PAUL, ÉVÊQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,
AVEC LES PÈRES DU SAINT CONCILE,
POUR QUE LE SOUVENIR S'EN MAINTIENNE À JAMAIS.
DÉCRET SUR L'ŒCUMÉNISME
UNITATIS REDINTEGRATIO
PRÉAMBULE
1. Promouvoir la
restauration de l’unité entre tous les chrétiens est l’un des objectifs
principaux du saint Concile œcuménique de Vatican II. Une seule et
unique Église a été fondée par le Christ Seigneur. Et pourtant plusieurs
communions chrétiennes se présentent aux hommes comme le véritable
héritage de Jésus Christ. Tous certes confessent qu’ils sont les
disciples du Seigneur, mais ils ont des opinions différentes. Ils
suivent des chemins divers, comme si le Christ lui-même était divisé [1].
Il est certain qu’une telle division s’oppose ouvertement à la volonté
du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait
obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Évangile à
toute créature.
Or, le Maître des siècles, qui poursuit son dessein de
grâce avec sagesse et patience à l’égard des pécheurs que nous sommes, a
commencé en ces derniers temps de répandre plus abondamment sur les
chrétiens divisés entre eux l’esprit de repentance et le désir de l’union.
Très nombreux sont partout les hommes qui ont été touchés par cette
grâce et, sous l’effet de la grâce de l’Esprit Saint, est né un
mouvement qui s’amplifie de jour en jour chez nos frères séparés en vue
de rétablir l’unité de tous les chrétiens.
À ce mouvement vers l’unité, qu’on appelle le mouvement
œcuménique, prennent part ceux qui invoquent le Dieu Trinité et
confessent Jésus comme Seigneur et Sauveur, non seulement pris
individuellement, mais aussi réunis en communautés dans lesquelles ils
ont entendu l’Évangile et qu’ils appellent leur Église et l’Église de
Dieu. Presque tous cependant, bien que de façon diverse, aspirent à une
Église de Dieu, une et visible, vraiment universelle, envoyée au monde
entier pour qu’il se convertisse à l’Évangile et qu’il soit ainsi sauvé
pour la gloire de Dieu.
Voilà pourquoi le Concile, considérant avec joie tous
ces faits, après avoir exposé la doctrine relative à l’Église, pénétré
du désir de rétablir l’unité entre tous les disciples du Christ, veut
proposer à tous les catholiques les moyens, les voies et les modes d’action
qui leur permettront à eux-mêmes de répondre à cet appel divin et à
cette grâce.
CHAPITRE PREMIER :
Les principes catholiques de l’œcuménisme
2. En ceci est apparu l’amour
de Dieu pour nous, que le Fils unique de Dieu a été envoyé au monde par
le Père afin que, s’étant fait homme, il régénérât tout le genre humain,
en le rachetant, et qu’il le rassemblât pour qu’il devienne un [2].
C’est lui qui, avant de s’offrir sur l’autel de la croix comme offrande
immaculée, adressa au Père cette prière pour ceux qui croiraient en lui
: « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi ; qu’eux
aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn
17, 21). Et il a institué dans son Église l’admirable sacrement de l’Eucharistie
qui signifie et réalise l’unité de l’Église. À ses disciples il a donné
le nouveau commandement de l’amour mutuel [3]
et promis l’Esprit Paraclet [4]
qui, Seigneur et vivificateur, resterait avec eux à jamais.
Élevé sur la croix, puis entré dans la gloire, le
Seigneur Jésus a répandu l’Esprit qu’il avait promis. Par lui, il appela
et réunit dans l’unité de la foi, de l’espérance et de la charité, le
peuple de la Nouvelle Alliance qui est l’Église, selon l’enseignement de
l’Apôtre : « Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une
espérance au terme de l’appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une
seule foi, un seul baptême » (Ep 4, 4-5). En effet, « vous tous,
baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ... Vous ne faites qu’un
dans le Christ Jésus » (Ga 3, 27-28). L’Esprit Saint qui habite
dans le cœur des croyants, qui remplit et régit toute l’Église, réalise
cette admirable communion des fidèles et les unit tous si intimement
dans le Christ, qu’il est le principe de l’unité de l’Église. C’est lui
qui réalise la diversité des grâces et des ministères [5],
enrichissant de fonctions diverses l’Église de Jésus Christ, «
organisant ainsi les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la
construction du Corps du Christ » (Ep 4, 12).
Mais pour établir en tout lieu son Église sainte jusqu’à
la consommation des siècles, le Christ a confié au collège des Douze la
charge d’enseigner, de gouverner et de sanctifier [6].
Parmi eux, il choisit Pierre, sur lequel, après sa profession de foi, il
décida d’édifier son Église ; il lui promit les clefs du Royaume [7]
et, après que l’apôtre lui eut donné l’attestation de son amour, il lui
confia toutes les brebis pour les confirmer dans la foi [8]
et pour les paître en unité parfaite [9],
Jésus Christ lui-même demeurant éternellement la suprême pierre
angulaire [10] et le
Pasteur de nos âmes [11].
Par la fidèle prédication de l’Évangile (par
l’administration des sacrements et par le gouvernement dans l’amour),
accomplis par les apôtres et leurs successeurs, c’est-à-dire les évêques
ayant à leur tête le successeur de Pierre, Jésus Christ veut que son
peuple s’accroisse sous l’action du Saint-Esprit, et il accomplit la
communion dans l’unité dans la profession d’une seule foi, dans la
célébration commune du culte divin, dans la concorde fraternelle de la
famille de Dieu.
Ainsi l’Église, unique troupeau de Dieu, comme un signe
levé à la vue des nations [12],
mettant au service de tout le genre humain l’Évangile de la paix [13],
accomplit dans l’espérance son pèlerinage vers le terme qu’est la patrie
céleste [14].
Tel est le mystère sacré de l’unité de l’Église, dans le
Christ et par le Christ, sous l’action de l’Esprit Saint qui réalise la
variété des ministères. De ce mystère, le modèle suprême et le principe
est dans la trinité des personnes, l’unité d’un seul Di eu Père, et
Fils, en l’Esprit Saint.
