’esprit en vue de développer les puissances d’admiration, de contemplation, d’aboutir
à la formation d’un jugement personnel et d’élever le sens religieux, moral et
social.
2. La culture, en
effet, puisqu’elle découle immédiatement du caractère raisonnable et social de
l’homme, a sans cesse besoin d’une juste liberté pour s’épanouir et d’une
légitime autonomie d’action, en conformité avec ses propres principes. Elle a
donc droit au respect et jouit d’une certaine inviolabilité, à condition,
évidemment, de sauvegarder les droits de la personne et de la société,
particulière ou universelle, dans les limites du bien commun.
3. Ce saint Synode, reprenant à son compte l’enseignement
du premier Concile du Vatican, déclare qu’il existe « deux ordres de savoir »
distincts, celui de la foi et celui de la raison, et que l’Église ne s’oppose
certes pas à ce que « les arts et les disciplines humaines jouissent de leurs
propres principes et de leur méthode en leurs domaines respectifs » ; c’est
pourquoi, « reconnaissant cette juste liberté», l’Église affirme l’autonomie
légitime de la culture et particulièrement celle des sciences [130].
4. Tout ceci exige que, l’ordre moral et l’intérêt commun
étant saufs, l’homme puisse librement chercher la vérité, faire connaître et
divulguer ses opinions et s’adonner aux arts de son choix. Cela demande enfin qu’il
soit informé impartialement des événements de la vie publique [131].
5. Quant aux pouvoirs publics, il leur revient, non pas de
déterminer le caractère propre de la civilisation, mais d’établir les conditions
et de prendre les moyens susceptibles de favoriser la vie culturelle au bénéfice
de tous, sans oublier les éléments minoritaires présents dans une nation [132].
Voilà pourquoi il faut éviter à tout prix que la culture, détournée de sa propre
fin, soit asservie aux pouvoirs politiques et économiques.
Section 3. Quelques devoirs plus urgents des chrétiens par rapport à la
culture
60. La reconnaissance du droit de tous à la culture et sa réalisation
pratique
1. Puisqu’on a
maintenant la possibilité de délivrer la plupart des hommes du fléau de l’ignorance,
il est un devoir qui convient au plus haut point à notre temps, surtout pour les
chrétiens : celui de travailler avec acharnement à ce que, tant en matière
économique qu’en matière politique, tant au plan national qu’au plan
international, des décisions fondamentales soient prises de nature à faire
reconnaître partout et pour tous, en harmonie avec la dignité de la personne
humaine, sans distinction de race, de sexe, de nation, de religion ou de
condition sociale, le droit à la culture et d’assurer sa réalisation. Il faut
donc procurer à chacun une quantité suffisante de biens culturels, surtout de
ceux qui constituent la culture dite « de base», pour qu’un très grand nombre ne
soient pas empêchés, par l’analphabétisme et le manque d’initiative, de coopérer
de manière vraiment humaine au bien commun.
2. En conséquence, il faut tendre à donner à ceux qui en
sont capables la possibilité de poursuivre des études supérieures ; et de telle
façon que, dans la mesure du possible, ils occupent des fonctions, jouent un
rôle et rendent des services dans la vie sociale qui correspondent soit à leurs
aptitudes, soit à la compétence qu’ils auront acquise [133].
Ainsi tout homme comme les groupes sociaux de chaque peuple pourront atteindre
leur plein épanouissement culturel, conformément à leurs dons et à leurs
traditions.
3. Il faut en
outre tout faire pour que chacun prenne conscience et du droit et du devoir qu’il
a de se cultiver, non moins que de l’obligation qui lui incombe d’aider les
autres à le faire. Il existe en effet, ici ou là, des conditions de vie et de
travail qui contrarient les efforts des hommes vers la culture et qui en
détruisent chez eux le goût. Ceci vaut à un titre spécial pour les agriculteurs
et les ouvriers, auxquels il faut assurer des conditions de travail telles qu’elles
ne les empêchent pas de se cultiver, mais bien plutôt les y poussent. Les femmes
travaillent à présent dans presque tous les secteurs d’activité ; il convient
cependant qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle selon leurs aptitudes
propres. Ce sera le devoir de tous de reconnaître la participation spécifique et
nécessaire des femmes à la vie culturelle et de la promouvoir.
61.
Formation à une culture intégrale
1. De nos jours,
plus que par le passé, la difficulté est grande d’opérer la synthèse entre les
différentes disciplines et branches du savoir. En effet, tandis que
s’accroissent la masse et la diversité des éléments culturels, dans le même
temps s’amenuise la faculté pour chaque homme de les percevoir et de les
harmoniser entre eux, si bien que l’image de « l’homme universel » s’évanouit de
plus en plus. Cependant continue de s’imposer à chaque homme le devoir de
sauvegarder l’intégralité de sa personnalité, en qui prédominent les valeurs
d’intelligence, de volonté, de conscience et de fraternité, valeurs qui ont
toutes leur fondement en Dieu Créateur et qui ont été guéries et élevées d’une
manière admirable dans le Christ.
2. La famille est
au premier chef comme la mère nourricière de cette éducation : en elle, les
enfants, enveloppés d’amour, découvrent plus aisément la hiérarchie des valeurs,
tandis que des éléments d’une culture éprouvée s’impriment d’une manière presque
inconsciente dans l’esprit des adolescents, au fur et à mesure qu’ils
grandissent.
3. Pour cette même
éducation, les sociétés actuelles disposent, en particulier grâce à la diffusion
croissante des livres et aux nouveaux moyens de communication culturelle et
sociale, de ressources opportunes qui peuvent faciliter l’universalité de la
culture. En effet, avec la diminution plus ou moins généralisée du temps de
travail, les occasions de se cultiver se multiplient pour la plupart des hommes.
Que les loisirs soient bien employés, pour se détendre et pour fortifier la
santé de l’esprit et du corps : en se livrant à des activités libres et à des
études désintéressées ; à l’occasion de voyages en d’autres régions (tourisme)
qui affinent l’intelligence et qui, de surcroît, enrichissent chacun par la
connaissance de l’autre ; également par des exercices physiques et des activités
sportives qui aident à conserver un bon équilibre psychique, individuellement et
aussi collectivement, et à établir des relations fraternelles entre les hommes
de toutes conditions, de toutes nations ou de races différentes. Que les
chrétiens collaborent donc aux manifestations et aux actions culturelles
collectives qui sont de leur temps, qu’ils les humanisent et les imprègnent
d’esprit chrétien.
4. Cependant tous
ces avantages ne sauraient parvenir à réaliser l’éducation culturelle intégrale
de l’homme si, en même temps, on néglige de s’interroger sur la signification
profonde de la culture et de la science pour la personne humaine.
62. Harmonie
entre culture et christianisme
1. Bien que
l’Église ait largement contribué au progrès de la culture, l’expérience montre
toutefois que, pour des raisons contingentes, il n’est pas toujours facile de
réaliser l’harmonie entre la culture et le christianisme.
2. Ces difficultés ne portent pas nécessairement préjudice
à la vitalité de la foi, et même elles peuvent inciter à une plus exacte et plus
profonde intelligence de celle-ci. En effet, les plus récentes recherches et
découvertes des sciences, ainsi que celles de l’histoire et de la philosophie,
soulèvent de nouvelles questions qui comportent des conséquences pour la vie
même, et exigent de nouvelles recherches de la part des théologiens eux-mêmes.
Dès lors, tout en respectant les méthodes et les règles propres aux sciences
théologiques, ils sont invités à chercher sans cesse la manière la plus apte de
communiquer la doctrine aux hommes de leur temps : car autre chose est le dépôt
même ou les vérités de la foi, autre chose la façon selon laquelle ces vérités
sont exprimées à condition toutefois d’en sauvegarder le sens et la
signification [134].
Que, dans la pastorale, on ait une connaissance suffisante non seulement des
principes de la théologie, mais aussi des découvertes scientifiques profanes,
notamment de la psychologie et de la sociologie, et qu’on en fasse usage : de la
sorte, les fidèles à leur tour seront amenés à une plus grande pureté et
maturité dans leur vie de foi.
3. À leur manière
aussi, la littérature et les arts ont une grande importance pour la vie de
l’Église. Ils s’efforcent en effet d’exprimer la nature propre de l’homme, ses
problèmes, ses tentatives pour se connaître et se perfectionner lui-même ainsi
que le monde. Ils s’appliquent à découvrir sa place dans l’histoire et dans
l’univers, à mettre en lumière les misères et les joies, les besoins et les
énergies des hommes et à présenter l’ébauche d’une destinée humaine plus
heureuse. Ainsi sont-ils capables d’élever la vie humaine qu’ils expriment sous
des formes multiples, selon les temps et les lieux.
4. Il faut donc faire en sorte que ceux qui s’adonnent à
ces arts se sentent compris par l’Église au sein même de leurs activités, et
que, jouissant d’une liberté normale, ils établissent des échanges plus faciles
avec la communauté chrétienne. Que les nouvelles formes d’art qui conviennent à
nos contemporains, selon le génie des diverses nations et régions, soient aussi
reconnues par l’Église. Et qu’on les accueille dans le sanctuaire lorsque, par
des modes d’expression adaptés et conformes aux exigences de la liturgie, elles
élèvent l’esprit vers Dieu [135].
5. Ainsi la gloire
de Dieu éclate davantage ; la prédication de l’Évangile devient plus
transparente à l’intelligence des hommes et apparaît comme connaturelle à leurs
conditions d’existence.
6. Que les
croyants vivent donc en très étroite union avec les autres hommes de leur temps
et qu’ils s’efforcent de comprendre à fond leurs façons de penser et de sentir,
telles qu’elles s’expriment par la culture. Qu’ils marient la connaissance des
sciences et des théories nouvelles, comme des découvertes les plus récentes,
avec les mœurs et l’enseignement de la doctrine chrétienne, pour que le sens
religieux et la rectitude morale marchent de pair chez eux avec la connaissance
scientifique et les incessants progrès techniques ; ils pourront ainsi apprécier
et interpréter toutes choses avec une sensibilité authentiquement chrétienne.
7. Ceux qui s’appliquent aux sciences théologiques dans
les séminaires et les universités aimeront collaborer avec les hommes versés
dans les autres sciences, en mettant en commun leurs énergies et leurs points de
vue. La recherche théologique, en même temps qu’elle approfondit la vérité
révélée, ne doit pas perdre contact avec son temps, afin de faciliter une
meilleure connaissance de la foi aux hommes cultivés dans les différentes
branches du savoir. Cette bonne entente rendra les plus grands services à la
formation des ministres sacrés : ils pourront présenter la doctrine de l’Église
sur Dieu, l’homme et le monde d’une manière mieux adaptée à nos contemporains,
qui accueilleront d’autant plus volontiers leur parole [136].
Bien plus, il faut souhaiter que de nombreux laïcs reçoivent une formation
suffisante dans les sciences sacrées, et que plusieurs parmi eux se livrent à
ces études ex professo et les approfondissent. Mais, pour qu’ils puissent mener
leur tâche à bien, qu’on reconnaisse aux fidèles, aux clercs comme aux laïcs,
une juste liberté de recherche et de pensée, comme une juste liberté de faire
connaître humblement et courageusement leur manière de voir, dans le domaine de
leur compétence [137].
CHAPITRE III :
La vie économico-sociale
63. Quelques
traits de la vie économique
1. Dans la vie
économico-sociale aussi, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne
humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C’est l’homme en
effet qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale.
2. Comme tout
autre domaine de la vie sociale, l’économie moderne se caractérise par une
emprise croissante de l’homme sur la nature, la multiplication et l’intensification
des relations et des interdépendances entre individus, groupes et peuples, et la
fréquence accrue des interventions du pouvoir politique. En même temps, le
progrès dans les modes de production et dans l’organisation des échanges de
biens et de services a fait de l’économie un instrument apte à mieux satisfaire
les besoins accrus de la famille humaine.
3. Pourtant les
sujets d’inquiétude ne manquent pas. Beaucoup d’hommes, surtout dans les régions
du monde économiquement développées, apparaissent comme dominés par l’économique
: presque toute leur existence personnelle et sociale est imbue d’un certain «
économisme», et cela aussi bien dans les pays favorables à l’économie
collectiviste que dans les autres. À un moment où le développement de
l’économie, orienté et coordonné d’une manière rationnelle et humaine,
permettrait d’atténuer les inégalités sociales, il conduit trop souvent à leur
aggravation et même, ici ou là, à une régression de la condition sociale des
faibles et au mépris des pauvres. Alors que des foules immenses manquent encore
du strict nécessaire, certains, même dans les régions moins développées, vivent
dans l’opulence ou gaspillent sans compter. Le luxe côtoie la misère. Tandis qu’un
petit nombre d’hommes disposent d’un très ample pouvoir de décision, beaucoup
sont privés de presque toute possibilité d’initiative personnelle et de
responsabilité ; souvent même, ils sont placés dans des conditions de vie et de
travail indignes de la personne humaine.
4. De semblables
déséquilibres économiques et sociaux se produisent entre le secteur agricole, le
secteur industriel et les services, comme aussi entre les diverses régions d’un
seul et même pays. Entre les nations économiquement plus développées et les
autres nations, une opposition de plus en plus aiguë se manifeste, capable de
mettre en péril jusqu’à la paix du monde.
5. Les hommes de notre temps prennent une conscience de
plus en plus vive de ces disparités : ils sont profondément persuadés que les
techniques nouvelles et les ressources économiques accrues dont dispose le monde
pourraient et devraient corriger ce funeste état de choses. Mais pour cela de
nombreuses réformes sont nécessaires dans la vie économico-sociale ; il y faut
aussi, de la part de tous, une conversion des mentalités et des attitudes. Dans
ce but, l’Église, au cours des siècles, a explicité à la lumière de l’Évangile
des principes de justice et d’équité, demandés par la droite raison, tant pour
la vie individuelle et sociale que pour la vie internationale ; et elle les a
proclamés surtout ces derniers temps. Compte tenu de la situation présente, le
Concile entend les confirmer et indiquer quelques orientations en prenant
particulièrement en considération les exigences du développement économique [138].
Section 1.
Le développement économique
64. Le
développement économique au service de l’homme
Aujourd’hui plus que jamais, pour faire face à l’accroissement
de la population et pour répondre aux aspirations plus vastes du genre humain,
on s’efforce à bon droit d’élever le niveau de la production agricole et
industrielle, ainsi que le volume des services offerts. C’est pourquoi il faut
encourager le progrès technique, l’esprit d’innovation, la création et l’extension
d’entreprises, l’adaptation des méthodes, les efforts soutenus de tous ceux qui
participent à la production, en un mot tout ce qui peut contribuer à cet essor.
Mais le but fondamental d’une telle production n’est pas la seule multiplication
des biens produits, ni le profit ou la puissance ; c’est le service de l’homme :
de l’homme tout entier, selon la hiérarchie de ses besoins matériels comme des
exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse ; de tout
homme, disons-nous, de tout groupe d’hommes, sans distinction de race ou de
continent. C’est pourquoi l’activité économique, conduite selon ses méthodes et
ses lois propres, doit s’exercer dans les limites de l’ordre moral [139],
afin de répondre au dessein de Dieu sur l’homme [140].
65. Contrôle
de l’homme sur le développement économique
1. Le
développement doit demeurer sous le contrôle de l’homme. Il ne doit pas être
abandonné à la discrétion d’un petit nombre d’hommes ou de groupes jouissant
d’une trop grande puissance économique, ni à celle de la communauté politique où
à celle de quelques nations plus puissantes. Il convient au contraire que le
plus grand nombre possible d’hommes, à tous les niveaux, et au plan
international l’ensemble des nations, puissent prendre une part active à son
orientation. Il faut de même que les initiatives spontanées des individus et de
leurs libres associations soient coordonnées avec l’action des pouvoirs publics,
et qu’elles soient ajustées et harmonisées entre elles.
2. Le développement ne peut être laissé ni au seul jeu
quasi automatique de l’activité économique des individus, ni à la seule
puissance publique. Il faut donc dénoncer les erreurs aussi bien des doctrines
qui s’opposent aux réformes indispensables au nom d’une fausse conception de la
liberté, que des doctrines qui sacrifient les droits fondamentaux des personnes
et des groupes à l’organisation collective de la production [141].
3. Par ailleurs,
les citoyens doivent se rappeler que c’est leur droit et leur devoir (et le
pouvoir civil doit lui aussi le reconnaître) de contribuer selon leurs moyens au
progrès véritable de la communauté à laquelle ils appartiennent. Dans les pays
en voie de développement surtout, où l’emploi de toutes les disponibilités
s’impose avec un caractère d’urgence, ceux qui gardent leurs ressources
inemployées mettent gravement en péril le bien commun ; il en va de même de ceux
qui privent leur communauté des moyens matériels et spirituels dont elle a
besoin, le droit personnel de migration étant sauf.
66. Il faut mettre un terme aux immenses disparités économico-sociales
1. Pour répondre aux exigences de la justice et de l’équité,
il faut s’efforcer vigoureusement, dans le respect des droits personnels et du
génie propre de chaque peuple, de faire disparaître le plus rapidement possible
les énormes inégalités économiques qui s’accompagnent de discrimination
individuelle et sociale ; de nos jours elles existent et souvent elles s’aggravent.
De même, en bien des régions, étant donné les difficultés particulières de la
production et de la commercialisation dans le secteur agricole, il faut aider
les agriculteurs à accroître cette production et à la vendre, à réaliser les
transformations et les innovations nécessaires, à obtenir enfin un revenu
équitable ; sinon ils demeureront, comme il arrive trop souvent, des citoyens de
seconde zone. De leur côté, les agriculteurs, les jeunes surtout, doivent s’appliquer
avec énergie à améliorer leur compétence professionnelle, sans laquelle l’agriculture
ne saurait progresser [142].
2. De même, la
justice et l’équité exigent que la mobilité, nécessaire à des économies en
progrès, soit aménagée de façon à éviter aux individus et à leurs familles des
conditions de vie instables et précaires. À l’égard des travailleurs en
provenance d’autres pays ou d’autres régions qui apportent leur concours à la
croissance économique d’un peuple ou d’une province, on se gardera soigneusement
de toute espèce de discrimination en matière de rémunération ou de conditions de
travail. De plus, tous les membres de la société, en particulier les pouvoirs
publics, doivent les traiter comme des personnes et non comme de simples
instruments de production : faciliter la présence auprès d’eux de leur famille,
les aider à se procurer un logement décent et favoriser leur insertion dans la
vie sociale du pays ou de la région d’accueil. On doit cependant, dans la mesure
du possible, créer des emplois dans leurs régions d’origine elles-mêmes.
3. Dans les
économies actuellement en transition comme dans les formes nouvelles de la
société industrielle, marquées par exemple par le progrès de l’automation, il
faut se préoccuper d’assurer à chacun un emploi suffisant et adapté, et la
possibilité d’une formation technique et professionnelle adéquate. On doit aussi
garantir les moyens d’existence et la dignité humaine de ceux qui, surtout en
raison de la maladie ou de l’âge, se trouvent dans une situation plus difficile.
Section 2. Principes directeurs de l’ensemble de la vie économico-sociale
67. Travail,
conditions de travail, loisirs
1. Le travail des
hommes, celui qui s’exerce dans la production et l’échange de biens ou dans la
prestation de services économiques, passe avant les autres éléments de la vie
économique, qui n’ont valeur que d’instruments.
2. Ce travail, en effet, qu’il soit entrepris de manière
indépendante ou par contrat avec un employeur, procède immédiatement de la
personne : celle-ci marque en quelque sorte la nature de son empreinte et la
soumet à ses desseins. Par son travail, l’homme assure habituellement sa
subsistance et celle de sa famille, s’associe à ses frères et leur rend service,
peut pratiquer une vraie charité et coopérer à l’achèvement de la création
divine. Bien plus, par l’hommage de son travail à Dieu, nous tenons que l’homme
est associé à l’œuvre rédemptrice de Jésus Christ qui a donné au travail une
dignité éminente en œuvrant de ses propres mains à Nazareth. De là découlent
pour tout homme le devoir de travailler loyalement aussi bien que le droit au
travail. En fonction des circonstances concrètes, la société doit, pour sa part,
aider les citoyens en leur permettant de se procurer un emploi suffisant. Enfin,
compte tenu des fonctions et de la productivité de chacun, de la situation de l’entreprise
et du bien commun, la rémunération du travail doit assurer à l’homme des
ressources qui lui permettent, à lui et à sa famille, une vie digne sur le plan
matériel, social, culturel et spirituel [143].
3. Comme l’activité
économique est le plus souvent le fruit du travail associé des hommes, il est
injuste et inhumain de l’organiser et de l’ordonner au détriment de quelque
travailleur que ce soit. Or il est trop courant, même de nos jours, que ceux qui
travaillent soient en quelque sorte asservis à leurs propres œuvres ; ce que de
soi-disant lois économiques ne justifient en aucun façon. Il importe donc d’adapter
tout le processus du travail productif aux besoins de la personne et aux
modalités de son existence, en particulier de la vie du foyer (surtout en ce qui
concerne les mères de famille), en tenant toujours compte du sexe et de l’âge.
Les travailleurs doivent aussi avoir la possibilité de développer leurs qualités
et leur personnalité dans l’exercice même de leur travail. Tout en y appliquant
leur temps et leurs forces d’une manière consciencieuse, que tous jouissent par
ailleurs d’un temps de repos et de loisir suffisant qui leur permette aussi d’entretenir
une vie familiale, culturelle, sociale et religieuse. Bien plus, ils doivent
avoir la possibilité de déployer librement des facultés et des capacités qu’ils
ont peut-être peu l’occasion d’exercer dans leur travail professionnel.
68. Participation dans l’entreprise et dans l’organisation économique
globale. Conflits du travail
1. Dans les entreprises économiques, ce sont des personnes
qui sont associées entre elles, c’est-à-dire des êtres libres et autonomes,
créés à l’image de Dieu. Aussi, en prenant en considération les fonctions des
uns et des autres, propriétaires, employeurs, cadres, ouvriers, et en
sauvegardant la nécessaire unité de direction, il faut promouvoir, selon des
modalités à déterminer au mieux, la participation active de tous à la gestion
des entreprises [144].
Et comme, bien souvent, ce n’est déjà plus au niveau de l’entreprise, mais à des
instances supérieures, que se prennent les décisions économiques et sociales
dont dépend l’avenir des travailleurs et de leurs enfants, ceux-ci doivent
également participer à ces décisions, soit par eux-mêmes, soit par leurs
représentants librement choisis.
2. Il faut mettre
au rang des droits fondamentaux de la personne le droit des travailleurs de
fonder librement des associations capables de les représenter d’une façon
valable et de collaborer à la bonne organisation de la vie économique, ainsi que
le droit de prendre librement part aux activités de ces associations, sans
courir le risque de représailles. Grâce à cette participation organisée, jointe
à un progrès de la formation économique et sociale, le sens des responsabilités
grandira de plus en plus chez tous : ils seront ainsi amenés à se sentir
associés, selon leurs moyens et leurs aptitudes personnels, à l’ensemble du
développement économique et social ainsi qu’à la réalisation du bien commun
universel.
3. En cas de
conflits économico-sociaux, on doit s’efforcer de parvenir à une solution
pacifique. Mais, s’il faut toujours recourir d’abord au dialogue sincère entre
les parties, la grève peut cependant, même dans les circonstances actuelles,
demeurer un moyen nécessaire, bien qu’ultime, pour la défense des droits propres
et la réalisation des justes aspirations des travailleurs. Que les voies de la
négociation et du dialogue soient toutefois reprises, dès que possible, en vue
d’un accord.
69. Les
biens de la terre sont destinés à tous les hommes
1. Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elles contient à
l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la
création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle
de la justice, inséparable de la charité [145].
Quelles que soient les formes de la propriété, adaptées aux légitimes
institutions des peuples, selon des circonstances diverses et changeantes, on
doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens. C’est
pourquoi l’homme, dans l’usage qu’il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu’il
possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme
communes : en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi
aux autres [146].
D’ailleurs, tous les hommes ont le droit d’avoir une part suffisante de biens
pour eux-mêmes et leur famille. C’est ce qu’on pensé les Pères et les docteurs
de l’Église qui enseignaient que l’on est tenu d’aider les pauvres, et pas
seulement au moyen de son superflu [147].
Quant à celui qui se trouve dans l’extrême nécessité, il a le droit de se
procurer l’indispensable à partir des richesses d’autrui [148].
Devant un si grand nombre d’affamés de par le monde, le Concile insiste auprès
de tous et auprès des autorités pour qu’ils se souviennent de ce mot des Pères :
« Donne à manger à celui qui meurt de faim car, si tu ne lui as pas donné à
manger, tu l’as tué [149]
» ; et pour que, selon les possibilités de chacun, ils partagent et emploient
vraiment leurs biens en procurant avant tout aux individus et aux peuples les
moyens qui leur permettront de s’aider eux-mêmes et de se développer.
2. Fréquemment,
dans des sociétés économiquement moins développées, la destination commune des
biens est partiellement réalisée par des coutumes et des traditions
communautaires, garantissant à chaque membre les biens les plus nécessaires.
Certes, il faut éviter de considérer certaines coutumes comme tout à fait
immuables, si elles ne répondent plus aux nouvelles exigences de ce temps ;
mais, à l’inverse, il ne faut pas attenter imprudemment à ces coutumes honnêtes
qui, sous réserve d’une saine modernisation, peuvent encore rendre de grands
services. De même, dans les pays économiquement très développés, un réseau d’institutions
sociales, d’assurance et de sécurité, peut réaliser en partie la destination
commune des biens. Il importe de poursuivre le développement des services
familiaux et sociaux, principalement de ceux qui contribuent à la culture et à
l’éducation. Mais, dans l’aménagement de toutes ces institutions, il faut
veiller à ce que le citoyen ne soit pas conduit à adopter vis-à-vis de la
société une attitude de passivité, d’irresponsabilité ou de refus de service.
70.
Investissements et question monétaire
Les
investissements, de leur côté, doivent tendre à assurer des emplois et des
revenus suffisants tant à la population active d’aujourd’hui qu’à celle de
demain. Tous ceux qui décident de ces investissements, comme de l’organisation
de la vie économique (individus, groupes, pouvoirs publics) doivent avoir ces
buts à cœur et se montrer conscients de leurs graves obligations ; d’une part,
prendre des dispositions pour faire face aux nécessités d’une vie décente, tant
pour les individus que pour la communauté tout entière ; d’autre part, prévoir
l’avenir et assurer un juste équilibre entre les besoins de la consommation
actuelle, individuelle et collective, et les exigences d’investissement pour la
génération qui vient. On doit également avoir toujours en vue les besoins
pressants des nations et des régions économiquement moins avancées. Par ailleurs,
en matière monétaire, il faut se garder d’attenter au bien de son propre pays ou
à celui des autres nations. On doit s’assurer en outre que ceux qui sont
économiquement faibles ne soient pas injustement lésés par des changements dans
la valeur de la monnaie.
71. Accès à la propriété et au pouvoir privé sur les biens. Problème des
latifundia
1. La propriété et
les autres formes de pouvoir privé sur les biens extérieurs contribuent à l’expression
de la personne et lui donnent l’occasion d’exercer sa responsabilité dans la
société et l’économie. Il est donc très important de favoriser l’accession des
individus et des groupes à un certain pouvoir sur les biens extérieurs.
2. La propriété privée ou un certain pouvoir sur les biens
extérieurs assurent à chacun une zone indispensable d’autonomie personnelle et
familiale ; il faut les regarder comme un prolongement de la liberté humaine.