3. Des relations entre les frères
séparés et l’Église catholique
Dans cette seule et unique Église de Dieu sont apparues
dès l’origine certaines scissions [15],
que l’apôtre réprouve avec vigueur comme condamnables [16]
; au cours des siècles suivants naquirent des dissensions plus graves,
et des communautés considérables furent séparées de la pleine communion
de l’Église catholique, parfois par la faute des personnes de l’une ou
de l’autre partie. Ceux qui naissent aujourd’hui dans de telles
communautés et qui vivent de la foi au Christ, ne peuvent être accusés
de péché de division, et l’Église catholique les entoure de respect
fraternel et de charité. En effet, ceux qui croient au Christ et qui ont
reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion,
bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique. Assurément, des
divergences variées entre eux et l’Église catholique sur des questions
doctrinales, parfois disciplinaires, ou sur la structure de l’Église,
constituent nombre d’obstacles, parfois fort graves, à la pleine
communion ecclésiale. Le mouvement œcuménique tend à les surmonter.
Néanmoins, justifiés par la foi reçue au baptême, incorporés au Christ [17],
ils portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de l’Église
catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le
Seigneur [18].
De plus, parmi les éléments ou les biens par l’ensemble
desquels l’Église se construit et est vivifiée, plusieurs et même
beaucoup, et de grande valeur, peuvent exister en dehors des limites
visibles de l’Église catholique : la Parole de Dieu écrite, la vie de
grâce, la foi, l’espérance et la charité, d’autres dons intérieurs du
Saint-Esprit et d’autres éléments visibles. Tout cela, qui provient du
Christ et conduit à lui, appartient de droit à l’unique Église du
Christ.
De même, chez nos frères séparés s’accomplissent
beaucoup d’actions sacrées de la religion chrétienne qui, de manières
différentes selon la situation diverse de chaque Église ou communauté,
peuvent certainement produire effectivement la vie de grâce, et l’on
doit reconnaître qu’elles donnent accès à la communion du salut.
En conséquence, ces Églises [19]
et communautés séparées, bien que nous croyions qu’elles souffrent de
déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur
dans le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de
se servir d’elles comme de moyens de salut, dont la vertu dérive de la
plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique.
Cependant nos frères séparés, soit eux-mêmes
individuellement, soit leurs communautés ou leurs Églises, ne jouissent
pas de cette unité que Jésus Christ a voulu dispenser à tous ceux qu’il
a régénérés et vivifiés pour former un seul Corps en vue d’une vie
nouvelle, et qui est attestée par l’Écriture Sainte et la vénérable
Tradition de l’Église. C’est, en effet, par la seule Église catholique
du Christ, laquelle est le « moyen général de salut », que peut
s’obtenir toute la plénitude des moyens de salut. Car c’est au seul
collège apostolique, présidé par Pierre, que furent confiées, selon
notre foi, toutes les richesses de la Nouvelle Alliance, afin de
constituer sur terre un seul Corps du Christ auquel il faut que soient
pleinement incorporés tous ceux qui, d’une certaine façon, appartiennent
déjà au Peuple de Dieu. Durant son pèlerinage terrestre, ce peuple, bien
qu’il demeure en ses membres exposé au péché, continue sa croissance
dans le Christ, doucement guidé par Dieu selon ses mystérieux desseins,
jusqu’à ce que, dans la Jérusalem céleste, il atteigne joyeux la totale
plénitude de la gloire éternelle.
4. De l’œcuménisme
Étant donné qu’aujourd’hui, en diverses parties du
monde, sous le souffle de la grâce de l’Esprit Saint, beaucoup d’efforts
s’accomplissent par la prière, la parole et l’action pour arriver à la
plénitude de l’unité voulue par Jésus Christ, le saint Concile exhorte
tous les fidèles catholiques à reconnaître les signes des temps et à
prendre une part active à l’effort œcuménique.
Par « mouvement œcuménique », on entend les entreprises
et les initiatives provoquées et organisées en faveur de l’unité des
chrétiens, selon les besoins variés de l’Église et selon les
circonstances. Ainsi, en premier lieu, tout effort accompli pour
éliminer les paroles, les jugements et les actes qui ne correspondent ni
en justice ni en vérité à la situation des frères séparés et contribuent
ainsi à rendre plus difficiles les relations avec eux. Ensuite, au cours
de réunions de chrétiens de diverses Églises ou communautés, organisées
dans un esprit religieux, le « dialogue » mené par des experts bien
informés, où chacun explique plus à fond la doctrine de sa communauté et
montre de façon claire ce qui la caractérise. Par ce dialogue, tous
acquièrent une connaissance plus conforme à la vérité, en même temps
qu’une estime plus juste de l’enseignement et de la vie de chaque
communauté. De la même manière, ces communautés viennent à collaborer
plus largement à toutes sortes d’entreprises qui, répondant aux
exigences de toute conscience chrétienne, contribuent au bien commun. On
peut aussi, là où c’est permis, se réunir pour une prière unanime. Enfin
tous examinent leur fidélité à la volonté du Christ par rapport à
l’Église, et entreprennent, comme il le faut, un effort soutenu de
rénovation et de réforme.
Tout cela, s’il est accompli avec prudence et patience
par les fidèles de l’Église catholique sous la vigilance de leurs
pasteurs, contribue au progrès de la justice et de la vérité, de la
concorde et de la collaboration, de l’amour fraternel et de l’union. Par
cette voie, peu à peu, après avoir surmonté les obstacles qui empêchent
la parfaite communion ecclésiale, se trouveront rassemblés par une
célébration eucharistique unique, dans l’unité d’une seule et unique
Église, tous les chrétiens. Cette unité, le Christ l’a accordée à son
Église dès le commencement. Nous croyons qu’elle subsiste de façon
inamissible dans l’Église catholique et nous espérons qu’elle
s’accroîtra de jour en jour jusqu’à la consommation des siècles.
Il est évident que l’œuvre de préparation et de
réconciliation des personnes individuelles qui désirent la pleine
communion avec l’Église catholique, se distingue, par sa nature, de
l’entreprise œcuménique ; mais il n’y a, entre elles, aucune opposition,
puisque l’une et l’autre procèdent d’une disposition admirable de Dieu.
Dans l’action œcuménique, les fidèles de l’Église
catholique, sans hésitation, se montreront pleins de sollicitude envers
leurs frères séparés ; ils prieront pour eux, parleront avec eux des
choses de l’Église, feront vers eux les premiers pas. Ils considéreront
surtout avec loyauté et attention tout ce qui, dans la famille
catholique elle-même, a besoin d’être rénové et d’être réalisé, de telle
manière que sa vie rende un témoignage plus fidèle et plus clair de la
doctrine et des institutions que le Christ a transmises par ses Apôtres.
En effet, bien que l’Église catholique ait été dotée de
la vérité révélée par Dieu ainsi que de tous les moyens de grâce,
néanmoins ses membres n’en vivent pas avec toute la ferveur qui
conviendrait. Il en résulte que le visage de l’Église resplendit moins
aux yeux de nos frères séparés ainsi que du monde entier, et la
croissance du Royaume de Dieu en est entravée. C’est pourquoi tous les
catholiques doivent tendre à la perfection chrétienne [20]
; ils doivent, chacun dans sa sphère, s’efforcer de faire en sorte que
l’Église, portant dans son corps l’humilité et la mortification de Jésus
[21], soit purifiée et
renouvelée de jour en jour, jusqu’à ce que le Christ se la présente à
lui-même, glorieuse, sans tache ni ride [22].
Conservant l’unité dans ce qui est nécessaire, que tous,
dans l’Église, chacun selon la charge qui lui est confiée, gardent la
liberté qui leur est due, qu’il s’agisse des formes diverses de la vie
spirituelle et de la discipline, de la variété des rites liturgiques, et
même de l’élaboration théologique de la vérité révélée ; et qu’en tout
ils pratiquent la charité. De la sorte, ils manifesteront toujours plus
pleinement la véritable catholicité et apostolicité de l’Église.
D’un autre côté, il est nécessaire que les catholiques
reconnaissent avec joie et apprécient les valeurs réellement chrétiennes
qui ont leur source au commun patrimoine et qui se trouvent chez nos
frères séparés. Il est juste et salutaire de reconnaître les richesses
du Christ et sa puissance agissante dans la vie de ceux qui témoignent
pour le Christ parfois jusqu’à l’effusion du sang, car Dieu est toujours
admirable et doit être admiré dans ses œuvres.
Il ne faut pas non plus oublier que tout ce qui est
accompli par la grâce de l’Esprit Saint chez nos frères séparés peut
contribuer à notre édification. Rien de ce qui est réellement chrétien
ne s’oppose jamais aux vraies valeurs de la foi, mais tout cela peut
contribuer à pénétrer toujours plus parfaitement le mystère du Christ et
de l’Église.
Pourtant les divisions entre chrétiens empêchent
l’Église de réaliser la plénitude de catholicité qui lui est propre en
ceux de ses fils qui, certes, lui appartiennent par le baptême, mais se
trouvent séparés de sa pleine communion. Bien plus, pour l’Église
elle-même, il devient plus difficile d’exprimer sous tous ses aspects la
plénitude de la catholicité dans la réalité même de la vie.
Le saint Concile constate avec joie l’accroissement de
la participation des fidèles catholiques à la tâche œcuménique. Il
confie celle-ci aux évêques de toute la terre pour qu’ils veillent à la
promouvoir et qu’ils l’orientent avec discernement.
CHAPITRE II :
Exercice de l’œcuménisme
5. Le souci de réaliser
l’union concerne l’Église tout entière, fidèles autant que pasteurs, et
touche chacun selon ses capacités propres, aussi bien dans la vie
quotidienne que dans les recherches théologiques et historiques. Un
souci de cette sorte manifeste déjà, d’une certaine façon, les liens
fraternels qui existent déjà entre tous les chrétiens et conduit vers
l’unité pleine et parfaite, selon la bienveillance de Dieu.
6. Rénovation de l’Église
Toute rénovation de l’Église [23]
consistant essentiellement dans une fidélité plus grande à sa vocation,
c’est dans cette rénovation que se trouve certainement le ressort du
mouvement vers l’unité. L’Église, au cours de son pèlerinage, est
appelée par le Christ à cette réforme permanente dont elle a
continuellement besoin en tant qu’institution humaine et terrestre. Si
donc, par suite des circonstances, en matière morale, dans la discipline
ecclésiastique, ou même dans la formulation de la doctrine, qu’il faut
distinguer avec soin du dépôt de la foi, il est arrivé que, sur certains
points, on se soit montré trop peu attentif, il faut y remédier en temps
opportun d’une façon appropriée.
Cette rénovation revêt donc une insigne valeur
œcuménique. Les différentes formes de vie de l’Église par lesquelles
s’accomplit la rénovation en cause (mouvement biblique et liturgique,
prédication de la Parole de Dieu, catéchèse, apostolat des laïcs,
nouvelles formes de vie religieuse, spiritualité du mariage, doctrine et
activité de l’Église en matière sociale) sont à considérer comme autant
de gages et de signes qui annoncent favorablement les futurs progrès de
l’œcuménisme.
7. La conversion du cœur
Il n’y a pas de véritable œcuménisme sans conversion
intérieure. En effet, c’est du renouveau de l’esprit [24],
du renoncement à soi-même et d’une libre effusion de charité que
naissent et mûrissent les désirs de l’unité. Il nous faut par conséquent
demander à l’Esprit Saint la grâce d’une abnégation sincère, celle de
l’humilité et de la douceur dans le service, d’une fraternelle
générosité à l’égard des autres. « Je vous conjure, dit l’Apôtre des
nations, moi qui suis enchaîné dans le Seigneur, de marcher de façon
digne de la vocation qui vous a été départie, en toute humilité et
douceur, vous supportant les uns les autres avec patience et charité,
attentifs à conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Ep
4, 1-3). Cette exhortation s’adresse surtout à ceux qui ont été élevés à
un ordre sacré dans le dessein de continuer la mission du Christ venu
parmi nous « non pour être servi, mais pour servir » (Mt 20, 28).
Aux fautes contre l’unité peut aussi s’appliquer le
témoignage de saint Jean : « Si nous disons que nous n’avons pas péché,
nous faisons de Dieu un menteur et sa parole n’est pas en nous » (1
Jn 1, 10). Par une humble prière, nous devons donc demander pardon à
Dieu et aux frères séparés, de même que nous pardonnons à ceux qui nous
ont offensés.
Que les fidèles se souviennent tous qu’ils favoriseront
l’union des chrétiens, bien plus, qu’ils la réaliseront, dans la mesure
où ils s’appliqueront à vivre plus purement selon l’Évangile. Plus
étroite, en effet, sera leur communion avec le Père, le Verbe et
l’Esprit Saint, plus ils pourront rendre intime et facile la fraternité
mutuelle.
8. La prière en commun
Cette conversion du cœur et cette sainteté de vie,
ensemble avec les prières publiques et privées pour l’unité des
chrétiens, doivent être regardées comme l’âme de tout l’œcuménisme et
peuvent à bon droit être appelées œcuménisme spirituel.