Enfin, en stimulant l’exercice de la responsabilité, ils constituent l’une des
conditions des libertés civiles [150].
3. Les formes d’un
tel pouvoir ou propriété sont aujourd’hui variées ; et leur diversité ne cesse
de s’amplifier. Toutes cependant demeurent, à côté des fonds sociaux, des droits
et des services garantis par la société, une source de sécurité non négligeable.
Et ceci n’est pas vrai des seules propriétés matérielles, mais aussi des biens
immatériels, comme les capacités professionnelles.
4. La légitimité de la propriété privée ne fait toutefois
pas obstacle à celle des divers modes de propriétés publiques, à condition que
le transfert des biens au domaine public soit effectué par la seule autorité
compétente, selon les exigences du bien commun, dans les limites de celui-ci et
au prix d’une indemnisation équitable. L’État a, par ailleurs, compétence pour
empêcher qu’on abuse de la propriété privée contrairement au bien commun [151].
5. De par sa nature même, la propriété privée a aussi un
caractère social, fondé dans la loi de commune destination des biens [152].
Là où ce caractère social n’est pas respecté, la propriété peut devenir une
occasion fréquente de convoitises et de graves désordres : prétexte est ainsi
donné à ceux qui contestent le droit même de propriété.
6. Dans plusieurs
régions économiquement moins développées, il existe des domaines ruraux étendus
et même immenses, médiocrement cultivés ou mis en réserve à des fins de
spéculation, alors que la majorité de la population est dépourvue de terres ou
n’en détient qu’une quantité dérisoire et que, d’autre part, l’accroissement de
la production agricole présente un caractère d’urgence évident. Souvent, ceux
qui sont employés par les propriétaires de ces grands domaines, ou en cultivent
des parcelles louées, ne reçoivent que des salaires ou des revenus indignes de
l’homme ; ils ne disposent pas de logement décent et sont exploités par des
intermédiaires. Dépourvus de toute sécurité, ils vivent dans une dépendance
personnelle telle qu’elle leur interdit presque toute possibilité d’initiative
et de responsabilité, toute promotion culturelle, toute participation à la vie
sociale et politique. Des réformes s’imposent donc, visant, selon les cas, à
accroître les revenus, à améliorer les conditions de travail et la sécurité de
l’emploi, à favoriser l’initiative, et même à répartir les propriétés
insuffisamment cultivées au bénéfice d’hommes capables de les faire valoir. En
l’occurrence, les ressources et les instruments indispensables doivent leur être
assurés, en particulier les moyens d’éducation et la possibilité d’une juste
organisation de type coopératif. Chaque fois que le bien commun exigera l’expropriation,
l’indemnisation devra s’apprécier selon l’équité, compte tenu de toutes les
circonstances.
72. L’activité
économico-sociale et le Royaume du Christ
1. Les chrétiens
actifs dans le développement économico-social et dans la lutte pour le progrès
de la justice et de la charité doivent être persuadés qu’ils peuvent ainsi
beaucoup pour la prospérité de l’humanité et la paix du monde. Dans ces diverses
activités, qu’ils brillent par leur exemple, individuel et collectif. Tout en s’assurant
la compétence et l’expérience absolument indispensables, qu’ils maintiennent, au
milieu des activités terrestres, une juste hiérarchie des valeurs, fidèles au
Christ et à son Évangile, pour que toute leur vie, tant individuelle que
sociale, soit pénétrée de l’esprit des Béatitudes, et en particulier de l’esprit
de pauvreté.
2. Quiconque, suivant le Christ, cherche d’abord le
Royaume de Dieu, y trouve un amour plus fort et plus pur pour aider tous ses
frères et pour accomplir une œuvre de justice, sous l’impulsion de l’amour [153].
CHAPITRE IV :
La vie de la communauté économique
73. La vie
publique aujourd’hui
1. De profondes
transformations se remarquent aussi de nos jours dans les structures et dans les
institutions des peuples ; elles accompagnent leur évolution culturelle,
économique et sociale. Ces changements exercent une grande influence sur la vie
de la communauté politique, notamment en ce qui concerne les droits et les
devoirs de chacun dans l’exercice de la liberté civique et dans la poursuite du
bien commun, comme pour ce qui regarde l’organisation des relations des citoyens
entre eux et avec les pouvoirs publics.
2. La conscience
de la dignité humaine est devenue plus vive. D’où, en diverses régions du monde,
l’effort pour instaurer un ordre politico-juridique dans lequel les droits de la
personne au sein de la vie publique soient mieux protégés : par exemple, les
droits de libre réunion et d’association, le droit d’exprimer ses opinions
personnelles et de professer sa religion en privé et en public. La garantie des
droits de la personne est en effet une condition indispensable pour que les
citoyens, individuellement ou en groupe, puissent participer activement à la vie
et à la gestion des affaires publiques.
3. En étroite
liaison avec le progrès culturel, économique et social, le désir s’affirme chez
un grand nombre d’hommes de prendre davantage part à l’organisation de la
communauté politique. Dans la conscience de beaucoup s’intensifie le souci de
préserver les droits des minorités à l’intérieur d’une nation, sans négliger
pour autant leurs obligations à l’égard de la communauté politique. De plus, le
respect de ceux qui professent une opinion ou une religion différentes grandit
de jour en jour. En même temps, une plus large collaboration s’établit, capable
d’assurer à tous les citoyens, et non seulement à quelques privilégiés, la
jouissance effective des droits attachés à la personne.
4. On rejette au
contraire toutes les formes politiques, telles qu’elles existent en certaines
régions, qui font obstacle à la liberté civile ou religieuse, multiplient les
victimes des passions et des crimes politiques et détournent au profit de
quelque faction ou des gouvernants eux-mêmes l’action de l’autorité au lieu de
la faire servir au bien commun.
5. Pour instaurer
une vie politique vraiment humaine, rien n’est plus important que de développer
le sens intérieur de la justice, de la bonté, le dévouement au bien commun, et
de renforcer les convictions fondamentales sur la nature véritable de la
communauté politique, comme sur la fin, le bon exercice et les limites de
l’autorité publique.
74. Nature
et fin de la communauté politique
1. Individus, familles, groupements divers, tous ceux qui
constituent la communauté civile, ont conscience de leur impuissance à réaliser
seuls une vie pleinement humaine et perçoivent la nécessité d’une communauté
plus vaste à l’intérieur de laquelle tous conjuguent quotidiennement leurs
forces en vue d’une réalisation toujours plus parfaite du bien commun [154].
C’est pourquoi ils forment une communauté politique selon des types
institutionnels variés. Celle-ci existe donc pour le bien commun ; elle trouve
en lui sa pleine justification et sa signification et c’est de lui qu’elle tire
l’origine de son droit propre. Quant au bien commun, il comprend l’ensemble des
conditions de vie sociale qui permettent aux hommes, aux familles et aux
groupements de s’accomplir plus complètement et plus facilement [155].
2. Mais les hommes
qui se retrouvent dans la communauté politique sont nombreux, différents, et ils
peuvent à bon droit incliner vers des opinions diverses. Aussi, pour empêcher
que, chacun opinant dans son sens, la communauté politique ne se disloque, une
autorité s’impose qui soit capable d’orienter vers le bien commun les énergies
de tous, non d’une manière mécanique ou despotique, mais en agissant avant tout
comme une force morale qui prend appui sur la liberté et le sens de la
responsabilité.
3. De toute évidence, la communauté politique et
l’autorité publique trouvent donc leur fondement dans la nature humaine et
relèvent par là d’un ordre fixé par Dieu, encore que la détermination des
régimes politiques, comme la désignation des dirigeants, soient laissées à la
libre volonté des citoyens [156].
4. Il s’ensuit également que l’exercice de l’autorité
politique, soit à l’intérieur de la communauté comme telle, soit dans les
organismes qui représentent l’État, doit toujours se déployer dans les limites
de l’ordre moral, en vue du bien commun (mais conçu d’une manière dynamique),
conformément à un ordre juridique légitimement établi ou à établir. Alors les
citoyens sont en conscience tenus à l’obéissance [157].
D’où, assurément, la responsabilité, la dignité et l’importance du rôle de ceux
qui gouvernent.
5. Si l’autorité
publique, débordant sa compétence, opprime les citoyens, que ceux-ci ne refusent
pas ce qui est objectivement requis par le bien commun ; mais qu’il leur soit
cependant permis de défendre leurs droits et ceux de leurs concitoyens contre
les abus du pouvoir, en respectant les limites tracées par la loi naturelle et
la loi évangélique.
6. Quant aux
modalités concrètes par lesquelles une communauté politique se donne sa
structure et organise le bon équilibre des pouvoirs publics, elles peuvent être
diverses, selon le génie propre de chaque peuple et la marche de l’histoire.
Mais elles doivent toujours servir à la formation d’un homme cultivé, pacifique,
bienveillant à l’égard de tous, pour l’avantage de toute la famille humaine.
75.
Collaboration de tous à la vie publique
1. Il est pleinement conforme à la nature de l’homme que
l’on trouve des structures politico-juridiques qui offrent sans cesse davantage
à tous les citoyens, sans aucune discrimination, la possibilité effective de
prendre librement et activement part tant à l’établissement des fondements
juridiques de la communauté politique qu’à la gestion des affaires publiques, à
la détermination du champ d’action et des buts des différents organes, et à
l’élection des gouvernants [158].
Que tous les citoyens se souviennent donc à la fois du droit et du devoir qu’ils
ont d’user de leur libre suffrage, en vue du bien commun. L’Église tient en
grande considération et estime l’activité de ceux qui se consacrent au bien de
la chose publique et en assurent les charges pour le service de tous.
2. Pour que la coopération de citoyens responsables
aboutisse à d’heureux résultats dans la vie politique de tous les jours, un
statut de droit positif est nécessaire, qui organise une répartition convenable
des fonctions et des organes du pouvoir ainsi qu’une protection efficace des
droits, indépendante de quiconque. Que les droits de toutes les personnes, des
familles et des groupes, ainsi que leur exercice, soient reconnus, respectés et
valorisés [159],
non moins que les devoirs civiques auxquels sont astreints tous les citoyens.
Parmi ces derniers, il faut rappeler l’obligation de rendre à l’État les
services matériels et personnels requis par le bien commun. Les gouvernants se
garderont de faire obstacle aux associations familiales, sociales et
culturelles, aux corps et institutions intermédiaires, ou d’empêcher leurs
activités légitimes et efficaces ; qu’ils aiment plutôt les favoriser, dans
l’ordre. Quant aux citoyens, individuellement ou en groupe, qu’ils évitent de
conférer aux pouvoirs publics une trop grande puissance ; qu’ils ne s’adressent
pas à eux d’une manière intempestive pour réclamer des secours et des avantages
excessifs, au risque d’amoindrir la responsabilité des personnes, des familles
et des groupes sociaux.
3. À notre époque, la complexité croissante des
circonstances oblige les pouvoirs publics à intervenir plus fréquemment, en
matière sociale, économique et culturelle, pour préparer des conditions plus
favorables qui permettent aux citoyens et aux groupes de poursuivre d’une
manière plus efficace la réalisation du bien complet de l’homme, dans la
liberté. Assurément, selon les régions et selon l’évolution des peuples, les
relations entre la socialisation [160]
et l’autonomie ou de développement de la personne peuvent être comprises de
divers façons. Mais si, en vue du bien commun, on restreint pour un temps
l’exercice des droits, que l’on rétablisse au plus tôt la liberté quand les
circonstances auront changé. Il est en tout cas inhumain que le gouvernement en
vienne à des formes totalitaires ou à des formes dictatoriales qui lèsent
gravement le droit des personnes ou des groupes sociaux.
4. Que les
citoyens cultivent avec magnanimité et loyauté l’amour de la patrie, mais sans
étroitesse d’esprit, c’est-à-dire de telle façon qu’en même temps ils prennent
toujours en considération le bien de toute la famille humaine qui rassemble
races, peuples et nations, unis par toutes sortes de liens.
5. Tous les
chrétiens doivent prendre conscience du rôle particulier et propre qui leur
échoit dans la communauté politique : ils sont tenus à donner l’exemple en
développant en eux le sens des responsabilités et du dévouement au bien commun ;
ils montreront ainsi par les faits comment on peut harmoniser l’autorité avec la
liberté, l’initiative personnelle avec la solidarité et les exigences de tout le
corps social, les avantages de l’unité avec les diversités fécondes. En ce qui
concerne l’organisation des choses terrestres, qu’ils reconnaissent comme
légitimes des manières de voir par ailleurs opposées entre elles et qu’ils
respectent les citoyens qui, en groupe aussi, défendent honnêtement leur
opinion. Quant aux partis politiques, ils ont le devoir de promouvoir ce qui, à
leur jugement, est exigé par le bien commun ; mais il ne leur est jamais permis
de préférer à celui-ci leur intérêt propre.
6. Pour que tous les citoyens soient en mesure de jouer
leur rôle dans la vie de la communauté politique, on doit avoir un grand souci
de l’éducation civique et politique ; elle est particulièrement nécessaire
aujourd’hui, soit pour l’ensemble des peuples, soit, et surtout, pour les
jeunes. Ceux qui sont, ou peuvent devenir, capables d’exercer l’art très
difficile, mais aussi très noble [161]
de la politique, doivent s’y préparer ; qu’ils s’y livrent avec zèle, sans se
soucier de leur intérêt personnel ni des avantages matériels. Ils lutteront avec
intégrité et prudence contre l’injustice et l’oppression, contre l’absolutisme
et l’intolérance, qu’elles soient le fait d’un homme ou d’un parti politique ;
et ils se dévoueront au bien de tous avec sincérité et droiture, bien plus, avec
l’amour et le courage requis par la vie politique.