C’est un usage cher aux catholiques que de se réunir
souvent pour renouveler la prière demandant l’unité de l’Église, celle
que le Sauveur lui-même, la veille de sa mort, a élevée de façon
suppliante vers son Père : « Qu’ils soient tous un » (Jn 17, 21).
En certaines circonstances particulières, par exemple
lors des prières prévues « pour l’unité », et lors des réunions
œcuméniques, il est permis, bien plus il est souhaitable, que les
catholiques s’associent pour prier avec les frères séparés. De telles
supplications communes sont assurément un moyen efficace de demander la
grâce de l’unité, et elles constituent une expression authentique des
liens par lesquels les catholiques demeurent unis avec les frères
séparés : « Là, en effet, où deux ou trois sont réunis en mon nom, je
suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20).
Cependant, il n’est pas permis de considérer la
communicatio in sacris comme un moyen à utiliser sans discernement
pour restaurer l’unité des chrétiens. Deux principes règlent
principalement cette communicatio : exprimer l’unité de l’Église
; faire participer aux moyens de grâce. Elle est, la plupart du temps,
interdite du point de vue de l’expression de l’unité ; la grâce à
procurer la recommande quelquefois. Quant à la façon pratique d’agir, eu
égard aux circonstances de temps, de lieux et de personnes, c’est
l’autorité épiscopale locale qui doit prudemment donner des
instructions, à moins qu’il n’y ait eu d’autres dispositions de la
Conférence épiscopale, selon ses propres statuts, ou du Saint-Siège.
9. Connaissance réciproque
fraternelle
Il faut connaître la mentalité des frères séparés. Pour
cela, une étude est nécessaire, et il faut la mener avec esprit de
vérité et bienveillance. Il est nécessaire que des catholiques bien
préparés acquièrent une meilleure connaissance de la doctrine et de
l’histoire, de la vie spirituelle et cultuelle, de la mentalité
religieuse et de la culture propre à leurs frères (séparés). Peuvent y
contribuer beaucoup de réunions mixtes, où, d’égal à égal, on traite en
particulier de questions théologiques, pourvu que ceux qui y prennent
part, sous la vigilance de leurs supérieurs, soient vraiment compétents.
De ce genre de dialogue ressort plus clairement aussi la véritable
position de l’Église catholique. De cette manière, on connaîtra mieux la
pensée des frères séparés, et notre foi leur sera présentée de façon
plus convenable.
10. Formation œcuménique
La théologie et les autres disciplines, surtout
l’histoire, doivent être enseignées aussi dans un sens œcuménique, pour
mieux répondre à la réalité des choses.
Il est, en effet, très important que les futurs pasteurs
et les prêtres possèdent une théologie ainsi exactement élaborée, et non
pas en termes de polémique, surtout pour les questions concernant les
relations des frères séparés avec l’Église catholique.
Car c’est de la formation des prêtres que dépendent
surtout la nécessaire éducation et formation spirituelle des fidèles et
des religieux.
De même, les catholiques missionnaires travaillant dans
les mêmes pays que d’autres chrétiens doivent connaître, surtout
aujourd’hui, les questions que pose l’œcuménisme à leur apostolat et les
résultats qu’il obtient.
11. La manière d’exprimer et
d’exposer la doctrine de la foi
La méthode et la manière d’exprimer la foi catholique ne
doivent nullement faire obstacle au dialogue avec les frères. Il faut
absolument exposer clairement la doctrine intégrale. Rien n’est plus
étranger à l’œcuménisme que ce faux irénisme qui altère la pureté de la
doctrine catholique et obscurcit son sens authentique et assuré.
En même temps, il faut expliquer la foi catholique de
façon plus profonde et plus juste, utilisant une manière de parler et un
langage qui soient facilement accessibles même aux frères séparés.
En outre, dans le dialogue œcuménique, les théologiens
catholiques, fidèles à la doctrine de l’Église, en conduisant ensemble
avec les frères séparés leurs recherches sur les divins mystères,
doivent procéder avec amour de la vérité, charité et humilité. En
comparant les doctrines entre elles, ils se rappelleront qu’il y a un
ordre ou une « hiérarchie » des vérités de la doctrine catholique, en
raison de leur rapport différent avec le fondement de la foi chrétienne.
Ainsi sera tracée la voie qui les incitera tous, dans cette émulation
fraternelle, à une connaissance plus profonde et une manifestation plus
évidente des insondables richesses du Christ [25].
12. Collaboration avec les
frères séparés
Que tous les chrétiens, face à l’ensemble des nations,
confessent leur foi dans le Dieu un et trine, dans le Fils de Dieu
incarné, notre Rédempteur et Seigneur, et par un commun effort, dans
l’estime mutuelle, qu’ils rendent témoignage de notre espérance qui ne
sera pas confondue. Aujourd’hui qu’une très large collaboration s’est
instaurée dans le domaine social, tous les hommes sans exception sont
appelés à cette œuvre commune, mais surtout ceux qui croient en Dieu,
et, en tout premier lieu, tous les chrétiens, à cause même du nom du
Christ dont ils sont parés. La collaboration de tous les chrétiens
exprime vivement l’union déjà existante entre eux, et elle met en plus
lumineuse évidence le visage du Christ serviteur. Cette collaboration,
déjà établie en beaucoup de pays, doit être sans cesse accentuée, là
surtout où l’évolution sociale et technique est en cours, soit en
faisant estimer à sa juste valeur la personne humaine, soit en
travaillant à promouvoir la paix, soit en poursuivant l’application
sociale de l’Évangile, soit par le développement des sciences et des
arts dans une atmosphère chrétienne, ou encore par l’apport de remèdes
de toutes sortes contre les misères de notre temps, telles la faim et
les calamités, l’analphabétisme et la pauvreté, la crise du logement et
l’inégale distribution des richesses. Par cette collaboration, tous ceux
qui croient au Christ peuvent facilement apprendre comment on peut mieux
se connaître les uns les autres, s’estimer davantage et préparer la voie
à l’unité des chrétiens.
CHAPITRE III :
Églises et communautés ecclésiales séparées du Siège apostolique
romain
13. Nous examinons
maintenant deux sortes de scissions principales, qui ont affecté la
tunique sans couture du Christ.
Les premières eurent lieu en Orient, soit du fait de la
contestation des formules dogmatiques des Conciles d’Éphèse et de
Chalcédoine, soit, plus tard, du fait de la rupture de la communion
ecclésiale entre les patriarcats orientaux et le Siège romain.
D’autres ensuite, plus de quatre siècles plus tard, se
produisirent en Occident, à la suite d’événements que l’on a coutume
d’appeler la Réforme. Il en résulta que plusieurs Communions, soit
nationales, soit confessionnelles, furent séparées du Siège romain.
Parmi celles qui gardent en partie les traditions et les structures
catholiques, la Communion anglicane occupe une place particulière.
Mais ces diverses séparations diffèrent beaucoup entre
elles, non seulement en raison de leur origine et des circonstances de
lieu et de temps, mais surtout par la nature et la gravité des questions
relatives à la foi et à la structure ecclésiale.
C’est pourquoi le saint Concile, désireux de ne pas
sous-estimer les conditions diverses des différentes communautés
chrétiennes et de ne pas passer sous silence les liens qui subsistent
entre elles malgré la division, juge opportun de présenter les
considérations suivantes, afin de procéder à une action œcuménique menée
avec discernement.
I. Considérations particulières relatives aux Églises orientales
14. Esprit et histoire propres
des Orientaux
Pendant plusieurs siècles, les Églises d’Orient et
d’Occident ont suivi chacune leur propre voie, unies cependant par la
communion fraternelle dans la foi et la vie sacramentelle, le Siège
romain intervenant d’un commun accord, lorsque surgissaient entre elles
des différends en matière de foi ou de discipline. Le saint Concile se
plaît à rappeler à tous, entre autres faits d’importance, qu’il y a en
Orient plusieurs Églises particulières ou locales, au premier rang
desquelles sont les Églises patriarcales dont plusieurs se glorifient
d’avoir été fondées par les Apôtres eux-mêmes. C’est pourquoi prévalut
et prévaut encore, parmi les Orientaux, le souci particulier de
conserver dans une communion de foi et de charité les relations
fraternelles qui doivent exister entre les Églises locales, comme entre
des sœurs.
Il ne faut pas non plus oublier que les Églises d’Orient
possèdent depuis leur origine un trésor auquel l’Église d’Occident a
puisé beaucoup d’éléments de la liturgie, de la tradition spirituelle et
du droit. On doit aussi estimer à sa juste valeur le fait que les dogmes
fondamentaux de la foi chrétienne sur la Trinité, le Verbe de Dieu, qui
a pris chair de la Vierge Marie, ont été définis dans des Conciles
œcuméniques tenus en Orient. Pour conserver la foi, ces Églises ont
beaucoup souffert et souffrent encore beaucoup.
L’héritage transmis par les Apôtres a été reçu de
manières diverses et, depuis les origines mêmes de l’Église, il a été
expliqué de façon différente selon la diversité du génie et des
conditions de vie. Ce sont toutes ces raisons, sans parler des motifs
d’ordre extérieur, par suite encore du manque de compréhension mutuelle
et de charité, qui donnèrent occasion aux séparations.
C’est pourquoi le Concile exhorte tout le monde, mais
surtout ceux qui se proposent de travailler à l’instauration de la
pleine communion souhaitée entre les Églises orientales et l’Église
catholique, à bien considérer cette condition particulière des Églises
d’Orient, à leur naissance et dans leur croissance, et la nature des
relations qui étaient en vigueur entre elles et le Siège romain avant la
scission, et à se former sur tous ces points un jugement équitable.
Cette règle, bien observée, sera extrêmement profitable pour le dialogue
que l’on recherche.
15. Tradition liturgique et
spirituelle des Orientaux
Tous savent aussi avec quel amour les chrétiens
orientaux célèbrent la sainte liturgie, surtout l’Eucharistie, source de
vie pour l’Église et gage de la gloire céleste. Par là, les fidèles,
unis à leur évêque, ont accès auprès de Dieu le Père par son Fils, Verbe
incarné, mort et glorifié, dans l’effusion de l’Esprit Saint. Ils
entrent de la sorte en communion avec la Très Sainte Trinité et
deviennent « participants de la nature divine » (2 P 1, 4). Ainsi
donc, par la célébration de l’Eucharistie du Seigneur dans ces Églises
particulières, l’Église de Dieu s’édifie et grandit [26],
la communion entre elles se manifestant par la concélébration.
Dans ce culte liturgique, Marie toujours Vierge que le
Concile œcuménique d’Éphèse a proclamée solennellement Très Sainte Mère
de Dieu, pour que le Christ fût reconnu vraiment et proprement Fils de
Dieu et Fils de l’homme, selon les Écritures, est célébrée par les
Orientaux en des hymnes magnifiques ; pareillement beaucoup de saints,
au nombre desquels les Pères de l’Église universelle, reçoivent une
grande vénération.
Puisque ces Églises, bien que séparées, ont de vrais
sacrements – principalement, en vertu de la succession apostolique : le
sacerdoce et l’Eucharistie –, qui les unissent intimement à nous, une
certaine communicatio in sacris, dans des circonstances
opportunes et avec l’approbation de l’autorité ecclésiastique, est non
seulement possible, mais même recommandée.
En Orient, aussi, on trouve les richesses de ces
traditions spirituelles, qui s’expriment surtout par le monachisme. Là,
depuis le temps glorieux des saints Pères, en effet, a fleuri la
spiritualité monastique, qui s’est répandue ensuite en Occident,
devenant pour ainsi dire la source de l’organisation de la vie
monastique des Latins et lui conférant par la suite une vigueur toujours
nouvelle. C’est pourquoi il est instamment recommandé aux catholiques
d’accéder plus fréquemment à ces richesses spirituelles des Pères
orientaux, qui élèvent l’homme tout entier à la contemplation des
mystères divins.
Tout le monde doit savoir qu’il est très important de
connaître, vénérer, conserver, développer, le si riche patrimoine
liturgique et spirituel de l’Orient pour conserver fidèlement la
plénitude de la tradition chrétienne et pour réaliser la réconciliation
des chrétiens orientaux et occidentaux.