76. La
communauté politique et l’Église
1. Surtout là où
existe une société de type pluraliste, il est d’une haute importance que l’on
ait une vue juste des rapports entre la communauté politique et l’Église ; et
que l’on distingue nettement entre les actions que les fidèles, isolément ou en
groupe, posent en leur nom propre comme citoyens, guidés par leur conscience
chrétienne, et les actions qu’ils mènent au nom de l’Église, en union avec leurs
pasteurs.
2. L’Église qui,
en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d’aucune manière avec
la communauté politique et n’est liée à aucun système politique, est à la fois
le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine.
3. Sur le terrain
qui leur est propre, la communauté politique et l’Église sont indépendantes
l’une de l’autre et autonomes. Mais toutes deux, quoique à des titres divers,
sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes. Elles
exerceront d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu’elles
rechercheront davantage entre elles une saine coopération, en tenant également
compte des circonstances de temps et de lieu. L’homme, en effet, n’est pas
limité aux seuls horizons terrestres, mais, vivant dans l’histoire humaine, il
conserve intégralement sa vocation éternelle. Quant à l’Église, fondée dans
l’amour du Rédempteur, elle contribue à étendre le règne de la justice et de la
charité à l’intérieur de chaque nation et entre les nations. En prêchant la
vérité de l’Évangile, en éclairant tous les secteurs de l’activité humaine par
sa doctrine et par le témoignage que rendent des chrétiens, l’Église respecte et
promeut aussi la liberté politique et la responsabilité des citoyens.
4. Lorsque les
Apôtres, leurs successeurs et les coopérateurs de ceux-ci, sont envoyés pour
annoncer aux hommes le Christ Sauveur du monde, leur apostolat prend appui sur
la puissance de Dieu qui, très souvent, manifeste la force de l’Évangile dans la
faiblesse des témoins. Il faut en effet que tous ceux qui se vouent au ministère
de la parole divine utilisent les voies et les moyens propres à l’Évangile qui,
sur bien des points, sont autres que ceux de la cité terrestre.
5. Certes, les
choses d’ici-bas et celles qui, dans la condition humaine, dépassent ce monde,
sont étroitement liées, et l’Église elle-même se sert d’instruments temporels
dans la mesure où sa propre mission le demande. Mais elle ne place pas son
espoir dans les privilèges offerts par le pouvoir civil. Bien plus, elle
renoncera à l’exercice de certains droits légitimement acquis, s’il est reconnu
que leur usage peut faire douter de la pureté de son témoignage ou si des
circonstances nouvelles exigent d’autres dispositions. Mais il'est juste qu’elle
puisse partout et toujours prêcher la foi avec une authentique liberté,
enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entraves sa mission parmi les
hommes, porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine
politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent,
en utilisant tous les moyens, et ceux-là seulement, qui sont conformes à l’Évangile
et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des
situations.
6. Par son attachement et sa fidélité à l’Évangile, par l’accomplissement
de sa mission dans le monde, l’Église, à qui il appartient de favoriser et d’élever
tout ce qui se trouve de vrai, de bon, de beau dans la communauté humaine [162],
renforce la paix entre les hommes pour la gloire de Dieu [163].
CHAPITRE V :
La sauvegarde de la paix et la construction
de la communauté des nations
77.
Introduction
1. En ces années
mêmes, où les douleurs et les angoisses de guerres tantôt dévastatrices et
tantôt menaçantes pèsent encore si lourdement sur nous, la famille humaine tout
entière parvient à un moment décisif de son évolution. Peu à peu rassemblée,
partout déjà plus consciente de son unité, elle doit entreprendre une œuvre qui
ne peut être menée à bien que par la conversion renouvelée de tous à une paix
véritable : édifier un monde qui soit vraiment plus humain pour tous et en tout
lieu. Alors, le message de l’Évangile, rejoignant les aspirations et l’idéal le
plus élevé de l’humanité, s’illuminera de nos jours d’une clarté nouvelle, lui
qui proclame bienheureux les artisans de la paix, « car ils seront appelés fils
de Dieu » (Mt 5, 9).
2. C’est pourquoi
le Concile, après avoir mis en lumière la conception authentique et très noble
de la paix et condamné la barbarie de la guerre, se propose de lancer un appel
ardent aux chrétiens pour qu’avec l’aide du Christ, auteur de la paix, ils
travaillent avec tous les hommes à consolider cette paix entre eux, dans la
justice et l’amour, et à en préparer les moyens.
78. La
nature de la paix
1. La paix n’est
pas une pure absence de guerre et elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre
de forces adverses ; elle ne provient pas non plus d’une domination despotique,
mais c’est en toute vérité qu’on la définit « œuvre de justice » (Is 32,
17). Elle est le fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par son divin
fondateur, et qui doit être réalisé par des hommes qui ne cessent d’aspirer à
une justice plus parfaite. En effet, encore que le bien commun du genre humain
soit assurément régi dans sa réalité fondamentale par la loi éternelle, dans ses
exigences concrètes il est pourtant soumis à d’incessants changements avec la
marche du temps : la paix n’est jamais chose acquise une fois pour toutes, mais
sans cesse à construire. Comme de plus la volonté humaine est fragile et qu’elle
est blessée par le péché, l’avènement de la paix exige de chacun le constant
contrôle de ses passions et la vigilance de l’autorité légitime.
2. Mais ceci est
encore insuffisant. La paix dont nous parlons ne peut s’obtenir sur terre sans
la sauvegarde du bien des personnes, ni sans la libre et confiante communication
entre les hommes des richesses de leur esprit et de leurs facultés créatrices.
La ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que
leur dignité, la pratique assidue de la fraternité sont absolument
indispensables à la construction de la paix. Ainsi la paix est-elle aussi le
fruit de l’amour qui va bien au-delà de ce que la justice peut apporter.
3. La paix terrestre qui naît de l’amour du prochain est
elle-même image et effet de la paix du Christ qui vient de Dieu le Père. Car le
Fils incarné en personne, prince de la paix, a réconcilié tous les hommes avec
Dieu par sa croix, rétablissant l’unité de tous en un seul peuple et un seul
corps. Il a tué la haine dans sa propre chair [164]
et, après le triomphe de sa résurrection, il a répandu l’Esprit de charité dans
le cœur des hommes.
4. C’est pourquoi,
accomplissant la vérité dans la charité (Ep 4, 15), tous les chrétiens
sont appelés avec insistance à se joindre aux hommes véritablement pacifiques
pour implorer et instaurer la paix.
5. Poussés par le
même esprit, nous ne pouvons pas ne pas louer ceux qui, renonçant à l’action
violente pour la sauvegarde des droits, recourent à des moyens de défense qui,
par ailleurs, sont à la portée même des plus faibles, pourvu que cela puisse se
faire sans nuire aux droits et aux devoirs des autres ou de la communauté.
6. Dans la mesure
où les hommes sont pécheurs, le danger de guerre menace, et il en sera ainsi
jusqu’au retour du Christ. Mais dans la mesure où, unis dans l’amour, les hommes
surmontent le péché, ils surmontent aussi la violence, jusqu’à l’accomplissement
de cette parole : « De leurs épées ils forgeront des socs et de leurs lances des
faucilles. Les nations ne tireront plus l’épée l’une contre l’autre et ne s’exerceront
plus au combat » (Is 2, 4).
Section 1.
Éviter la guerre
79. Mettre
un frein à l’inhumanité des guerres
1. Bien que les
dernières guerres aient apporté à notre monde de terribles maux d’ordre matériel
comme d’ordre moral, chaque jour encore la guerre poursuit ses ravages en
quelque point du globe. Bien plus, étant donné qu’on emploie des armes
scientifiques de tout genre pour faire la guerre, sa sauvagerie menace d’amener
les combattants à une barbarie bien pire que celle d’autrefois. En outre, la
complexité de la situation actuelle et l’enchevêtrement des relations
internationales permettent que, par de nouvelles méthodes insidieuses et
subversives, des guerres larvées traînent en longueur. Dans bien des cas, le
recours aux procédés du terrorisme est regardé comme une nouvelle forme de
guerre.
2. Considérant cet
état lamentable de l’humanité, le Concile, avant tout, entend rappeler la valeur
permanente du droit des gens et de ses principes universels. Ces principes, la
conscience même du genre humain les proclame fermement et avec une vigueur
croissante. Les actions qui leur sont délibérément contraires sont donc des
crimes, comme les ordres qui commandent de telles actions ; et l’obéissance
aveugle ne suffit pas à excuser ceux qui s’y soumettent. Parmi ces actions, il
faut compter en tout premier lieu celles par lesquelles, pour quelque motif et
par quelque moyen que ce soit, on extermine tout un peuple, une nation ou une
minorité ethnique : ces actions doivent être condamnées comme des crimes affreux,
et avec la dernière énergie. Et l’on ne saurait trop louer le courage de ceux
qui ne craignent point de résister ouvertement aux individus qui ordonnent de
tels forfaits.
3. Il existe, pour
tout ce qui concerne la guerre, diverses conventions internationales, qu’un
assez grand nombre de pays ont signées en vue de rendre moins inhumaines les
actions militaires et leurs conséquences. Telles sont les conventions relatives
au sort des soldats blessés, à celui des prisonniers, et divers engagements de
ce genre. Ces accords doivent être observés ; bien plus, tous, particulièrement
les autorités publiques ainsi que les personnalités compétentes, doivent
s’efforcer autant qu’ils le peuvent de les améliorer et de leur permettre ainsi
de mieux contenir, et de façon plus efficace, l’inhumanité des guerres. Il
semble en outre équitable que les lois pourvoient avec humanité au cas de ceux
qui, pour des motifs de conscience, refusent l’emploi des armes, pourvu qu’ils
acceptent cependant de servir sous une autre forme la communauté humaine.
4. La guerre,
assurément, n’a pas disparu de l’horizon humain. Et aussi longtemps que le
risque de guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale
compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux
gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifique,
le droit de légitime défense. Les chefs d’État et ceux qui partagent les
responsabilités des affaires publiques ont donc le devoir d’assurer la
sauvegarde des peuples dont ils ont la charge, en ne traitant pas à la légère
des questions aussi sérieuses. Mais faire la guerre pour la juste défense des
peuples est une chose, vouloir imposer son empire à d’autres nations en est une
autre. La puissance des armes ne légitime pas tout usage de cette force à des
fins politiques ou militaires. Et ce n’est pas parce que la guerre est
malheureusement engagée que tout devient, par le fait même, licite entre parties
adverses.
5. Quant à ceux
qui se vouent au service de la patrie dans la vie militaire, qu’ils se
considèrent eux aussi comme les serviteurs de la sécurité et de la liberté des
peuples ; s’ils s’acquittent correctement de cette tâche, ils concourent
vraiment au maintien de la paix.
80. La
guerre totale
1. Le progrès de
l’armement scientifique accroît démesurément l’horreur et la perversion de la
guerre. Les actes belliqueux, lorsqu’on emploie de telles armes, peuvent en
effet causer d’énormes destructions, faites sans discrimination, qui du coup
vont très au-delà des limites d’une légitime défense. Qui plus est, si l’on
utilisait complètement les moyens déjà stockés dans les arsenaux des grandes
puissances, il n’en résulterait rien de moins que l’extermination presque totale
et parfaitement réciproque de chacun des adversaires par l’autre, sans parler
des nombreuses dévastations qui s’ensuivraient dans le monde et des effets
funestes découlant de l’usage de ses armes.
2. Tout cela nous force à reconsidérer la guerre dans un
esprit entièrement nouveau [165].
Que les hommes d’aujourd’hui sachent qu’ils auront de lourds comptes à rendre de
leurs actes de guerre. Car le cours des âges à venir dépendra pour beaucoup de
leurs décisions d’aujourd’hui.
3. Dans une telle conjoncture, faisant siennes les
condamnations de la guerre totale déjà prononcées par les derniers papes [166],
ce saint Synode déclare :
4. Tout acte de
guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes
régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme
lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation.
5. Le risque
particulier de la guerre moderne consiste en ce qu’elle fournit pour ainsi dire
l’occasion à ceux qui possèdent des armes scientifiques plus récentes de
commettre de tels crimes ; et, par un enchaînement en quelque sorte inexorable,
elle peut pousser la volonté humaine aux plus atroces décisions. Pour que jamais
plus ceci ne se produise, les évêques du monde entier, rassemblés et ne faisant
qu’un, adjurent tous les hommes, tout particulièrement les chefs d’État et les
autorités militaires, de peser à tout instant une responsabilité aussi immense
devant Dieu et devant toute l’humanité.
81. La
course aux armements
Les armes
scientifiques, il est vrai, n’ont pas été accumulées dans la seule intention
d’être employées en temps de guerre. En effet, comme on estime que la puissance
défensive de chaque camp dépend de la capacité foudroyante d’exercer des
représailles, cette accumulation d’armes, qui s’aggrave d’année en année, sert
d’une manière paradoxale à détourner des adversaires éventuels. Beaucoup pensent
que c’est là le plus efficace des moyens susceptibles d’assurer aujourd’hui une
certaine paix entre les nations.
Quoi qu’il en soit
de ce procédé de dissuasion, on doit néanmoins se convaincre que la course aux
armements, à laquelle d’assez nombreuses nations s’en remettent, ne constitue
pas une voie sûre pour le ferme maintien de la paix et que le soi-disant
équilibre qui en résulte n’est ni une paix stable, ni une paix véritable. Bien
loin d’éliminer ainsi les causes de guerre, on risque au contraire de les
aggraver peu à peu. Tandis qu’on dépense des richesses fabuleuses dans la
préparation d’armes toujours nouvelles, il devient impossible de porter
suffisamment remède à tant de misères présentes de l’univers. Au lieu d’apaiser
véritablement et radicalement les conflits entre nations, on en répand plutôt la
contagion à d’autres parties du monde. Il faudra choisir des voies nouvelles en
partant de la réforme des esprits pour en finir avec ce scandale et pour pouvoir
ainsi libérer le monde de l’anxiété qui l’opprime et lui rendre une paix
véritable.