16. Discipline particulière des
Orientaux
En outre, depuis les origines, les Églises d’Orient ont
suivi une discipline propre sanctionnée par les saints Pères et par des
Conciles, même œcuméniques. Il n’est pas du tout contraire à l’unité de
l’Église qu’il y ait diversité des mœurs et des coutumes, ainsi qu’il
vient d’être mentionné ; une telle diversité ajoute même à sa beauté et
est une aide précieuse pour l’accomplissement de sa mission ; aussi le
saint Concile, déclare-t-il, pour lever tout doute possible, que les
Églises d’Orient, conscientes de la nécessaire unité de toute l’Église,
ont la faculté de se régir selon leurs propres disciplines, parce que
plus conformes à la sensibilité de leurs fidèles et plus aptes à
promouvoir le bien des âmes. L’observance parfaite de ce principe
traditionnel qui, à vrai dire, ne fut pas toujours respectée, est l’une
des conditions préalables absolument nécessaires pour rétablir l’union.
17. Caractère particulier des
Orientaux au regard des questions doctrinales
Ce qui a été dit plus haut de la légitime diversité en
matière de culte et de discipline doit s’appliquer aussi à la
formulation théologique des doctrines. Effectivement, dans l’effort
d’approfondissement de la vérité révélée, les méthodes et les moyens de
connaître et d’exprimer les choses divines ont été différents en Orient
et en Occident. Il n’est donc pas étonnant que certains aspects du
mystère révélé aient été parfois mieux saisis et mieux exposés par l’un
que par l’autre, si bien que ces diverses formulations théologiques
doivent souvent être considérées comme plus complémentaires qu’opposées.
Quant aux traditions théologiques authentiques des Orientaux, on doit le
reconnaître, elles sont enracinées de façon excellente dans les Saintes
Écritures ; développées et exprimées dans la vie liturgique, elles se
nourrissent de la tradition vivante des apôtres, des écrits des Pères
orientaux et des auteurs spirituels ; elles portent à une juste façon de
vivre, voire à la pleine contemplation de la vérité chrétienne.
Rendant grâce à Dieu de ce que beaucoup d’Orientaux,
fils de l’Église catholique, qui gardent ce patrimoine et désirent en
vivre plus purement et pleinement, vivent déjà en pleine communion avec
leurs frères qui observent la tradition occidentale, le saint Concile
déclare que tout ce patrimoine spirituel et liturgique, disciplinaire et
théologique, dans ses diverses traditions, fait pleinement partie de la
catholicité et de l’apostolicité de l’Église.
18. Conclusion
Tout cela étant bien examiné, le saint Concile
renouvelle ce qui a été déclaré par les saints Conciles antérieurs,
ainsi que par les Pontifes romains : pour rétablir ou garder la
communion et l’unité, il ne faut « rien imposer qui ne soit nécessaire »
(Ac 15, 28). Il souhaite vivement que tous les efforts dorénavant
tendent à réaliser peu à peu cette unité aux divers niveaux et dans les
diverses formes de la vie de l’Église, surtout par la prière et le
dialogue fraternel concernant la doctrine et les nécessités les plus
urgentes du ministère pastoral de notre temps. Pareillement, il
recommande aux pasteurs et aux fidèles de l’Église catholique d’établir
des relations avec ceux qui ne sont plus en Orient, mais vivent loin de
leur patrie. De cette façon grandira entre eux une fraternelle
collaboration : l’esprit de charité exclura toute forme de rivalité. Si
l’on s’applique à cette œuvre de toute son âme, le saint Concile en a
l’espoir, le mur qui sépare l’Église d’Orient de celle d’Occident étant
abattu, il n’y aura plus qu’une seule demeure, solidement établie sur la
pierre angulaire, le Christ Jésus qui fera l’unité de l’une et de
l’autre [27].
II. Les Églises et communautés ecclésiales séparées en Occident
19. Condition spéciale de ces
communautés
Les Églises et Communautés ecclésiales qui, à l’époque
de la grande crise commencée en Occident à la fin du Moyen Âge, ou dans
la suite, furent séparées du Siège apostolique romain, demeurent unies à
l’Église catholique par une affinité particulière et par des relations
dues à la longue durée de vie que le peuple chrétien a passée dans la
communion ecclésiastique au cours des siècles antérieurs.
Étant donné que ces Églises et Communautés ecclésiales,
à cause de leur diversité d’origine, de doctrine et de vie spirituelle,
se distinguent notablement, non seulement de nous-mêmes, mais aussi
entre elles, il est très difficile de bien les définir, et nous n’en
avons pas ici l’intention.
Bien que le mouvement œcuménique et le désir de paix
avec l’Église catholique n’aient pas encore prévalu partout, nous avons
l’espoir néanmoins que tous finiront par avoir ce sens de l’œcuménisme
et que l’estime mutuelle ne fera que grandir.
Cependant, il faut reconnaître qu’entre ces Églises et
Communautés et l’Église catholique il y a des différences considérables,
non seulement de caractère historique, sociologique, psychologique et
culturel, mais surtout dans l’interprétation de la vérité révélée. Pour
rendre plus facile, malgré ces différences, l’instauration du dialogue
œcuménique, nous voulons souligner certains points qui peuvent et
doivent servir de fondement et de stimulant à ce dialogue.
20. La foi au Christ
Nous avons en vue surtout les chrétiens qui confessent
ouvertement Jésus Christ comme Dieu et Seigneur, unique Médiateur entre
Dieu et les hommes, pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et
Saint-Esprit. Certes, nous savons qu’elles ne sont pas légères les
différences qui existent par rapport à la doctrine de l’Église
catholique, même au sujet du Christ, Verbe incarné, et de l’œuvre
rédemptrice, et par suite au sujet du mystère et du ministère de
l’Église, ainsi que du rôle de Marie dans l’œuvre du salut. Ce nous est
une joie cependant de voir nos frères séparés regarder vers le Christ
comme la source et le centre de la communion ecclésiale. Touchés du
désir d’union avec le Christ, ils sont poussés de plus en plus à
chercher l’unité et à rendre partout témoignage de leur foi parmi les
nations.
21. Étude de l’Écriture
L’amour et la vénération – presque le culte – de nos
frères pour les Saintes Écritures les portent à l’étude constante et
diligente du texte sacré : l’Évangile « est en effet la force de Dieu
opérant le salut pour tout croyant, pour le Juif d’abord et puis pour le
Grec » (cf. Rm 1, 16).
Invoquant l’Esprit Saint, c’est dans les Saintes
Écritures mêmes qu’ils cherchent Dieu comme celui qui leur parle dans le
Christ qu’avaient annoncé les prophètes et qui est le Verbe de Dieu
incarné pour nous. Ils y contemplent la vie du Christ, ainsi que les
enseignements et les faits accomplis par le divin Maître pour le salut
des hommes, surtout les mystères de sa mort et de sa résurrection.