C’est pourquoi il
faut derechef déclarer : la course aux armements est une plaie extrêmement grave
de l’humanité et lèse les pauvres d’une manière intolérable. Et il est bien à
craindre que, si elle persiste, elle n’enfante un jour les désastres mortels
dont elle préparer déjà les moyens.
Avertis des
catastrophes que le genre humain a rendues possibles, mettons à profit le délai
dont nous jouissons et qui nous est concédé d’en haut pour que, plus conscients
de nos responsabilités personnelles, nous trouvions les méthodes qui nous
permettront dérégler nos différents d’une manière plus digne de l’homme. La
Providence divine requiert instamment de nous que nous nous libérions de l’antique
servitude de la guerre. Où nous conduit la voie funeste sur laquelle nous nous
sommes engagés si nous nous refusons à faire cet effort, nous l’ignorons.
82. Vers l’absolue proscription de la guerre. L’action
internationale pour éviter la guerre
1. Il est donc clair que nous devons tendre à préparer de
toutes nos forces ce moment où, de l’assentiment général des nations, toute
guerre pourra être absolument interdite. Ce qui assurément, requiert l’institution
d’une autorité publique universelle, reconnue par tous, qui jouisse d’une
puissance efficace, susceptible d’assurer à tous la sécurité, le respect de la
justice et la garantie des droits. Mais, avant que cette autorité souhaitable
puisse se constituer, il faut que les instances internationales suprêmes d’aujourd’hui
s’appliquent avec énergie à l’étude des moyens les plus capables de procurer la
sécurité commune. Comme la paix doit naître de la confiance mutuelle entre
peuples au lieu d’être imposée aux nations par la terreur des armes, tous
doivent travailler à mettre enfin un terme à la course aux armements. Pour que
la réduction des armements commence à devenir une réalité, elle ne doit certes
pas se faire d’une manière unilatérale, mais à la même cadence, en vertu d’accords,
et être assortie de garanties véritables et efficaces [167].
2. En attendant,
il ne faut pas sous-estimer les efforts qui ont déjà été faits et qui continuent
de l’être en vue d’écarter le danger de la guerre. Il faut plutôt soutenir la
bonne volonté de ceux qui, très nombreux, accablés par les soucis considérables
de leurs hautes charges, mais poussés par la conscience de leurs très lourdes
responsabilités, s’efforcent d’éliminer la guerre dont ils ont horreur, tout en
ne pouvant cependant pas faire abstraction de la complexité des choses telles qu’elles
sont. D’autre part, il faut instamment prier Dieu de leur donner l’énergie d’entreprendre
avec persévérance et de poursuivre avec force cette œuvre d’immense amour des
hommes qu’est la construction courageuse de la paix. De nos jours, ceci exige
très certainement d’eux qu’ils ouvrent leur intelligence et leur cœur au-delà
des frontières de leur propre pays, qu’ils renoncent à l’égoïsme national et au
désir de dominer les autres nations, et qu’ils entretiennent un profond respect
envers toute l’humanité, qui s’avance avec tant de difficultés vers une plus
grande unité.
3. En ce qui
regarde les problèmes de la paix et du désarmement, il faut tenir compte des
études approfondies, courageuses et inlassables déjà effectuées et des congrès
internationaux qui ont traité de ce sujet, et les regarder comme un premier pas
vers la solution de si graves questions ; à l’avenir, il faut les poursuivre de
façon encore plus vigoureuse si l’on veut obtenir des résultats pratiques. Que
l’on prenne garde cependant de ne point s’en remettre aux seuls efforts de
quelques-uns, sans se soucier de son état d’esprit personnel. Car les chefs d’État,
qui sont les répondants du bien commun de leur propre nation et en même temps
les promoteurs du bien universel, sont très dépendants des opinions et des
sentiments de la multitude. Il leur est inutile de chercher à faire la paix tant
que les sentiments d’hostilité, de mépris et de défiance, tant que les haines
raciales et les partis pris idéologiques divisent les hommes et les opposent. D’où
l’urgence et l’extrême nécessité d’un renouveau dans la formation des mentalités
et d’un changement de ton dans l’opinion publique. Que ceux qui se consacrent à
une œuvre d’éducation, en particulier auprès des jeunes, ou qui forment
l’opinion publique, considèrent comme leur plus grave devoir celui d’inculquer à
tous les esprits de nouveaux sentiments générateurs de paix. Nous avons tous
assurément à changer notre cœur et à ouvrir les yeux sur le monde, comme sur les
tâches que nous pouvons entreprendre tous ensemble pour le progrès du genre
humain.
4. Ne nous leurrons pas de fausses espérances. En effet,
si, inimitiés et haines écartées, nous ne concluons pas des pactes solides et
honnêtes assurant pour l’avenir une paix universelle, l’humanité, déjà en grand
péril, risque d’en venir, malgré la possession d’une science admirable, à cette
heure funeste où elle ne pourra plus connaître d’autre paix que la paix
redoutable de la mort. Mais au moment même où l’Église du Christ, partageant les
angoisses de ce temps, prononce de telles paroles, elle n’abandonne pas pour
autant une très ferme espérance. Ce qu’elle veut, c’est encore et encore, à
temps et à contretemps, présenter à notre époque le message qui lui vient des
Apôtres : « Le voici maintenant le temps favorable » de la conversion des cœurs
« le voici maintenant le jour du salut [168]
».
Section 2.
La construction de la communauté internationale
83. Les
causes de discorde et leurs remèdes
Pour bâtir la paix,
la toute première condition est l’élimination des causes de discorde entre les
hommes : elles nourrissent les guerres, à commencer par les injustices. Nombre
de celles-ci proviennent d’excessives inégalités d’ordre économique, ainsi que
du retard à y apporter les remèdes nécessaires. D’autres naissent de l’esprit de
domination, du mépris des personnes et, si nous allons aux causes plus profondes,
de l’envie, de la méfiance, de l’orgueil et des autres passions égoïstes. Comme
l’homme ne peut supporter tant de désordres, il s’ensuit que le monde, même
lorsqu’il ne connaît pas les atrocités de la guerre, n’en est pas moins
continuellement agité par des rivalités et des actes de violence. En outre,
comme ces maux se retrouvent dans les rapports entre les nations elles-mêmes, il
est absolument indispensable que, pour les vaincre ou les prévenir, et pour
réprimer le déchaînement des violences, les institutions internationales
développent et affermissent leur coopération et leur coordination ; et que l’on
provoque sans se lasser la création d’organismes promoteurs de paix.
84. La communauté des nations et les institutions internationales
1. Au moment où se
développent les liens d’une étroite dépendance entre tous les citoyens et tous
les peuples de la terre, une recherche adéquate et une réalisation plus efficace
du bien commun universel exigent dès maintenant que la communauté des nations s’organise
selon un ordre qui corresponde aux tâches actuelles – principalement en ce qui
concerne ces nombreuses régions souffrant encore d’une disette intolérable.
2. Pour atteindre
ces fins, les institutions de la communauté internationale doivent, chacune pour
sa part, pourvoir aux divers besoins des hommes aussi bien dans le domaine de la
vie sociale (alimentation, santé, éducation, travail s’y rapportent), que pour
faire face à maintes circonstances particulières qui peuvent surgir ici où là :
par exemple, la nécessité d’aider la croissance générale des nations en voie de
développement, celle de subvenir aux misères des réfugiés dispersés dans le
monde entier, celle encore de fournir assistance aux émigrants et à leurs
familles.
3. Les
institutions internationales déjà existantes, tant mondiales que régionales, ont
certes bien mérité du genre humain. Elles apparaissent comme les premières
esquisses des bases internationales de la communauté humaine tout entière pour
résoudre les questions les plus importantes de notre époque : promouvoir le
progrès en tout lieu de la terre et prévenir la guerre sous toutes ses formes.
Dans tous ces domaines, l’Église se réjouit de l’esprit de fraternité véritable
qui est en train de s’épanouir entre chrétiens et non-chrétiens et tend à
intensifier sans cesse leurs efforts en vue de soulager l’immense misère.
85. La coopération internationale dans le domaine économique
1. La solidarité
actuelle du genre humain impose aussi l’établissement d’une coopération
internationale plus poussée dans le domaine économique. En effet, bien que
presque tous les peuples aient acquis leur indépendance politique, il s’en faut
de beaucoup qu’ils soient déjà libérés d’excessives inégalités et de toute forme
de dépendance abusive, et à l’abri de tout danger de graves difficultés
intérieures.
2. La croissance
d’un pays dépend de ses ressources en hommes et en argent. L’éducation et la
formation professionnelle doivent préparer les citoyens de chaque nation à faire
face aux diverses tâches de la vie économique et sociale. Ceci demande l’aide
d’experts étrangers ; ceux qui l’apportent ne doivent pas se conduire en
maîtres, mais en assistants et en collaborateurs. Quant à l’aide matérielle aux
nations en voie de développement, on ne pourra la fournir sans de profondes
modifications dans les coutumes actuelles du commerce mondial. D’autres
ressources doivent en outre leur venir des nations évoluées, sous formes de
dons, de prêts ou d’investissements financiers ; ces services doivent être
rendus généreusement et sans cupidité d’un côté, reçus en toute honnêteté de
l’autre.
3. Pour édifier un
véritable ordre économique mondial, il faut en finir avec l’appétit de bénéfices
excessifs, avec les ambitions nationales et les volontés de domination
politique, avec les calculs des stratégies militaristes ainsi qu’avec les
manœuvres dont le but est de propager ou d’imposer une idéologie. Une grande
diversité des systèmes économiques et sociaux se présentent : il est à souhaiter
que les hommes compétents puissent y trouver des bases communes pour un sain
commerce mondial, ce qui sera bien facilité si chacun renonce à ses propres
préjugés et se prête sans retard à un dialogue sincère.
86. Quelques
règles opportunes
1. En vue de cette
coopération, les règles suivantes paraissent opportunes :
2. a) Les nations
en voie de développement auront très à cœur d’assigner pour fin au progrès le
plein épanouissement humain de leurs propres citoyens, et cela d’une manière
explicite et non équivoque. Elles se souviendront que le progrès prend sa source
et son dynamisme avant tout dans le travail et le savoir-faire des pays
eux-mêmes ; car il doit s’appuyer non pas sur les seuls secours étrangers, mais
en tout premier lieu sur la pleine mise en œuvre des ressources de ces pays
ainsi que sur leur culture et leurs traditions propres. En cette matière, ceux
qui exercent la plus grande influence sur les autres doivent donner l’exemple.
3. b) Les nations
développées ont le très pressant devoir d’aider les nations en voie de
développement à accomplir ces tâches. Qu’elles procèdent donc aux révisions
internes, spirituelles et matérielles, requises pour l’établissement de cette
coopération universelle.
4. Ainsi, dans les
négociations avec les nations plus faibles et plus pauvres, elles devront
scrupuleusement tenir compte du bien de celles-ci ; en effet, les revenus qu’elles
tirent de la vente de leurs produits sont nécessaires à leur propre subsistance.
5. c) C’est le
rôle de la communauté internationale de coordonner et de stimuler le
développement, en veillant cependant à distribuer les ressources prévues avec le
maximum d’efficacité et d’équité. En tenant compte, assurément, du principe de
subsidiarité, il lui revient aussi d’ordonner les rapports économiques mondiaux
pour qu’ils s’effectuent selon les normes de la justice.
6. Que l’on fonde
des institutions capables de promouvoir et de régler le commerce international –
en particulier avec les nations moins développées – en vue de compenser les
inconvénients qui découlent d’une excessive inégalité de puissance entre les
nations. Une telle normalisation, accompagnée d’une aide technique, culturelle
et financière, doit mettre à la disposition des nations en voie de développement
les moyens nécessaires pour poursuivre l’essor harmonieux de leur économie.
7. d) Dans bien
des cas il est urgent de procéder à une refonte des structures économiques et
sociales. Mais il faut se garder des solutions techniques insuffisamment mûries,
tout particulièrement de celles qui, tout en offrant à l’homme des avantages
matériels, s’opposent à son caractère spirituel et à son épanouissement. Car «
l’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de toute parole qui sort de la
bouche de Dieu » (Mt 4, 4). Et tout élément de la famille humaine porte,
en lui-même et dans ses meilleures traditions, quelque élément de ce trésor
spirituel que Dieu a confié à l’humanité, même si beaucoup en ignorent
l’origine.
87. La coopération internationale et la croissance démographique
1. La coopération
internationale devient tout à fait indispensable lorsqu’il s’agit des peuples
qui, assez souvent aujourd’hui, en plus de tant d’autres difficultés, souffrent
particulièrement de celles qui proviennent de la croissance rapide de la
population. Il est urgent de rechercher comment, grâce à la collaboration
entière et assidue de tous, surtout des nations riches, on peut préparer ce qui
est nécessaire à la subsistance et à l’instruction convenable des hommes, et en
faire bénéficier l’ensemble de la communauté humaine. Bon nombre de peuples
pourraient sérieusement améliorer leur niveau de vie si, instruits comme il
convient, ils passaient de méthodes archaïques d’exploitation agricole à des
techniques modernes et les appliquaient avec la prudence nécessaire à leur
situation, tout en instaurant aussi un meilleur ordre social et en procédant à
un partage plus équitable de la propriété terrienne.
2. En ce qui
concerne les problèmes de la population dans chaque nation, les gouvernements,
dans les limites de leurs compétences propres, ont assurément des droits et des
devoirs : par exemple pour tout ce qui regarde la législation sociale et
familiale, l’exode des populations rurales vers les villes, l’information
relative à la situation et aux besoins du pays. Comme aujourd’hui les esprits se
préoccupent si fort de ce problème, il faut aussi souhaiter que des catholiques
compétents en toutes ces matières, dans les universités en particulier,
poursuivent assidûment les études entreprises et leur donnent encore plus d’ampleur.
3. Puisque
beaucoup affirment que l’accroissement démographique mondial, en tout cas celui
de certaines nations, doit être freiné d’une manière radicale par tous les
moyens et par n’importe quelle mesure de l’autorité publique, le Concile exhorte
tous les hommes à se garder de solutions, préconisées en public ou en privé, et
parfois imposées, qui sont en contradiction avec la loi morale. Car en vertu du
droit inaliénable de l’homme au mariage et à la procréation, la décision
relative au nombre d’enfants à mettre au monde dépend du jugement droit des
parents et ne peut en aucune façon être laissée à la discrétion de l’autorité
publique. Mais, comme le jugement des parents suppose une conscience bien formée,
il est très important de permettre à tous d’accéder à un niveau de
responsabilité conforme à la morale et vraiment humain qui, sans négliger
l’ensemble des circonstances, tienne compte de la loi divine. Cela suppose, un
peu partout, une amélioration des moyens pédagogiques et des conditions sociales
et, en tout premier lieu, la possibilité d’une formation religieuse ou, à tout
le moins, d’une éducation morale sans faille. Il faut, en outre, que les
populations soient judicieusement informées des progrès scientifiques réalisés
dans la recherche de méthodes qui peuvent aider les époux en matière de
régulation des naissances, lorsque la valeur de ces méthodes est bien établie et
leur accord avec la morale chose certaine.
88. Le rôle
des chrétiens dans l’entraide internationale
1. Les chrétiens
collaboreront de bon gré et de grand cœur à la construction de l’ordre
international qui doit se faire dans un respect sincère des libertés légitimes
et dans l’amicale fraternité de tous. Ils le feront d’autant plus volontiers que
la plus grande partie du globe souffre encore d’une telle misère que le Christ
lui-même, dans la personne des pauvres, réclame comme à haute voix la charité de
ses disciples. Qu’on évite donc ce scandale : alors que certaines nations, dont
assez souvent la majeure partie des habitants se parent du nom de chrétiens,
jouissent d’une grande abondance de biens, d’autres sont privées du nécessaire
et sont tourmentées par la faim, la maladie et toutes sortes de misères.
L’Esprit de pauvreté et de charité est, en effet, la gloire et le signe de l’Église
du Christ.
2. Il faut donc
louer et encourager ces chrétiens, les jeunes en particulier, qui s’offrent
spontanément à secourir d’autres hommes et d’autres peuples. Bien plus, il
appartient à tout le Peuple de Dieu, entraîné par la parole et l’exemple des
évêques, de soulager, dans la mesure de ses moyens, les misères de ce temps ; et
cela, comme c’était l’antique usage de l’Église, en prenant non seulement sur ce
qui est superflu, mais aussi sur ce qui est nécessaire.
3. Sans être
organisée d’une manière rigide et uniforme, la manière de collecter et de
distribuer les secours doit être cependant bien conduite dans les diocèses, dans
les nations et au plan mondial. Partout où la chose semble opportune, on
conjuguera l’action des catholiques avec celle des autres frères chrétiens. En
effet, l’esprit de charité, loin d’empêcher un exercice prévoyant et ordonné de
l’action sociale et de l’action caritative, l’exige plutôt. C’est pourquoi il
est nécessaire que ceux qui veulent s’engager au service des nations en voie de
développement reçoivent une formation adéquate, et dans des instituts
spécialisés.
89. Présence active de l’Église dans la communauté internationale
1. Lorsque l’Église,
en vertu de sa mission divine, prêche l’Évangile à tous les hommes et leur
dispense les trésors de la grâce, c’est partout qu’elle contribue à affermir la
paix et à établir entre les hommes et les peuples le fondement solide d’une
communauté fraternelle : à savoir la connaissance de la loi divine et naturelle.
Pour encourager et stimuler la coopération entre tous, il est donc tout à fait
nécessaire que l’Église soit présente dans la communauté des nations ; et cela
tant par ses organes officiels que par l’entière et loyale collaboration de tous
les chrétiens – collaboration inspirée par le seul désir d’être utile à tous.
2. Ce résultat
sera plus sûrement atteint si, déjà dans leur propre milieu, les fidèles
eux-mêmes, conscients de leur responsabilité humaine et chrétienne, travaillent
à susciter le désir d’une généreuse coopération avec la communauté
internationale. À cet égard, tant dans l’éducation religieuse que dans l’éducation
civique, on sera particulièrement attentif à la formation des jeunes.
90. Rôle des
chrétiens dans les institutions internationales
1. Pour les
chrétiens, une excellente forme d’activité internationale est assurément le
concours qu’ils apportent, individuellement ou en groupe, aux institutions qui
visent à étendre la collaboration internationale, que ces institutions existent
ou qu’elles soient à créer. Les diverses associations catholiques
internationales peuvent, en outre, rendre de multiples services pour l’édification
d’une communauté mondiale pacifique et fraternelle. Il faut les consolider, en
les dotant d’un personnel plus nombreux et bien formé, en augmentant les moyens
matériels dont elles ont besoin, et en coordonnant harmonieusement leurs forces.
De nos jours, en effet, l’efficacité de l’action et les nécessités du dialogue
réclament des initiatives collectives. De plus, de telles associations
contribuent largement à accroître le sens de l’universel, qui convient sans nul
doute aux catholiques, et à donner naissance à la conscience d’une solidarité et
d’une responsabilité vraiment mondiales.
2. Enfin, il faut
souhaiter que les catholiques, pour bien remplir leur rôle dans la communauté
internationale, recherchent une collaboration active et positive, soit avec
leurs frères séparés qui, unis à eux, professent l’amour évangélique, soit avec
tous les hommes en quête d’une paix véritable.
3. Considérant
l’immense misère qui accable, aujourd’hui encore, la majeure partie du genre
humain, pour favoriser partout la justice et en même temps pour allumer en tout
lieu l’amour du Christ à l’endroit des pauvres, le Concile, pour sa part, estime
très souhaitable la création d’un organisme de l’Église universelle, chargé d’inciter
la communauté catholique à promouvoir l’essor des régions pauvres et la justice
sociale entre les nations.
CONCLUSION
91. Rôle de chaque fidèle et des Eglises particulières
1. Tirées des
trésors de la doctrine de l’Église, les propositions que ce saint Synode vient
de formuler ont pour but d’aider tous les hommes de notre temps, qu’ils croient
en Dieu ou qu’ils ne le reconnaissent pas explicitement, à percevoir avec une
plus grande clarté la plénitude de leur vocation, à rendre le monde plus
conforme à l’éminente dignité de l’homme, à rechercher une fraternité
universelle, appuyée sur des fondements plus profonds, et, sous l’impulsion de
l’amour, à répondre généreusement et d’un commun effort aux appels les plus
pressants de notre époque.
2. Certes, face à
la variété extrême des situations et des civilisations, en de très nombreux
points, et à dessein, cet exposé ne revêt qu’un caractère général. Bien plus,
comme il s’agit assez souvent de questions sujettes à une incessante évolution,
l’enseignement présenté ici – qui est en fait l’enseignement déjà reçu dans l’Église
– devra encore être poursuivi et amplifié. Mais, nous en avons l’espoir, bien
des choses que nous avons énoncées, en nous appuyant sur la Parole de Dieu et
sur l’esprit de l’Évangile, pourront apporter à tous une aide valable ; surtout
lorsque les fidèles, sous la conduite de leurs pasteurs, auront réalisé l’effort
d’adaptation requis par la diversité des nations et des mentalités.
92. Le
dialogue entre tous les hommes
1. En vertu de la
mission qui est la sienne, d’éclairer l’univers entier par le message
évangélique et de réunir en un seul Esprit tous les hommes, à quelque nation,
race, ou culture qu’ils appartiennent, l’Église apparaît comme le signe de cette
fraternité qui rend possible un dialogue loyal et le renforce.
2. Cela exige en premier lieu qu’au sein même de l’Église
nous fassions progresser l’estime, le respect et la concorde mutuels, dans la
reconnaissance de toutes les diversités légitimes, et en vue d’établir un
dialogue sans cesse plus fécond entre tous ceux qui constituent l’unique Peuple
de Dieu, qu’il s’agisse des pasteurs ou des autres chrétiens. Ce qui unit en
effet les fidèles est plus fort que tout ce qui les divise : unité dans le
nécessaire, liberté dans le doute, en toutes choses la charité [169].
3. En même temps,
notre pensée embrasse nos frères et leurs communautés, qui ne vivent pas encore
en totale communion avec nous, mais auxquels nous sommes cependant unis par la
confession du Père, du Fils et de l’Esprit Saint et par le lien de la charité.
Nous nous souvenons aussi que l’unité des chrétiens est aujourd’hui attendue et
désirée, même par un grand nombre de ceux qui ne croient pas au Christ. Plus en
effet cette unité grandira dans la vérité et dans l’amour, sous l’action
puissante de l’Esprit Saint, et plus elle deviendra un présage d’unité et de
paix pour le monde entier. Unissons donc nos énergies et, sous des formes
toujours mieux adaptées à la poursuite actuelle et effective de ce but, dans une
fidélité sans cesse accrue à l’Évangile, collaborons avec empressement et
fraternellement au service de la famille humaine, appelée à devenir dans le
Christ Jésus la famille des enfants de Dieu.
4. Nous tournons
donc aussi notre pensée vers tous ceux qui reconnaissent Dieu et dont les
traditions recèlent de précieux éléments religieux et humains, en souhaitant qu’un
dialogue confiant puisse nous conduire tous ensemble à accepter franchement les
appels de l’Esprit et à les suivre avec ardeur. 5. En ce qui nous concerne, le
désir d’un tel dialogue, conduit par le seul amour de la vérité et aussi avec la
prudence requise, n’exclut personne : ni ceux qui honorent de hautes valeurs
humaines, sans en reconnaître encore l’auteur, ni ceux qui s’opposent à l’Église
et la persécutent de différentes façons. Puisque Dieu le Père est le principe et
la fin de tous les hommes, nous sommes tous appelés à être frères. Et puisque
nous sommes destinés à une seule et même vocation divine, nous pouvons aussi et
nous devons coopérer, sans violence et sans arrière-pensée, à la construction du
monde dans une paix véritable.
93. Un monde
à construire et à conduire à sa fin
1. Se souvenant de la parole du Seigneur : « En ceci tous
connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres »
(Jn 13, 35) , les chrétiens ne peuvent pas former de souhait plus vif que
celui de rendre service aux hommes de leur temps, avec une générosité toujours
plus grande et plus efficace. Aussi, dociles à l’Évangile et bénéficiant de sa
force, unis à tous ceux qui aiment et pratiquent la justice, ils ont à accomplir
sur cette terre une tâche immense, dont ils devront rendre compte à celui qui
jugera tous les hommes au dernier jour. Ce ne sont pas ceux qui disent «
Seigneur, Seigneur! » qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux qui
font la volonté du Père [170]
et qui, courageusement, agissent. Car la volonté du Père est qu’en tout homme
nous reconnaissions le Christ notre frère et que nous nous aimions chacun pour
de bon, en action et en parole, rendant ainsi témoignage à la vérité. Elle est
aussi que nous partagions avec les autres le mystère d’amour du Père céleste.
C’est de cette manière que les hommes répandus sur toute la terre seront
provoqués à une ferme espérance, don de l’Esprit, afin d’être finalement admis
dans la paix et le bonheur suprêmes, dans la patrie qui resplendit de la gloire
du Seigneur.
2. « À celui qui,
par la puissance qui agit en nous, est capable de tout faire, bien au-delà de ce
que nous demandons et concevons, à lui la gloire dans l’Église et dans le Christ
Jésus, pour tous les âges et tous les siècles. Amen » (Ep 3, 20-21) .
Tout l’ensemble et
chacun des points qui ont été édictés dans cette déclaration ont plu aux Pères
du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ,
en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons
dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile
soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 7 décembre 1965.
Moi, Paul, évêque de l’Église catholique.
(Suivent les
signatures des Pères)
Signatures des
Pères
Ego PAULUS Catholicae Ecclesiae Episcopus
† Ego EUGENIUS Episcopus Ostiensis ac Portuensis et S.
Rufinae Cardinalis TISSERANT, Sacri Collegii Decanus.
† Ego IOSEPHUS Episcopus Albanensis Cardinalis
PIZZARDO.
† Ego BENEDICTUS Episcopus Praenestinus Cardinalis
ALOISI MASELLA.
† Ego FERDINANDUS Episcopus tit. Veliternus Cardinalis
CENTO.
† Ego HAMLETUS IOANNES Episcopus tit. Tusculanus
Cardinalis CICOGNANI.
† Ego IOSEPHUS Episcopus tit. Sabinensis et Mandelensis
Cardinalis FERRETTO.
† Ego IGNATIUS GABRIEL Cardinalis TAPPOUNI, Patriarcha
Antiochenus Syrorum.
† Ego MAXIMUS IV Cardinalis SAIGH, Patriarcha
Antiochenus Melkitarum.
† Ego PAULUS PETRUS Cardinalis MEOUCHI, Patriarcha
Antiochenus Maronitarum.
† Ego STEPHANUS I Cardinalis SIDAROUSS, Patriarcha
Alexandrinus Coptorum.
† Ego EMMANUEL TIT. Ss. Marcellini et Petri Presbyter
Cardinalis GONÇALVES CEREJEIRA, Patriarcha Lisbonensis.
† Ego ACHILLES titulo S. Sixti Presbyter Cardinalis
LIÉNART, Episcopus Insulensis.
Ego IACOBUS ALOISIUS titulo S. Laurentii in Damaso
Presbyter Cardinalis COPELLO, S. R. E. Cancellarius.
Ego GREGORIUS PETRUS titulo S. Bartholomaei in Insula
Presbyter Cardinalis AGAGIANIAN.