Mais, si les chrétiens séparés de nous affirment
l’autorité divine des Saints Livres, ils ont une opinion différente de
la nôtre (et différente aussi entre eux), au sujet de la relation entre
Écritures et Église. Dans celle-ci, selon la foi catholique, le
magistère authentique occupe une place particulière pour l’explication
et la proclamation de la Parole de Dieu écrite.
Cependant, les paroles sacrées sont, dans le dialogue
lui-même, des instruments insignes dans la main puissante de Dieu pour
atteindre cette unité que le Sauveur offre à tous les hommes.
22. La vie sacramentelle
Par le sacrement de baptême, toutes les fois qu’il est
conféré comme il convient selon l’institution du Seigneur et reçu avec
les dispositions intérieures requises, l’homme est incorporé vraiment au
Christ crucifié et glorifié, il est régénéré pour participer à la vie
divine, selon le mot de l’Apôtre : « Vous êtes ensevelis avec lui par le
baptême, vous êtes ressuscités avec lui parce que vous avez cru en la
force de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts » (Col 2, 12)
[28].
Le baptême constitue donc le lien sacramentel d’unité
existant entre tous ceux qui ont été régénérés par lui. Cependant, le
baptême, de soi, n’est que le commencement et le point de départ, car il
tend tout entier à l’acquisition de la plénitude de la vie dans le
Christ. Il est donc ordonné à la profession de foi intégrale, à la
totale intégration dans l’économie du salut, telle que le Christ l’a
voulue, et enfin à la totale insertion dans la communion eucharistique.
Bien qu’elles n’aient pas avec nous la pleine unité dont
le baptême est la source et bien que nous croyions que, en raison
surtout de la déficience du sacrement de l’Ordre, elles n’ont pas
conservé la substance propre et intégrale du mystère eucharistique,
cependant les communautés ecclésiales séparées de nous, lorsqu’elles
célèbrent à la sainte Cène le mémorial de la mort et de la résurrection
du Seigneur, professent que la vie consiste dans la communion au Christ
et attendent son avènement glorieux. Il faut donc que la doctrine sur la
Cène du Seigneur, les autres sacrements, le culte et les ministères de
l’Église, fasse l’objet du dialogue.
23. La vie dans le Christ
La vie chrétienne de ces frères se nourrit de la foi au
Christ, elle bénéficie de la grâce du baptême et de l’écoute de la
Parole de Dieu. Elle se manifeste dans la prière privée, la méditation
biblique, la vie de famille chrétienne, le culte de la communauté
rassemblée pour la louange de Dieu. Par ailleurs, leur culte comporte
plus d’une fois des éléments remarquables de l’antique liturgie commune.
La foi au Christ produit des fruits de louange et
d’action de grâces pour les bienfaits reçus de Dieu. À cela s’ajoute un
sens très vif de la justice et une sincère charité à l’égard du
prochain. Cette foi agissante a même suscité l’institution de beaucoup
d’œuvres pour le soulagement de la misère spirituelle et corporelle,
pour l’éducation de la jeunesse, pour l’amélioration des conditions
sociales de vie, pour l’établissement partout d’une paix stable.
Même si, parmi les chrétiens, beaucoup ne comprennent
pas de la même manière que les catholiques l’Évangile dans le domaine
des questions morales et n’admettent pas les mêmes solutions pour les
bien difficiles problèmes de la société d’aujourd’hui, néanmoins, ils
veulent, comme nous, s’attacher à la parole du Christ comme à la source
de la vertu chrétienne et obéir au précepte apostolique : « Quoi que
vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur
Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père » (Col 3, 17). C’est
ici que le dialogue œcuménique sur l’application morale de l’Évangile
peut commencer.
24. Conclusion
Après avoir exposé brièvement les conditions d’exercice
de l’action œcuménique et indiqué les principes qui doivent la diriger,
nous tournons maintenant avec confiance nos regards vers l’avenir. Le
saint Concile exhorte les fidèles à s’abstenir de toute légèreté, de
tout zèle imprudent, qui pourraient nuire au progrès de l’unité. Leur
activité œcuménique ne peut être, en effet, que pleinement et
sincèrement catholique, c’est-à-dire fidèle à la vérité reçue des
Apôtres et des Pères, et conforme à la foi que l’Église catholique a
toujours professée : elle tend à cette plénitude vers laquelle, au cours
des âges, le Seigneur veut que son Corps grandisse.
Le saint Concile souhaite instamment que les initiatives
des fils de l’Église catholique progressent unies à celles des frères
séparés, sans mettre un obstacle quelconque aux voies de la Providence
et sans préjuger des impulsions futures de l’Esprit Saint. Au surplus,
le saint Concile déclare avoir conscience que ce projet sacré, la
réconciliation de tous les chrétiens dans l’unité d’une seule et unique
Église du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines. C’est
pourquoi il met entièrement son espoir dans la prière du Christ pour
l’Église, dans l’amour du Père à notre égard, et dans la puissance du
Saint-Esprit : « L’espérance ne déçoit point : car l’amour de Dieu a été
répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm
5, 5).
Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés
dans ce décret ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du
pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les
vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le
Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été établi en Concile soit
promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 21 novembre 1964.
Moi, Paul, évêque de l’Église catholique
(Suivent les
signatures des Pères)
Signatures des Pères
Moi, PAUL, évêque de l’Église catholique
† Ego IOANNES titulo S. Marci Presbyter Cardinalis URBANI, Patriarcha
Venetiarum.
Ego PAULUS titulo S. Mariae in Vallicella Presbyter Cardinalis
GIOBBE, S. R. E. Datarius.
Ego FERDINANDUS titulo S. Eustachii Presbyter Cardinalis CENTO.
† Ego IOSEPHUS titulo S. Honuphrii in Ianiculo Presbyter Cardinalis
GARIBI Y RIVERA, Archiepiscopus Guadalajarensis.
Ego CAROLUS titulo S. Agnetis extra moenia Presbyter Cardinalis
CONFALONIERI.
† Ego PAULUS titulo Ss. Quirici et Iulittae Presbyter Cardinalis
RICHAUD, Archiepiscopus Burdigalensis.
† Ego IOSEPHUS M. titulo Ss. Viti, Modesti et Crescentiae Presbyter
Cardinalis BUENO Y MONREAL, Archiepiscopus Hispalensis.
† Ego FRANCISCUS titulo S. Eusebii Presbyter Cardinalis KÖNIG,
Archiepiscopus Vindobonensis.