† Ego VALERIANUS titulo S. Mariae in Via Lata Presbyter
Cardinalis GRACIAS, Archiepiscopus Bombayensis.
† Ego IOANNES titulo S. Marci Presbyter Cardinalis
URBANI, Patriarcha Venetiarum.
Ego PAULUS titulo S. Mariae in Vallicella Presbyter
Cardinalis GIOBBE, S. R. E. Datarius.
† Ego IOSEPHUS titulo S. Honuphrii in Ianiculo
Presbyter Cardinalis GARIBI Y RIVERA, Archiepiscopus Guadalajarensis.
Ego CAROLUS titulo S. Agnetis extra moenia Presbyter
Cardinalis CONFALONIERI.
† Ego PAULUS titulo Ss. Quirici et Iulittae Presbyter
Cardinalis RICHAUD, Archiepiscopus Burdigalensis.
† Ego IOSEPHUS M. titulo Ss. Viti, Modesti et
Crescentiae Presbyter Cardinalis BUENO Y MONREAL, Archiepiscopus Hispalensis.
† Ego FRANCISCUS titulo S. Eusebii Presbyter Cardinalis
KÖNIG, Archiepiscopus Vindobonensis.
† Ego IULIUS titulo S. Mariae Scalaris Presbyter
Cardinalis DÖPFNER, Archiepiscopus Monacensis et Frisingensis.
Ego PAULUS titulo S. Andreae Apostoli de Hortis
Presbyter Cardinalis MARELLA.
Ego GUSTAVUS titulo S. Hieronymi Illyricorum Presbyter
Cardinalis TESTA.
Ego ALOISIUS titulo S. Andreae de Valle Presbyter
Cardinalis TRAGLIA.
† Ego PETRUS TATSUO titulo S. Antonii Patavini de Urbe
Presbyter Cardinalis DOI, Archiepiscopus Tokiensis.
† Ego IOSEPHUS titulo S. Ioannis Baptistae
Florentinorum Presbyter Cardinalis LEFEBVRE, Archiepiscopus Bituricensis.
† Ego BERNARDUS titulo S. Ioachimi Presbyter Cardinalis
ALFRINK, Archiepiscopus Ultraiectensis.
† Ego RUFINUS I. titulo S. Mariae ad Montes Presbyter
Cardinalis SANTOS, Archiepiscopus Manilensis.
† Ego LAUREANUS titulo S. Francisci Assisiensis ad
Ripam Maiorem Presbyter Cardinalis RUGAMBWA, Episcopus Bukobaënsis.
† Ego IOSEPHUS titulo Ssmi Redemptoris et S. Alfonsi in
Exquiliis Presbyter Cardinalis RITTER, Archiepiscopus S. Ludovici.
† Ego IOANNES titulo S. Silvestri in Capite Presbyter
Cardinalis HEENAN, Archiepiscopus Vestmonasteriensis, Primas Angliae.
† Ego IOANNES titulo Ssmae Trinitatis in Monte Pincio
Presbyter Cardinalis VILLOT, Archiepiscopus Lugdunensis et Viennensis, Primas
Galliae.
† Ego PAULUS titulo S. Camilli de Lellis ad Hortos
Sallustianos Presbyter Cardinalis ZOUNGRANA, Archiepiscopus Uagaduguensis.
† Ego HENRICUS titulo S. Agathae in Urbe Presbyter
Cardinalis DANTE.
Ego CAESAR titulo D.nae N.ae a Sacro Corde in Circo
Agonali Presbyter Cardinalis ZERBA.
† Ego AGNELLUS titulo Praecelsae Dei Matris Presbyter
Cardinalis ROSSI, Archiepiscopus S. Pauli in Brasilia.
† Ego IOANNES titulo S. Martini in Montibus Presbyter
Cardinalis COLOMBO, Archiepiscopus Mediolanensis.
† Ego GUILLELMUS titulo S. Patricii ad Villam Ludovisi
Presbyter Cardinalis CONWAY, Archiepiscopus Armachanus, totius Hiberniae Primas.
† Ego ANGELUS titulo Sacri Cordis Beatae Mariae
Virginis ad forum Euclidis Presbyter Cardinalis HERRERA, Episcopus Malacitanus.
Ego ALAPHRIDUS S. Mariae in Domnica Protodiaconus
Cardinalis OTTAVIANI.
Ego ALBERTUS S. Pudentianae Diaconus Cardinalis DI
JORIO.
Ego FRANCISCUS S. Mariae in Cosmedin Diaconus
Cardinalis ROBERTI.
Ego ARCADIUS SS. Blasii et Caroli ad Catinarios
Diaconus Cardinalis LARRAONA.
Ego FRANCISCUS SS. Cosmae et Damiani Diaconus
Cardinalis MORANO.
Ego GUILLELMUS THEODORUS S. Theodori in Palatio
Cardinalis HEARD.
Ego AUGUSTINUS S. Sabae Diaconus Cardinalis BEA.
Ego ANTONIUS S. Eugenii Diaconus Cardinalis BACCI.
Ego FRATER MICHAEL S. Pauli in Arenula Diaconus
Cardinalis BROWNE.
Ego FRIDERICUS S. Ioannis Bosco in via Tusculana
Diaconus Cardinalis Callori DI VIGNALE
[1]
La Constitution
pastorale « L’Église dans le monde de ce temps », si elle comprend deux parties,
constitue cependant un tout. On l’appelle Constitution « pastorale » parce que,
s’appuyant sur des principes doctrinaux, elle entend exprimer les rapports de l’Église
et du monde, de l’Église et des hommes d’aujourd’hui. Aussi l’intention
pastorale n’est pas absente de la première partie, ni l’intention doctrinale de
la seconde. Dans la première partie, l’Église expose sa doctrine sur l’homme,
sur le monde dans lequel l’homme est placé et sur sa manière d’être par rapport
à eux. Dans la seconde, elle envisage plus précisément certains aspects de la
vie et de la société contemporaines et en particulier les questions et les
problèmes qui paraissent, à cet égard, revêtir aujourd’hui une spéciale urgence.
Il s’ensuit que, dans cette dernière partie, les sujets traités, régis par des
principes doctrinaux, ne comprennent pas seulement des éléments permanents, mais
aussi des éléments contingents. On doit donc interpréter cette Constitution d’après
les normes générales de l’interprétation théologique, en tenant bien compte,
surtout dans la seconde partie, des circonstances mouvantes qui, par nature,
sont inséparables des thèmes développés.
[2]
Cf. Jn 3, 17 ; 18, 37 ; Mt 20, 28 ; Mc 10, 45.
[3]
Cf. Rm 7, 14s.
[4]
Cf. 2 Co 5, 15. 3.
[5]
Cf. Ac 4, 12. 4.
[6]
Cf. He 13, 8. 5.
[7]
Cf. Col 1, 15
[8]
Cf. Gn 1, 26 ; Sg 2, 23.
[9]
Cf. Si 17, 3-10.
[10]
Cf. Rm 1, 21-25.
[11]
Cf. Jn 8, 34.
[12]
Cf. Dn 3, 57-90.
[13]
Cf. 1 Co 6, 13-20.
[14]
Cf. 1 R 16, 7 ; Jr 17, 10.
[15]
Cf. Si 17, 7-8.
[16]
Cf. Rm 2, 14-16.
[17]
Cf. Pie XII, Message radioph. De conscientia christiana in iuvenibus recte
efformanda, 23 mars 1952 : AAS 44, p. 271.
[18]
Cf. Mt 22, 37-40 ; Ga 5, 14.
[19]
Cf. Si 15, 14.
[20] Cf.
2 Co 5, 10.
[21]
Cf. Sg 1, 13 ; 2, 23-24 ; Rm 5, 21 ; 6, 23 ; Jc 1, 15.
[22]
Cf. 1 Co 15, 56-57.
[23]
Cf. Pie XI, Encycl. Divini Redemptoris, 19 mars 1937 : AAS 29
(1937), p. 65-106. – Pie XII, Encycl. Ad Apostolorum Principis, 29 juin
1958 : AAS 50 (1958), p. 601-614. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra, 15
mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 451-453. – Paul VI, Encycl.
Ecclesiam suam, 6
août 1954 : AAS 56 (1964), p. 651- 653.
[24]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 8.
[25]
Cf. Ph 1, 27.
[26]
Saint Augustin, Confessions I, 1 : PL 32, 661.
[27]
Cf. Rm 5, 14. Cf. Tertullien, De carnis resurr. 6 : « Tout ce que
le limon [dont est formé Adam] exprimait, présageait l’homme qui devait venir,
le Christ » ; PL 2, 802 (848) ; csel, 47, p. 33, 1. 12-13.
[28] Cf.
2 Co 4, 4.
[29]
Cf. Conc. de Constantinople II, can. 7 : « Sans que le Verbe soit transformé
dans la nature de la chair, ni que la chair soit passée dans la nature du Verbe.
» – Cf. aussi Conc. de Constantinople III : « Car de même que sa chair toute
sainte, immaculée et animée, n’a pas été supprimée par la divinisation, mais
qu’elle est demeurée dans son état et dans sa manière d’être. » – Cf. Conc. de
Chalcédoine : « nous devons reconnaître en deux natures, sans confusion, sans
changement, sans division, sans séparation » : Denz. 148 (302).
[30]
Cf. Conc. de Constantinople III : « De même sa volonté humaine divinisée n’a pas
été supprimée » : Denz. 291 (556).
[31]
Cf. He 4, 15.
[32]
Cf. 2 Co 5, 18-19 ; Col 1, 20-22.
[33]
Cf. 1 P 2, 21 ; Mt 16, 24 ; Lc 14, 27.
[34]
Cf. Rm 8, 29 ; Col 1, 18.
[35]
Cf. Rm 8, 1-11.
[36]
Cf. Co 4, 14.
[37]
Cf. Ph 3, 10 ; Rm 8, 17.
[38]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 16.
[39]
Cf. Rm 8, 32.
[40]
Cf. Liturgie pascale byzantine.
[41]
Cf. Rm 8, 15 et Ga 4, 6 ; cf. aussi Jn 1, 12 et 1 Jn
3, 1-2.
[42]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra, 15
mai 1961 : AAS 53 (1961), p. 401-464 ; et Encycl.
Pacem in terris, 11
avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 257-304. – Paul VI, Encycl.
Ecclesiam suam, 6
août 1964 : AAS 56 (1964), p. 609-659.
[43]
Cf. Lc 17, 33.
[44]
Cf. Saint Thomas, 1 Ethic., lect. 1.
[45]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 418. – Cf. aussi Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno,
15 mai 1931 : AAS 23 (1931), p. 222s.
[46]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 417.
[47]
Cf. Mc 2, 27.
[48]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 266.
[49]
Cf. Jc 2, 15-16.
[50]
Cf. Lc 16, 19-31.
[51]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 299 et 300.
[52]
Cf. Lc 6, 37-38 ; Mt 7, 1-2 ; Rm 2, 1-11 ; 14, 10-12.
[53]
Cf. Mt 5, 43-47.
[54] Conc.
Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 9.
[55]
Cf. Ex 24, 1-8.
[56]
Cf. Gn 1, 26-27 ; 9, 2-3 ; Sg 9, 2-3.
[57]
Cf. Ps 8, 7 et 10.
[58]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 297.
[59]
Cf. Nuntius ad universos homines a Patribus missus ineunte Concilio Vaticano
II, octobre 1962 : AAS 54 (1962), p. 823.
[60]
Cf. Paul VI,
Alloc. au Corps diplomatique,
7 janvier 1965 : AAS 57 (1965), p. 232.
[61]
Cf. Conc. Vat. I, Const. dogm. De fide cath., chap. III : Denz. 1785-1786
(3004-3005).
[62]
Cf. Pie Paschini, Vita e opere di Galileo Galilei, 2 vol., Vatican, 1964.
[63]
Cf. Mt 24, 13 ; 13, 24-30.36-43.
[64]
Cf. 2 Co 6, 10.
[65]
Cf. Jn 1, 3 et 14.
[66]
Cf. Ep 1, 10.
[67]
Cf. Jn 3, 16 ; Rm 5, 8-10.
[68]
Cf. Ac 2, 36 ; Mt 28, 18.
[69]
Cf. Rm 15, 16.
[70]
Cf. Ac 1, 7.
[71]
Cf. 1 Co 7, 31. – Saint Irénée, Adv. Haer. V, 36, 1 : PG 7,
1222.
[72]
Cf. 2 Co 5, 2 ; 2 P 3, 13.
[73]
Cf. 1 Co 2, 9 ; Ap 21, 4-5.
[74]
Cf. 1 Co 15, 42.53.
[75]
Cf. 1 Co 13, 8 ; 3, 14.
[76]
Cf. Rm 8, 19-21.
[77]
Cf. Lc 9, 25.
[78]
Cf. Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno : AAS 23 (1931), p. 207.
[79]
Préface pour la fête du Christ Roi.
[80]
Cf. Paul VI, Encycl.
Ecclesiam suam, III :
AAS 56 (1964), p. 637-659.
[81]
Cf. Tt 3, 4 : Philanthropia.
[82]
Cf. Ep 1, 3.5-6. 13-14.23.
[83]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 8.
[84]
Ibid., n. 9 ; cf. n. 8.
[85]
Ibid., n. 8.
[86]
Ibid., n. 38, et note 9.
[87]
Cf. Rm 8, 14-17.
[88]
Cf. Mt 22, 39.
[89]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 9.
[90]
Cf. Pie XII, Alloc. ad cultores historiae et artis, 9 mars 1956 : AAS
48 (1956), p. 212 : « Son divin fondateur, Jésus Christ, ne lui a donné aucun
mandat ni fixé aucune fin d’ordre culturel. Le but que le Christ lui assigne est
strictement religieux (...). L’Église doit conduire les hommes à Dieu, afin
qu’ils se livrent à lui sans réserve (...). L’Église ne peut jamais perdre de
vue ce but strictement religieux, surnaturel. Le sens de toutes ses activités,
jusqu’au dernier canon de son Code, ne peut être que d’y concourir directement
ou indirectement. »
[91]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 1.
[92]
Cf. He 13, 14.
[93]
Cf. 2 Th 3, 6-13 ; Ep 4, 28.
[94]
Cf. Is 58, 1-12.
[95]
Cf. Mt 23, 3-33 ; Mc 7, 10-13.
[96]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra, IV
: AAS 53 (1961), p. 456-457 ; cf. I : AAS, l. c., p. 407, 410-411.
[97]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 28.
[98]
Ibid., n. 28.
[99]
Cf. Saint Ambroise, De virginitate, VIII, 48 : PL 16, 278.
[100]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 15.
[101]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 13.
[102]
Cf. Justin, Dialogue avec Tryphon, 110 : PG 6, 729 ; éd. Otto,
1897, p. 391-393 : « ... au contraire, plus nous sommes persécutés, plus
s’accroît le nombre de ceux que le nom du Christ amène à la foi et à la
religion». – Cf. Tertullien, Apologeticus, chap. L, 13 : « Nous devenons
même plus nombreux, chaque fois que vous nous moissonnez (= persécutez) : c’est
une semence que le sang des chrétiens! » – Cf. Const. dogm.
Lumen gentium, n. 9.
[103]
Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 48.
[104]
Cf. Paul VI, Alloc. 3 février 1965.
[105]
Cf. Saint Augustin, De bono coniug. : PL 40, 375-376 et 394. –
Saint Thomas, Somme théologique, suppl. q. 49, a. 3 à 1. – Decretum
pro Armenis : Denz. 702 (1327). – Pie XI, Encycl., Casti Connubii :
AAS 22 (1930), p. 543-555 ; Denz. 2227-2238 (3703-3714).
[106]
Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 546-547 ;
Denz. 2231 (3706).
[107]
Cf. Os 2 ; Jr 3, 6-13 ; Ez 16 et 23 ; Is 54.
[108]
Cf. Mt 9, 15 ; Mc 2, 19-20 ; Lc 5, 34-35 ; Jn 3, 29
; 2 Co 11, 2 ; Ep 5, 27 ; Ap 19, 7-8 ; 21, 2.9.
[109]
Cf. Ep 5, 25.
[110]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium n. 11,
35, 41.
[111]
Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 583.
[112]
Cf. 1 Tm 5, 3.
[113]
Cf. Ep 5, 32.
[114]
Cf. Gn 2, 22-24 : Pr 5, 18-20 ; 31, 10-31 ; To 8, 4-8 ;
Ct 1, 1-3 ; 2, 16 ; 7, 8-11 ; 1 Co 7, 3-6 ; Ep 5, 25-33.
[115]
Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 547-548 ;
Denz 2232 (3707).
[116]
Cf. 1 Co 7, 5.
[117]
Cf. Pie XII, Alloc. Tra le visite, 20 janvier 1958 : AAS 50
(1958), p. 91.
[118]
Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii : AAS 22 (1930), p. 559-561 ;
Denz. 2239-2241 (3716-3718). – Pie XII, Alloc. Conventui Unionis Italicae
inter Obstetrices, 29 octobre 1951 : AAS 43 (1951), p. 835-854. –
Paul VI, Alloc. ad Em.mos Patres Purpuratos, 23 juin 1964 : AAS 56
(1964), p. 581-589. Par ordre du Souverain Pontife, certaines questions qui
supposent d’autres recherches plus approfondies ont été confiées à une
Commission pour les problèmes de la population, de la famille et de la natalité
pour que, son rôle achevé, le Pape puisse se prononcer. L’enseignement du
Magistère demeurant ainsi ce qu’il est, le Concile n’entend pas proposer
immédiatement de solutions concrètes.
[119]
Cf. Ep 5, 16 ; Col 4, 5.
[120]
Cf. Sacramentarium Gregorianum : PL 78, 262.
[121]
Cf. Rm 5, 15 et 18 ; 6, 5-11 ; Ga 2, 20.
[122]
Cf. Ep 5, 25-27.
[123]
Cf. Exposé préliminaire de la présente Constitution, n. 4-10.
[124]
Cf. Col 3, 1-2.
[125]
Cf. Gn 1, 28.
[126]
Cf. Pr 8, 30-31.
[127]
Cf. Saint Irénée, Adv. Haer. III, 11, 8 : Sagnard, Sources chr.,
p. 200 ; cf. ibid., 16, 6 : p. 290-292 ; 21, 10- 22 : p. 370-372 ; 22, 3
: p. 378, etc.
[128]
Cf. Ep 1, 10.
[129]
Cf. Paroles de Pie XI au père M.-D. Roland-Gosselin : Semaines sociales de
France, Versailles, 1936, p. 461-462.
[130]
Conc. Vat. I, Const. dogm. De fide cath. chap. IV : Denz. 1795, 1799
(3015, 3019).– Cf. Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno : AAS 23
(1931), p. 190.
[131]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 260.
[132]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
169]169]169]63_pacem_fr.html">Pacem
in terris : AAS 55 (1963), p. 283. – Pie
XII, Message radioph. du 24 décembre 1941 : AAS 34 (1942), p.
16-17.
[133]
Cf. Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris : AAS 55 (1963), p. 260.
[134]
Cf. Jean XXIII, discours du 11 octobre 1962 (discours tenu à l’ouverture du
Concile) : AAS 54 (1962), p. 792.
[135]
Cf. Const. de
Sacrosanctum concilium
n. 123. – Paul VI, discours aux artistes romains 7 mai 1964 : AAS
56 (1964), p. 439-442.
[136]
Cf. Conc. Vat. II, Décrets
De institutione sacerdotali
et
De educatione christiana.
[137]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 37.
[138]
Cf. Pie XII, message du 23 mars 1952 : AAS 44 (1952), p. 273. –
Jean XXIII, Alloc. à A.C.L.I., 1er mai 1959 : AAS 51
(1959), p. 358.
[139]
Cf. Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno : AAS 23 (1931), p. 190s. –
Pie XII, message du 23 mars 1952 : AAS 44 (1952), p. 276 s. – Jean
XXIII, Encycl.
Mater et Magistra
: AAS 53 (1961), p. 450. – Conc. Vat. II,
décret
De Instrumentis communicationis socialis,
n. 6.
[140]
Cf. Mt 16, 26 ; Lc 16, 1-31 ; Col 3, 17.
[141]
Cf. Léon XIII, Encycl.
Libertas praestantissimum,
20 juin 1888 : AAS 20 (1887-1888), p. 597 s. – Pie XI, Encycl.
Quadragesimo anno : AAS 23 (1931), p. 191s. – Id.,
Divini Redemptoris :
AAS 29 (1937), p. 65 s. – Pie XII, message de Noël 1941 : AAS
34 (1942), p. 10 s. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 401-464.
[142]
Sur le problème de l’agriculture, voir en particulier Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 341 s.
[143]
Cf. Léon XIII, Encycl.
Rerum Novarum :
AAS 23 (1890-1891), p. 649, 662. – Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno
: AAS 23 (1931), p. 200-201. – Id., Encycl.
Divini Redemptoris
AAS 29 (1937), p. 92. – Pie XII, Message radioph. de Noël 1942 : AAS
35 (1943), p. 20. – Id., Alloc. 13 juin 1943 : AAS 35 (1943), p. 172. –
Id., Message radioph. oper. Hispaniae datus, 11 mars 1951 : AAS 43
(1951), p. 215. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 419.
[144]
Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 408, 424, 427 ; le terme «curatio » a été pris du texte
latin de l’encyclique Quadragesino anno : AAS 23 (1931), p. 199. –
Sur l’évolution de cette question, voir aussi Pie XII, Alloc. du 3 juin 1950 :
AAS 42 (1950), p. 485-488. – Paul VI, Alloc. du 8 juin 1964 : AAS
(1964), p. 574-579.
[145]
Cf. Pie XII, Encycl. Sertum laetitiae : AAS 31 (1939), p. 642. –
Jean XXIII, Alloc. consist. AAS 52 (1960), p. 5-11. – Id., Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 411.
[146]
Cf. Saint Thomas, Somme théologique IIe IIae, q.
32, a. 5 à 2. – Id. q. 66, a. 2 : cf. explic. de Léon XIII,
Rerum Novarum :
AAS 23 (1890-1891) p. 651.– Cf. aussi Pie XII, Alloc. du 1er juin
1941 : AAS 33 (1941), p. 199. – Id., Message radioph. de Noël 1954
: AAS 47 (1955), p. 27.
[147]
Cf. Saint Basile, hom. in illud Lucae « Destruam horrea mea », n. 2 : PG
31, 263. – Lactance, Divinarum instit., liv. V, sur la justice : PL 6,
565 B. – Saint Augustin, In Io., tr.50, n. 6 : PL 35, 1760. – Id.,
Enarratio in Ps. CXLVII, 12 : PL 37, 1922. – Saint Grégoire le Grand,
Hom. in Ev., Hom. 20 : PL 76, 1165. – Id., Regulae pastoralis
liber, pars III, c. 21 : PL 77, 87s. – Saint Bonaventure, In III
Sent., d. 33, dub. 1 : Quaracchi III, 728. – Id., In IV Sent., d. 15,
p. II, a. 2, q. 1 : ed. cit.IV, 371 b. ; q. de superfluo : ms. Assisi, Bibl.
comun. 186, ff. 112a-113a. – Saint Albert le Grand, In III Sent., d. 33, a. 3,
sol. 1 : ed. Borgnet XXVIII, 611. – Id., In IV Sent., d. 15, a. 16 : ed. cit.
XXIX, 494-497. En ce qui concerne la détermination du superflu de nos jours, cf.
Jean XXIII, message radiotélév. du 11 septembre 1962 (AAS 54, p. 682) : «
C’est le devoir de tout homme, le devoir impérieux du chrétien, d’apprécier le
superflu à l’aune de la nécessité d’autrui, et de bien veiller à ce que
l’administration et la distribution des biens créés se fasse au bénéfice de
tous. »
[148]
Ici vaut l’ancien principe : « In extrema necessitate omnia sunt communia, id
est communicanda. » D’autre part, en ce qui concerne l’étendue et les modalités
selon lesquelles ce principe s’applique dans le texte, outre les auteurs
modernes connus, cf. Saint Thomas, Somme théologique IIe IIae,
q. 66, art. 7. Il est clair que, pour une application exacte de ce principe,
toutes les conditions moralement requises doivent être remplies.
[149]
Cf. Décret de Gratien, c. 21, dist. LXXXVI : Friedberg I, 302. Déjà dit
dans PL 54, 591A et PL 56, 1132B : cf. Antonianum 27
(1952), p. 349-366.
[150]
Cf. Léon XIII, Encycl.
Rerum Novarum :
AAS 23 (1890-1891), p. 643-646. – Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno :
AAS 23 (1931), p. 191. –Pie XII, Message radioph. du 1er juin
1941 : AAS 35 (1943), p. 17. – Id., Message radioph. du 1er
septembre 1944 : AAS 36 (1944), p.253. – Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 428-429.
[151]
Cf. Pie XI, encycl. Quadragesimo anno : AAS 23 (1931), p. 214. –
Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 429.
[152]
Cf. Pie XII, Message radioph. pour la Pentecôte 1941 : AAS 44 (1941), p. 199. –
Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 430.
[153]
Sur le bon usage des biens suivant la doctrine du Nouveau Testament, cf. Lc
3, 11 ; 10, 30 s. ; 11, 41 ; 1 P 5, 3 ; Mc 8, 36 ; 12, 29-31 ;
Jc 5, 1-6 ; 1 Tm 6, 8 ; Ep 4, 28 ; 2 Co 8, 13s. 1 Jn
3, 17-18.
[154]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 417.
[155]
Cf. Id., ibid.
[156]
Cf. Rm 13, 1-5.
[157]
Cf. Rm 13, 5.
[158]
Cf. Pie XII, Message radioph. du 24 décembre 1942 : AAS 35 (1943), p.
9-24 ; 24 décembre 1944 : AAS 37 (1945), p. 11-17. – Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris
: AAS 55 (1963), p. 263, 271, 277 et 278.
[159]
Cf. Pie XII, Message radioph. du 1er juin 1941 : AAS 33
(1941), p. 200. – Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris :
loc. cit., p. 273 et 274.
[160]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Mater et Magistra :
AAS 53 (1961), p. 415-418.
[161]
Cf. Pie XI, Alloc. « Aux dirigeants de la Fédération universitaire catholique »
: Discours de Pie XI : éd. Bertetto, Turin, vol. 1 (1960), p. 743.
[162]
Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm.
Lumen gentium, n. 13.
[163]
Cf. Lc 2, 14.
[164]
Cf. Ep 2, 16 ; Col 1, 20-22.
[165]
Cf. Jean XXIII,
Pacem in terris, 11
avril 1963 : AAS 55 (1963), p. 291. « C’est pourquoi, en cette époque, la
nôtre, qui se glorifie de la force atomique, il est déraisonnable de penser que
la guerre est encore un moyen adapté pour obtenir justice de la violation des
droits. »
[166]
Cf. Pie XII, Alloc. du 30 septembre 1954 : AAS 46 (1954), p. 589 ;
Message radioph. du 24 décembre 1954 : AAS 47 (1955), p.15 s. – Jean
XXIII,
Pacem in terris :
AAS 55 (1963), p. 286-291. – Paul VI, Alloc. au Conseil des Nations unies, 4
octobre 1965 : AAS 57 (1965), p. 877-885.
[167]
Cf. Jean XXIII, Encycl.
Pacem in terris (où
il est question de la réduction des armements) : AAS 55 (1963), p. 287.
[168]
Cf. 2 Co 6, 2.
[169]
Cf. Jean XXIII, Encycl. Ad Petri Cathedram, 29 juin 1959 : AAS 55
(1959), p. 513.
[170]
Cf. Mt 7, 21.
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