† Ego IULIUS titulo S. Mariae Scalaris Presbyter Cardinalis DÖPFNER,
Archiepiscopus Monacensis et Frisingensis.
Ego PAULUS titulo S. Andreae Apostoli de Hortis Presbyter Cardinalis
MARELLA.
Ego GUSTAVUS titulo S. Hieronymi Illyricorum Presbyter Cardinalis
TESTA.
† Ego ALBERTUS titulo S. Caeciliae Presbyter Cardinalis MEYER,
Archiepiscopus Chicagiensis.
Ego ALOISIUS titulo S. Andreae de Valle Presbyter Cardinalis TRAGLIA.
† Ego PETRUS TATSUO titulo S. Antonii Patavini de Urbe Presbyter
Cardinalis DOI, Archiepiscopus Tokiensis.
† Ego IOSEPHUS titulo S. Ioannis Baptistae Florentinorum Presbyter
Cardinalis LEFEBVRE, Archiepiscopus Bituricensis.
† Ego BERNARDUS titulo S. Ioachimi Presbyter Cardinalis ALFRINK,
Archiepiscopus Ultraiectensis.
† Ego LAUREANUS titulo S. Francisci Assisiensis ad Ripam Maiorem
Presbyter Cardinalis RUGAMBWA, Episcopus Bukobaënsis.
† Ego IOSEPHUS titulo Ssmi Redemptoris et S. Alfonsi in Exquiliis
Presbyter Cardinalis RITTER, Archiepiscopus S. Ludovici.
† Ego IOSEPHUS HUMBERTUS titulo Ss. Andreae et Gregorii ad Clivum
Scauri Presbyter Cardinalis QUINTERO, Archiepiscopus Caracensis.
† Ego IGNATIUS PETRUS XVI BATANIAN, Patriarcha Ciliciae Armenorum.
† Ego IOSEPHUS VIEIRA ALVERNAZ, Patriarcha Indiarum Orientalium.
† Ego IOSEPHUS SLIPYJ, Archiepiscopus Maior et Metropolita
Leopolitanus Ucrainorum.
† Ego IOANNES CAROLUS MCQUAID, Archiepiscopus Dublinensis, Primas
Hiberniae.
† Ego ANDREAS ROHRACHER, Archiepiscopus Salisburgensis, Primas
Germaniae.
† Ego DEMETRIUS MOSCATO, Archiepiscopus Primas Salernitanus et
Administrator Perpetuus Acernensis.
† Ego MAURITIUS ROY, Archiepiscopus Quebecensis, Primas Canadiae.
† Ego HUGO CAMOZZO, Archiepiscopus Pisanus, Primas Sardiniae et
Corsicae.
† Ego ALEXANDER TOKI , Archiepiscopus Antibarensis, Primas Serbiae.
† Ego MICHAEL DARIUS MIRANDA, Archiepiscopus Mexicanus, Primas
Mexici.
† Ego OCTAVIUS ANTONIUS BERAS, Archiepiscopus S. Dominici, Primas
Indiarum Occidentalium.
† Ego IOANNES CAROLUS HEENAN, Archiepiscopus Vestmonasteriensis,
Primas Angliae.
† Ego GUILLELMUS CONWAY, Archiepiscopus Armachanus, Primas totius
Hiberniae.
† Ego FRANCISCUS MARIA DA SILVA, Archiepiscopus Bracharensis, Primas
Hispaniarum.
† Ego PAULUS GOUYON, Archiepiscopus Rhedonensis, Primas Britanniae.
† Ego ANDREAS CESARANO, Archiepiscopus Sipontinus et Admin. Perp.
Vestanus.
Sequuntur ceterae subsignationes.
Ita est.
† Ego PERICLES FELICI
Archiepiscopus tit. Samosatensis
Ss. Concilii Secretarius Generalis
† Ego IOSEPHUS ROSSI
Episcopus tit. Palmyrenus
Ss. Concilii Notarius
† Ego FRANCISCUS HANNIBAL FERRETTI
Ss. Concilii Notarius
[1] Cf. 1
Co 1, 13.
[2] Cf. 1
Jn 4, 9 ; Col 1, 18-20 ; Jn 11, 52.
[3] Cf. Jn
13, 34.
[4] Cf. Jn
16, 7.
[5] Cf. 1
Co 12, 4-11.
[6] Cf. Mt
28, 18-20, collato Jn 20, 21-23.
[7] Cf. Mt
16, 19, collato Mt 18, 18.
[8] Cf. Lc
22, 32.
[9] Cf. Jn
21, 15-17.
[10] Cf.
Ep 2, 20.
[11] Cf.
1 P 2, 25. – Conc. Vat. I, sess. 4 (1870), Const. Pastor Aeternus
: Coll. Lac. 7, 482 a.
[12] Cf.
Is 11, 10-12.
[13] Cf.
Ep 2, 17-18, collato Mc 16, 15.
[14] Cf.
1 P 1, 3-9.
[15] Cf.
1 Co 11, 18-19 ; Ga 1, 6-9 ; 1 Jn 2, 18-19.
[16] Cf.
1 Co 1, 11 s. ; 11, 22.
[17] Cf.
Conc. de Florence, sess. 8 (1439), décret Exultate Deo : Mansi
31, 1055 A.
[18] Cf.
Saint Augustin, In Ps. 32, Enar. II, 29 : PL 36,
299.
[19]Cf.
Conc. de Latran IV (1215), Constit. IVa : Mansi 22, 990. – Conc. de Lyon
II (1274), Profession de foi de Michel Paléologue : Mansi 24, 71 E. –
Conc. de Florence, sess. 6 (1439), définition Laetentur caeli :
Mansi 31, 1026 E.
[20] Cf.
Jc 1, 4 ; Rm 12, 1-2.
[21] Cf.
2 Co 4, 10 ; Ph 2, 5-8.
[22] Cf.
Ep 5, 27.
[23] Cf.
Conc. de Latran V, sess. 12 (1517), Const. Constituti : Mansi 32,
988 B-C.
[24] Cf.
Ep 4, 23.
[25] Cf.
Ep 3, 8.
[26] Cf.
Saint Jean Chrysostome, In Io. Homelia XLVI : PG 59,
260-262.
[27] Cf.
Conc. de Florence, sess. 6 (1439), définition Laetentur caeli :
Mansi 31, 1026 E.
[28] Cf.
Rm 6, 4.
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